[e-med] (2)Sida : Le scandale est dans l’éprouvette et ailleurs?

Affaire des tests anti-sida: L’éclairage du ministre de la Santé
publique, Urbain Olanguena Awono.

Urbain Olanguena Awono (Ministre de la Santé): "Il n’y a pas de
problème éthique"
Le 24 Janvier 2005
©Y.A., Cameroon Tribune

Après votre réaction de ce week-end, doit-on conclure qu’il y a aucun
problème avec l’essai sur le Ténofovir ?

Je dois répondre sans hésiter que de notre point de vue, il n’y a pas
de problème éthique. Le reproche global qui est fait est de dire que
l’étude menée au Cameroun s’écarte de l’éthique. Les activistes et la
presse qui les relaie se fondent sur ce jugement inexact pour accuser
les autorités et les scientifiques camerounais. Je dis qu’au plan
strictement éthique, tous les principes ont été rigoureusement
respectés par le protocole de recherche, et c’est sur la base de ce
respect que l’autorisation administrative de cette recherche a été
donnée.

Le principal reproche qu’on fait à cette étude est de ne pas prendre en
charge les volontaires devenus séropositifs pendant le déroulement de
la recherche. Est-ce fondé ?

Il faut bien séparer les questions éthiques des questions humanitaires.
Cela me semble très important, parce qu’il faut éviter l’amalgame. Au
plan humanitaire, il est tout à fait normal que les personnes enrôlées
dans l’étude soient totalement prises en charge, s’il s’avérait que
pendant cette étude, elles sont " séroconverties ", comme nous disons.
Et même si cela n’est pas une exigence éthique, le ministre de la Santé
publique a donné à l’équipe de recherche et aux institutions qui
appuient cette étude la prescription de prendre en charge ces
personnes.

Cela a-t-il été fait ?

Les informations à ma connaissance confirment que cette prise en charge
est assurée, notamment à trois personnes qui seraient " séroconverties
" au cours de l’étude en cours à Douala.

Les volontaires enrôlées étaient-elles parfaitement au courant de la
démarche de l’étude?

Je dis clairement que les principes qui régissent l’expérimentation sur
l’être humain sont ici respectés. Le Cameroun a un comité national
d’éthique qui est compétent et l’on ne saurait être complaisant dans ce
domaine. C’est un essai de phase II, ce qui veut dire que la phase I
qui est menée sur l’animal s’est avérée satisfaisante. Et les personnes
enrôlées dans cette phase II de l’étude le sont sur la base d’un
consentement éclairé. Elles sont bien informées sur les objectifs de
l’étude et ses procédures.

Vous venez donc de mettre une mission d’évaluation en route.
Qu’adviendrait-il si elle décelait des anomalies du genre qui est ainsi
dénoncé depuis quelques jours ?

Cette étude ne se fait pas seulement au Cameroun. Elle est menée aux
Etats-Unis, au Nigeria, au Ghana, en Zambie, au Malawi. C’est une étude
importante, puisqu’il s’agit tout de même de vérifier si ce médicament
déjà efficace au plan thérapeutique peut être utilisé pour la
prévention de l’infection à VIH. Evidemment, s’il s’avérait que sur le
terrain des dérapages soient constatés, qui s’écarteraient des
principes éthiques, bien sûr que nous serions dans l’obligation
d’arrêter immédiatement l’essai.

Et que deviendraient dans ce cas de figure les volontaires devenus
séropositifs?

D’abord il faut dire qu’il n’y a pas de relation de cause à effet entre
l’étude et l’infection à VIH des volontaires. Néanmoins, j’ai prescrit
que des dispositions soient prises pour assurer la bonne prise en
charge de ces personnes-là, même si on arrêtait l’expérimentation

[cette version sera peut-être plus lisible, c'est pourquoi je préfère la rediffuser.CB]

En réponse au ministre de la santé du Cameroun Mr Urbain Olanguena
Awono.

Les réactions qui suivent répondent au communiqué de presse du
Ministère de la Santé du Cameroun et à l'entretien accordé au Cameroon
Tribune par M. Olanguena Awono dans l’édition du 24 Janvier 2005. Elles
sont le fruit d’un travail commun entre le REDS (Réseau Droit Ethique
et Sida) à Yaoundé et Act Up-Paris.

