Le 7 mars 2011
Communiqué de presse ANRS
Journée internationale de la Femme
« Les femmes à l’épreuve du VIH dans les pays du Sud »
Une publication de l’ANRS disponible à cette adresse
http://www.anrs.fr/VIH-SIDA/Sante-publique-Sciences-sociales/Actualites/Le-7-mars-l-ANRS-rend-public-un-ouvrage-Les-femmes-a-l-epreuve-du-VIH-dans-les-pays-du-Sud
« Des progrès dans l’accès aux soins, une « normalisation » relative, mais
une reconnaissance encore insuffisante de leurs spécificités et de leur
expérience »
A l’occasion de la Journée internationale de la Femme, l’ANRS rend public
sur ses sites du Sénégal, Cameroun et Burkina Faso, un ouvrage « Les femmes
à l’épreuve du VIH dans les pays du Sud : Genre et accès universel à la
prise en charge ». Edité dans sa collection « Sciences sociales et Sida »,
il rassemble une quinzaine de travaux de chercheurs qui analysent l’égalité
de l’accès aux soins, le rapport des femmes et des hommes aux systèmes de
soins, ou encore le rôle des femmes dans la prise en charge de l’infection
dans la sphère familiale. Cette publication permet de porter un regard
nouveau sur les femmes vivant avec le VIH en Afrique : Elles semblent tirer
davantage profit que les hommes des systèmes de santé et, plus globalement,
des services proposés aux personnes vivant avec le VIH. Cependant, elles
restent peu soutenues dans certains domaines comme la contraception, la
prise en charge des pathologies féminines liées au VIH ou la gestion des
soins au sein de leurs familles dont elles assument souvent seules la
responsabilité : leurs spécificités de femmes (et non pas uniquement de
mères) et leur expérience restent encore insuffisamment reconnues. Enfin, l’ouvrage
remet en question une vision de la vulnérabilité généralement perçue comme
exclusivement féminine : les hommes sont eux aussi soumis à une forme de
vulnérabilité sociale, limitant ou retardant le recours au dépistage et aux
soins.
Les programmes en faveur de l’accès universel à la prévention, au traitement
et à la prise en charge ont permis des avancées majeures dans les pays du
Sud : le nombre de personnes nécessitant un traitement antirétroviral et le
recevant est passé de 4 millions en 2008 à 5,2 millions fin 2009. Du fait de
la conjugaison de facteurs biologiques et sociaux, les femmes sont plus
touchées que les hommes par le VIH, particulièrement en Afrique où 60% des
personnes vivant avec le VIH sont des femmes. Il est donc important de
disposer de données actuelles sur l’accessibilité, l’acceptabilité, et les
effets sociaux du dépistage et des soins des femmes afin d’orienter les
stratégies de santé publique dans un objectif d’équité.
Des démographes, sociologues, épidémiologistes, anthropologues et
spécialistes de santé publique rassemblés par l’ANRS dans l’ouvrage « Les
Femmes à l’épreuve du VIH dans les pays du Sud » ont mené leurs travaux en
majorité en Afrique francophone de l’Ouest et du Centre. Ils tentent de
répondre aux questions suivantes : Les femmes bénéficient-elles des progrès
dans la prévention et la prise en charge du VIH/sida à égalité avec les
hommes ?
Quelle expérience les femmes ont-elles des services de soins en tant que
personnes atteintes par le VIH, futures mères et mères d’enfants exposés ?
Les rôles sociaux qui leur attribuent la responsabilité de la prévention et
la charge des soins au sein des couples et des familles, sont-ils sources de
difficultés ? Les politiques de santé accroissent-elles leur vulnérabilité
sociale dans les sociétés patriarcales, ou à l’inverse, les pratiques de
soins, les interventions « sensibles au genre » développées depuis une
décennie, et les usages qu’en font les femmes, ont-ils établi un certain
niveau d’équité ?
