[e-med] Et si l'éradication de la polio n'était qu'un mirage?

Et si l'éradication de la polio n'était qu'un mirage?
Publication: 24/10/2014 07h26 CEST Mis à jour: 24/10/2014 14h16
http://www.huffingtonpost.fr/bruno-rivalan/eradication-poliomyelite_b_6035500.html
Bruno Rivalan Devenez fan
Responsable plaidoyer pour l’organisation Global Health Advocates

En cette période de fièvre Ebola et de crise sanitaire mondiale, la
journée mondiale de lutte contre la poliomyélite, que nous célébrons le 24
octobre, nous apporte une lueur d'espoir : en 26 ans, le nombre de cas de
polio a diminué de 99%. Après la variole, l'humanité est en passe
d'éradiquer pour la deuxième fois une maladie infectieuse. Mais si la
victoire semble à portée de mains, la dernière ligne droite semble la plus
dure à parcourir... et la France risque de ne pas être présente sur la
ligne d'arrivée.

80% de la population mondiale vit dans une zone exempte de polio

La polio est une maladie infectieuse qui se transmet principalement par
des aliments ou de l'eau contaminés, résultat de mauvaises conditions
d'hygiène et de salubrité. Si nous pouvons tous être exposés, les enfants
de moins de cinq ans sont les plus touchés car les plus vulnérables.

La polio ne peut pas être traitée mais elle peut être prévenue par la
vaccination. Grâce à une mobilisation politique et financière accrue, les
pays les plus touchés ont mis en place des campagnes d'immunisation à
grande échelle pour administrer le vaccin oral (OPV). Les résultats sont
impressionnants : dans le monde seuls 416 cas de polio ont été notifiés en
2013 contre 350 000 en 1988.

La menace de la résurgence est pourtant véritable

Pourtant cette tendance à la baisse risque de se renverser. Pendant les
quatre premiers mois 2014, trois fois plus de cas ont été notifiés qu'en
2013 à la même date. Plus inquiétant, certains cas ont été déclarés dans
des pays polio free. L'OMS a ainsi décrété en mai 2014 un « état d'urgence
de santé publique à portée mondiale » pour la maladie. Si près du but,
sommes-nous prêts à gâcher les progrès réalisés en deux décennies ?

Pour contrer ce phénomène, le conseil d'administration de Gavi, l'Alliance
pour l'immunisation a décidé de financer, suite aux recommandations de
l'OMS, l'introduction du vaccin polio inactivé (IPV) plus sûr et plus
efficace dans 73 pays à revenu limité. Ce vaccin utilisé depuis plusieurs
années dans les pays occidentaux était, jusqu'à l'intervention de Gavi,
trop cher pour les pays les pauvres.

Gavi et et l'IMEP mettent aussi l'accent sur le renforcement des systèmes
de santé, condition nécessaire à l'éradication de la polio. Il est crucial
de déployer plus de personnel médical formé et qualifié pour administrer
les vaccins, de pouvoir informer et sensibiliser les populations notamment
contre la peur et la résistance sociale ; et de mettre en place des
systèmes de protection sociale pour garantir l'accès financier à la santé
et donc à la vaccination.

La France envoie les mauvais signaux

Et la France dans cet effort ? Elle a longtemps soutenu la lutte contre
les maladies infectieuses et la mortalité infantile et en a fait un
marqueur de sa politique à l'international. Pourtant les décisions
récentes de la loi de finances pour 2015 sont alarmantes. Dans une aide
publique au développement en baisse constante, la santé est la première et
seule cible : les 35 millions d'économies sur la ligne budgétaire pour la
solidarité internationale lui sont entièrement imputés.

Contrairement à ce qu'elle avait promis, la France ne déboursera pas 22
millions d'euros pour Gavi en 2015.

Contrairement à ce qu'elle avait promis, la France ne respectera pas son
engagement à l'Initiative de Muskoka pour la santé des enfants et des
femmes en la tronquant de 5 millions.

Sur l'autel de la rigueur budgétaire la France a fait le choix de sabrer
la solidarité internationale. Ces coupes ponctionnent de manière
disproportionnée un budget dont les économies à court-terme se traduiront
par des dépenses supplémentaires sur le long-terme.

L'épidémie d'Ebola est un parfait exemple : le manque d'investissement de
la France dans le renforcement des systèmes de santé locaux induit des
dépenses d'urgence lors de l'apparition de crises mondiales telles que
celle que nous devons affronter aujourd'hui. En matière de développement,
le coût de l'inaction est plus important que celui de l'action. La
propagation des épidémies prouve l'impératif d'agir dans un monde où les
maladies ne s'arrêtent pas aux frontières.

En se désengageant financièrement, la France prend le risque de perdre sa
crédibilité et son statut d'exemplarité pour la santé mondiale, sources de
soft power et d'influence indispensables sur la scène internationale.

Il n'y aura qu'une séance de rattrapage : en janvier 2015, Gavi lance la
conférence de reconstitution de ses ressources à Berlin. L'occasion idéale
pour la France de tenir ses promesses et d'offrir l'opportunité à
plusieurs milliers d'enfants de vivre en bonne santé.

L'initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite (IMEP) est le
fer de lance de la lutte contre la polio. Depuis sa création en 1988, elle
a permis de sauver plus de 10 millions de personnes de la paralysie causée
par le virus. Pour accélérer les efforts pour éradiquer la polio, elle a
élaboré un plan final qui inclut l'introduction du vaccin polio inactivé
dans 120 pays, y compris 73 pays soutenus par GAVI. La France ne fait pas
partie des contributeurs de l'IMEP.