À propos de l’évaluation par une équipe interne de FHI en décembre 2004.

FIH est le promoteur de l’essai, par conséquent cet ONG est responsable
du bon déroulement de l’étude et du respect du Protocole. Il n’est donc
pas étonnant que l’évaluation interne menée en décembre 2004 n’ait pas
relevé de problème particulier dans la conduite de l’essai à Douala. En
effet ce sont le protocole et les modalités de prise en charge des
personnes dépistées séropositives au VIH à l’entrée et au court de
l’étude ainsi que le dispositif prévu pour le counselling de prévention
que nous contestons. Hors ces modalités et ce dispositif sont précisés
dans la notice d’information patient et font partie des dispositions
réglementaires mis en place par FHI. FHI est juge et partie et son
n’audit ne peut avoir dès lors qu’une valeur interne : vérifier sur le
terrain si Care Health Program applique les prescriptions du promoteur
FHI. Ce que nous contestons ce n'est pas l'application du protocole
mais le protocole lui-même.

À propos du choix de France 2 de ne pas monter l’interview avec M.
Kaptué, président du Comité National d’Ethique.

Le journaliste qui à réaliser le documentaire, Eric Colomer, a choisi
de ne pas utiliser l’entretien avec M. Kaptué ce qui n’a pas manqué de
nous étonner quand nous avons vu le documentaire. En effet il ne
souhaitait pas mettre en cause ce vieil homme qui est un grand
scientifique et qui, très tôt, s’est engagé dans la lutte contre le
sida au Cameroun.
Nous pourrons proposer si cela est nécessaire dans le courant de la
semaine prochaine une retranscription intégrale de l’entretien. Par
ailleurs chacun peut demander à France 2 de visionner les
enregistrements vidéo. On pourra alors constater qu’il y avait matière
à mettre en cause le bon fonctionnement du comité National d'Ethique
dans l’évaluation du protocole Tenofovir.
Notons par ailleurs que Monsieur Kaptué à fait pression sur la
rédaction de France 2 afin que l’entretien avec une personne incluse
dans l’essai ne figure pas dans le documentaire diffusé. Il invoque
dans un fax sur papier à entête du Comité National d’Ethique, envoyé à
Philippe Pecoul, rédacteur en chef de France 2. Je cite : “ que
conformément aux normes éthiques de la recherche impliquant la
participation des êtres humains, aucune publication ni reportage ne
peut être fait sur une étude en brisant la confidentialité des sujets
participant à la recherche ”. À quelle norme fait-il référence ? En
l’absence de loi camerounaise qui encadre la recherche biomédicale, le
professeur doit en principe se référer à la déclaration d’Helsinki :

DECLARATION D'HELSINKI DE L'ASSOCIATION MEDICALE MONDIALE
Principes éthiques applicables aux recherches médicales sur des sujets
humains

Cette charte est consultable par internet à l’adresse suivante :
http://www.wma.net/f/policy/b3.htm?OpenDocument

L’article 21 de la charte précise “ le droit du sujet à la protection
de son intégrité doit toujours être respecté. Toutes précautions
doivent être prises pour respecter la vie privée du sujet, la
confidentialité des données le concernant et limiter les répercussions
de l'étude sur son équilibre physique et psychologique ”.

Cet article est une obligation faite au promoteur et aux
investigateurs des essais. Ils n’ont en effet pas le droit de divulguer
l’indentée et les coordonnées d’une personne incluse dans la recherche.
Cela n'interdit évidemment pas à une personne participant à l'essai de
s'exprimer sur cet essai si elle le souhaite.
Dans le cas présent ni l’identité ni les coordonnées de la personne
incluse dans la recherche qui s’exprime dans le documentaire n’ont été
fournies par les responsables de l’essai. Bien au contraire il
semblerait que se soit exercée une pression sur elle afin qu’elle
renonce à l’entretien.

À propos de l’audit de l’essai par le gouvernement qui vise à évaluer
si l’essai est mené en conformité avec le protocole.

Dans dix jours que le Pr Peter Doumbe déposera les conclusions du
comité chargé de faire la lumière sur la controverse autour des tests.

Qui compose ce comité ? A-t-on pris soin d’y inclure des experts
associatifs indépendants ? Les associations de personne vivant avec VIH
et les représentant des personnes incluses vont-ils être auditionnés?
C’est ce que nous ne savons pas.