Publié dans la collection « Sciences sociales et Sida », et diffusé
gratuitement, l’ouvrage est coordonné par Alice Desclaux (Université Paul
Cézanne d’Aix-Marseille/IRD, UMI 233, Centre de Recherche et de Formation à
la prise en charge de Fann, Dakar, Sénégal), Philippe Msellati (IRD, UMI
233, Yaoundé, Cameroun) et Khoudia Sow (IRD, UMI 233, Centre de Recherche et
de Formation à la prise en charge de Fann, Dakar, Sénégal). Il est préfacé
par les Prs Jean-François Delfraissy (Directeur de l’ANRS), Françoise
Barré-Sinoussi (Prix Nobel de Médecine, Institut Pasteur) et Michel Sidibé
(Directeur exécutif de l’Onusida). Il est rendu public, à Dakar, sur le site
de l’Anrs, à la veille de la Journée internationale de la Femme, au cours d’une
réunion co-organisée par l’Anrs, l’Onusida et l’IRD rassemblant une centaine
de chercheurs, représentants d’institutions internationales, responsables de
santé et représentants de la société civile. Le livre est également présenté
le 7 mars sur les sites Anrs du Cameroun et du Burkina Faso. L’Onusida s’est
associé à l’ANRS pour en assurer une large diffusion dans les pays du Sud.
►Les équipes de recherche impliquées
Les travaux publiés ont été réalisés par des chercheurs de l’IRD, de l’INSERM,
des universités d’Aix-Marseille, Dakar, Yaoundé, Paris, Bordeaux,
Montpellier, Ouagadougou, de l’EHESS, de l’INED, du Centre Pasteur du
Cameroun et de l’Institut Pasteur du Cambodge, de l’OMS, de l’IMEA, et d’organismes
partenaires.
►L’accès aux soins : un problème… pour les hommes en premier lieu
Contrairement à ce que l’on pourrait attendre, les femmes ont souvent accès
plus précocement aux traitements antirétroviraux que les hommes. Ceci tient
notamment à ce qu’elles sont dépistées dans le cadre des programmes de
prévention de la transmission mère-enfant (PTME). Mais pas uniquement.
Malgré la dépendance sociale des femmes et leur assujettissement aux
décisions des hommes, elles font passer leur responsabilité maternelle avant
la crainte d’être vues dans des lieux de traitement spécifiques d’une
pathologie toujours stigmatisante. Les femmes ont des demandes plus directes
de soins et d’appui notamment dans l’objectif de traiter leurs enfants, et
elles en tirent profit pour accéder elles-mêmes aux traitements.
A contrario, l’exacerbation de valeurs telles que la dignité suscite chez
les hommes un sentiment de honte d’être identifiés comme infectés limitant
ou retardant leur recours au dépistage et aux soins. Il existe aussi des
différences entre hommes et femmes dans leur manière de « socialiser » le
traitement antirétroviral, au travers des personnes auxquelles ils/elles
choisissent d’en parler et du contenu de ces échanges. Les hommes cachent
plus souvent leur traitement que les femmes et ont plus de réticences à en
parler, y compris avec les soignants.
► « Partager » son statut sérologique avec son conjoint
Le dépistage du VIH en consultation prénatale crée une opportunité pour
parler dans le couple des risques sexuels. Ces questions sont abordées par
les femmes notamment à la fin de la grossesse, au sevrage de l’enfant, et à
la reprise des rapports sexuels. Pour les mères infectées, les séances de
conseils donnés dans le cadre de la prévention de la transmission
du VIH de la mère à l’enfant (PTME) sont des moments clé pour parler de
santé sexuelle. Lorsque l’accès aux traitements est généralisé, comme au
Cameroun, les femmes peuvent être très nombreuses à annoncer leur statut
sérologique à leur conjoint, ce qui a des conséquences favorables en termes
d’adoption de pratiques de prévention.
►Etre mère au temps du VIH
Le développement de la PTME et la réduction des risques de transmission
sexuelle du VIH sous traitement facilitent les projets de procréation. Les
chercheurs ont identifié d’autres facteurs ayant un impact sur les
représentations de la maternité et sur la procréation elle-même. Ainsi, l’exemple
de naissances médiatisées dans le milieu associatif et qui ont pris valeur
de modèles, ou encore un changement d’attitude des équipes soignantes
vis-à-vis du désir d’enfant chez les personnes séropositives. D’un autre
côté, le nombre élevé d’enfants atteints par le VIH représente une lourde
charge au quotidien pour leurs mères, mais aussi leurs tantes, soeurs et
tutrices. Ce travail de soins reste peu reconnu et elles sont peu soutenues
pour assumer ce rôle. Elles restent assez peu appuyées par les programmes
sanitaires dans des domaines importants, tels que l’information sur les
risques généraux de transmission du VIH et les autres risques liés à leur
santé ou celle de leur enfant, l’accès à la contraception, ou la gestion des
soins domestiques. Le soin aux enfants reste une charge souvent portée par
les mères dans une grande solitude du fait du maintien du secret sur le
statut sérologique.
