[e-med] Développer la recherche sur la sécurité du patient

DPC & Pratiques n° 44
Développer la recherche sur la sécurité du patient
Dr Jean Brami - Direction de l'amélioration de la qualité et de la sécurité
des soins - HAS
http://qshc.bmj.com/search?fulltext=Jha+AK%2C+Prasopa-Plaizier+N%2C+Larizgoita+I%2C+Bates+DW.+Patient+safety+research%3A+an+overview+of+the+global+evidence.+Qual+Saf+Health+Care.+2010%3B10%3A42-4&submit=yes&x=0&y=0

De multiples travaux de recherche ont été consacrés ces dernières années à
la sécurité du patient et aux soins médicaux peu sûrs. Ces derniers ont
largement été analysés et beaucoup d'efforts ont été engagés pour savoir
quelle en est la fréquence, quelles en sont les conséquences sur le patient
en termes de mortalité et de morbidité et quelles peuvent être les
meilleures solutions pour y faire face. Néanmoins, ces recherches sont
insuffisantes et les données encore largement imprécises.

Consciente des lacunes importantes qui existent dans ce domaine, l'Organisation
mondiale de la santé (OMS) a demandé à un groupe d'experts internationaux de
définir des priorités en matière de recherche. Le rapport rendu en 2008
constitue une photographie de la sécurité du patient dans le monde. Il
confirme l'insuffisance notable de connaissances et émet des
recommandations. Parmi celles-ci, l'importance de disposer de plus de
données, surtout en provenance des pays en voie de développement, de prendre
en compte la culture et les habitudes des pays concernés et d'appliquer plus
systématiquement les résultats de la recherche à la pratique médicale.

Dans un article1 de 2010 paru dans Quality and Safety of Health Care
http://qshc.bmj.com/ , les auteurs principaux du rapport de l'OMS,
reviennent sur ses conclusions et en rappellent les grandes lignes.

Le groupe d'experts consulté a réalisé une revue de la littérature mondiale
et a identifié 23 thèmes majeurs qui expliquent les soins médicaux peu sûrs
(SMPS). Ces thèmes ont été classés en trois catégories selon qu'ils
concernent les structures, les processus ou les résultats.

Parmi les facteurs structurels contribuant à des SMPS, les ruptures dans la
continuité des soins, qui affectent surtout les systèmes complexes comme
ceux représentés par l'hôpital, représentent une cause très importante. L'insuffisance
de personnel médical, la pression exercée par le rythme de travail, la
mauvaise communication, la fatigue et la distraction sont également des
facteurs importants. Un autre facteur est représenté par l'absence de
culture de sécurité avec en particulier la peur d'être blâmé en cas d'erreur.
Enfin toutes les interfaces entre l'homme et la machine (le facteur humain)
peuvent être à l'origine des SMPS.

En ce qui concerne les processus, les auteurs expliquent que les mauvais
diagnostics représentent une cause majeure, non suffisamment étudiée, d'erreurs
médicales. Ainsi, certaines études suggèrent que 10 à 15 % des diagnostics
médicaux seraient incorrects. L'absence de suivi des examens de laboratoire
représente une autre cause de SMPS. Les examens de laboratoire demandés dans
des pathologies pour lesquelles il est important d'obtenir ces
renseignements, ne seraient pas consultés dans la moitié des cas. Une autre
cause importante à l'origine de SMPS se rencontre surtout dans les pays en
voie de développement. Il s'agit de l'utilisation de médicaments contrefaits
ou pour lesquels la substance active est absente ou différente (par exemple
des antidépresseurs vendus comme antirétroviraux). Dix à 30 % des
médicaments vendus au niveau mondial seraient contrefaits et il est probable
que des centaines de milliers de personnes meurent chaque année dans le
monde à cause de l'utilisation de ces médicaments. Classée dans les
processus, la pratique des injections médicamenteuses représente une part
importante de SMPS : l'OMS estime que 16 billions d'injections sont
réalisées chaque année dans le monde et que plus de 40 % de ces injections
sont réalisées avec des seringues et des aiguilles réutilisées et non
stérilisées.

Dans la catégorie résultats, les auteurs estiment qu'entre 7,5 % et 10,4 %
des hospitalisations sont dues aux seuls médicaments et qu'elles pourraient
être évitées dans 28 à 56 % des cas. L'appareillage médical représente une
autre cause substantielle de lésions pour les patients. Rien qu'aux USA, on
estime que chaque année il survient 1 million d'événements indésirables en
rapport avec les dispositifs médicaux. Il est probable que dans les pays en
voie de développement, le problème est encore plus important dans la mesure
où la maintenance de ces dispositifs est peu assurée. Sans surprise, la
chirurgie et l'anesthésie représentent également une cause importante de
SMPS. Aux USA, on estime que les événements indésirables en rapport avec la
chirurgie représentent 48 % de l'ensemble des événements indésirables et
pourraient être prévenus dans la moitié ou les trois quarts des cas. Les
infections nosocomiales constituent le lot de 5 à 10 % des patients
hospitalisés dans les pays développés et 25 à 40 % dans les pays en voie de
développement. Enfin, les produits sanguins représentent une autre
importante source d'infections dans les pays en voie de développement
puisque 5 à 15 % des contaminations HIV seraient dues à des produits
sanguins dangereux. Les produits sanguins sont également responsables de la
transmission des hépatites B et C, de la syphilis, du paludisme, de la
maladie de Chagas et de la fièvre du Nil.

Les trois principales conclusions de l'article sont (1) que les SMPS sont
extrêmement répandus et représentent un poids très lourd pour les économies
des pays, (2) que la majorité des études proviennent des pays développés et
ne renseignent pas sur l'étendue du problème dans les pays en voie de
développement et (3) que d'une façon générale, beaucoup de données sont
encore à recueillir, en particulier, celles concernant les soins primaires
et les pathologies chroniques.

1.Jha AK, Prasopa-Plaizier N, Larizgoita I, Bates DW. Patient safety
research: an overview of the global evidence. Qual Saf Health Care.
2010;10:42-47.

WHO. Second global patient safety challenge: safe surgery saves lives. 2008.
http://www.who.int/patientsafety/challenge/second_gpsc/en/index.html
(accessed 14 August 2006).