Par ailleurs, de même que l’audit interne de FHI a conclu qu’il n’y
avait pas de problème particulier dans la conduite de l’essai en
référence à ce qui est prévu par le protocole, l’enquête du ministère
de la santé devrait faire de même ; du moins si elle se s’attache
uniquement à examiner si le protocole et les dispositions qui s’y
rattachent sont respectés. Encore une fois c’est précisément certaines
dispositions du protocole lui-même que nous mettons en doute d’un point
de vue éthique.

À propos de la distinction entre éthique et humanitaire faite par
Monsieur Urbain Olanguena Awono ministre de la Santé publique dans
l’édition de Cameroon Tribune du 24 Janvier 2005

Nous citons
“ Question :
Le principal reproche qu’on fait à cette étude est de ne pas prendre en
charge les volontaires devenus séropositifs pendant le déroulement de
la recherche. Est-ce fondé ?

Réponse :
Il faut bien séparer les questions éthiques des questions humanitaires.
Cela me semble très important, parce qu’il faut éviter l’amalgame. Au
plan humanitaire, il est tout à fait normal que les personnes enrôlées
dans l’étude soient totalement prises en charge, s’il s’avère que
pendant cette étude, elles sont " séroconverties ", comme nous disons.
Et même si cela n’est pas une exigence éthique, le ministre de la Santé
publique a donné à l’équipe de recherche et aux institutions qui
appuient cette étude la prescription de prendre en charge ces
personnes. ”
Or, dans la charte éthique d’éthique de la recherche dans les pays en
développement de l’ANRS (Agence de Recherche sur le Sida française) il
est précisé à l’article 6.12 :
(http://www.anrs.fr/index.php/article/articleview/695/1/257) “ Au terme
d’un essai thérapeutique, les traitements ayant démontré leur
efficacité doivent être mis à la disposition de la personne ayant
participé à la recherche ”.
Si l’on peut considérer que cette disposition ne s’applique pas
directement à l’essai Tenofovir elle établit un lien entre l’éthique
dans la recherche et la mise à disposition d’un traitement à l’issue de
la recherche. C’est d’ailleurs ce qui se passe pour les personnes qui
ont participé à l’essai Triomune ® ANRS 12 74 qui s’est déroulé à
Yaoundé. Le CNLS est chargé via une convention signée avec l’ANRS de la
mise à disposition gratuite des traitements ARV pour les personnes
ayant participé à la recherche.

Par ailleurs, si l’efficacité du Tenofovir comme traitement
prophylactique permettant de réduire de façon significative l’infection
par le vih est démontrée par l’essai, quelles mesures l’Etat
Camerounais a-t-il prises pour la mise à disposition de la molécule aux
participants à l’essai comme l’exigerait la charte d’Elsinski à son
article 30 ?
Article 30 : “ Tous les patients ayant participé à une étude doivent
être assurés de bénéficier à son terme des moyens diagnostiques,
thérapeutiques et de prévention dont l'étude aura montré la
supériorité. ”

Y a-il une convention signée entre l’Etat Camerounais et FHI ou Gilead
qui s’assure que le produit sera disponible gratuitement ou à un prix
abordable au Cameroun?

Enfin à notre connaissance, aucune instruction du ministre de la Santé
publique du Cameroun n’a été donnée à l’équipe de recherche et aux
institutions qui appuient cette étude afin que soient pris en charge
(suivi, traitements des infections opportunistes et ARV si nécessaire)
gratuitement les personnes qui se seraient " séroconverties " pendant
l’essai. Si c’est le cas le ministère aurait tout intérêt à rendre
publique les protocoles d’accord.
Toujours à notre connaissance, l’antenne de MFS Suisse de Doula a pris
la décision unilatérale de recevoir et de prendre en charge les
personnes découvertes séropositives à l’entre et au cours de l’essai,
sans que la moindre convention n’ait été signée avec le promoteur ni
les autorités sanitaires.

Régis Samba-Kounzi
Responsable Commission Nord/Sud
Act Up-Paris BP 287
75 525 Paris cedex 11
Tel : +33 1 49 29 44 75
Fax : +33 1 48 06 16 74
Mail: rkounzi@no-log.org
http://www.actupparis.org/secteur10.html