►Une visibilité des femmes récente et « à double tranchant » ?
Les femmes vivant avec le VIH en Afrique ou en Asie et les femmes
séropositives d’origine africaine vivant en France ont collectivement
dépassé leur invisibilité initiale. C’est également le cas dans le domaine
de la recherche : elles sont ainsi maintenant davantage présentes que les
hommes dans les essais cliniques réalisés au Sénégal. Ceci soulève de
nouvelles questions, notamment en matière d’éthique, en particulier lorsque
leur participation « communautaire », après avoir été promue, n’est pas
suffisamment reconnue.
►Pistes pour les politiques de santé à venir
L’ouvrage « Les femmes à l’épreuve du VIH dans les pays du Sud » montre que
grâce à l’expérience qu’elles ont élaborée, les femmes progressent vers une
« normalisation » de l’infection à VIH qu’elles vivent comme une maladie
chronique. Mais les avancées dans la prise en charge thérapeutique ne
réduisent pas le poids de la prévention et des soins porté principalement
par les femmes dans leurs familles. La reconnaissance de leurs
particularités, leurs demandes et leurs besoins, et surtout de leur
contribution aux soins et à la prévention, reste insuffisante. L’ouvrage
nous amène également à dépasser une approche univoque de la vulnérabilité
considérée comme exclusivement féminine : les hommes sont aussi soumis à une
forme de vulnérabilité sociale, certes différente, mais que les programmes
nationaux de lutte contre le sida devront à l’avenir considérer.
La recherche sur les Femmes à l’ANRS
23 projets de recherche sur le VIH, au Nord et au Sud, concernent les femmes
(consulter le détail de ces études sur
http://www.anrs.fr/VIH-SIDA/Sante-publique-Sciences-sociales/Actualites/Le-7-mars-l-ANRS-rend-public-un-ouvrage-Les-femmes-a-l-epreuve-du-VIH-dans-les-pays-du-Sud
Dans les pays du Sud :
Parmi les 8 études actuellement menées, deux grands essais de prévention
pendant la grossesse et l’allaitement. Deux grands programmes d’évaluation
multidisciplinaires de programmes d’intervention et de prévention se
déroulent en Afrique et à Madagascar.
Quatre études en sciences sociales évaluent la prise en charge et l’accès
aux soins dans plusieurs pays d’Afrique.
En France et dans les territoires d’outre-mer :
Parmi les 15 études en cours, l’essai ANRS 135 PRIMEVA a évalué une
stratégie thérapeutique de prévention de la transmission du VIH de la mère
à l’enfant dans l’objectif de limiter les effets secondaires des
traitements chez l’enfant. La cohorte ANRS CO1 EPF suit depuis 1984 des
femmes infectées par le VIH et leurs jeunes enfants et est, de fait, la
plus importante et la plus ancienne des cohortes existantes sur ce sujet
au monde.
La cohorte ANRS CO17 VIHGY étudie l’infection par papillomavirus chez les
femmes séropositives.
Dans le domaine des sciences sociales, plusieurs grandes études sont
menées sur le territoire et dans les territoires d’outre-mer : «
Connaissances, attitudes, croyances et comportements face au VIH/Sida » et
« Conditions de vie des personnes vivant avec le VIH ». Une vaste étude va
débuter fin 2011 en Ile-de-France sur les parcours de vie et de soins des
personnes migrantes d’Afrique. Toutes trois aborderont des questions
spécifiques sur les femmes.
Le pourcentage de femmes parmi les patients inclus dans les essais et
cohortes de l’ANRS se situe autour de 20%, ce qui est légèrement inférieur
au pourcentage de femmes infectées par le VIH en France (environ 33%). Ce
chiffre s’explique en partie en raison de critères d’exclusion des essais
qui concernent particulièrement les femmes, par exemple les projets de
maternité.
► Pour en savoir plus
« Les femmes à l’épreuve du VIH dans les pays du Sud. Genre et accès
universel à la prise en charge » édité par l’ANRS, collection Sciences
sociales et sida. Alice Desclaux, Philippe Msellati, Khoudia Sow eds. (Mars
2011, 256 pages, gratuit) Téléchargeable sur http://www.anrs.fr
►Contacts presse
Marie-Christine Simon
Murièle Matignon
ANRS, service Information scientifique et communication
Tél. : 00 33 1 53 94 60 30/31
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