[e-med] Evaluation de l'assistance de la Banque mondiale pour la lutte contre le VIH/SIDA

Vient de sortir en français CB]

Banque mondiale Département d'évaluation des opérations

S'engager sur des résultats :
Améliorer l'efficacité de l'assistance en matière de lutte contre le
VIH/SIDA
Une évaluation de l'assistance de la Banque mondiale pour la lutte contre le
VIH/SIDA réalisée par l'OED
2005, 307 pages :
http://www.worldbank.org/ieg/aids/french/index.html

Principaux messages
. L'assistance de la Banque a amené les états à agir plus tôt ou de manière
plus ciblée et rentable.
. Elle a contribué à mobiliser l'engagement politique, à créer ou renforcer
les institutions de lutte contre le SIDA, à susciter l'adhésion des ONG et à
hiérarchiser les actions.
. L'engagement politique et les problèmes de capacité ont été surestimés et
doivent être constamment traités, dans chaque cas, au regard du contexte du
pays concerné.
. Le fait que les actions menées ne touchent pas les personnes ayant des
comportements à haut risque a réduit l'efficacité et l'impact de
l'assistance.
. Le manque de suivi, d'évaluation et de recherche ciblée sont des freins
majeurs à l'amélioration de l'efficacité.
. La Banque doit aider les états à établir des priorités et mettre en ouvre
les activités qui auront le plus grand impact sur l'épidémie.
. Elle doit continuer d'aider à renforcer les institutions nationales afin
de leur permettre de gérer et mettre en ouvre les actions de lutte à long
terme.
. Elle doit contribuer à améliorer les données locales pour la prise de
décision.

Résumé analytique

L'épidémie mondiale du SIDA a profondément affecté la qualité de vie et les
progrès réalisés en matière de lutte contre la pauvreté dans nombre des pays
les plus pauvres en développement, notamment en Afrique subsaharienne.
Depuis les années 80, en particulier au cours de la décennie écoulée, la
Banque mondiale a pris des initiatives pour prévenir le VIH/SIDA et atténuer
son impact en s'associant à des programmes mondiaux, au financement de
travaux de recherche, au dialogue sur les politiques, à l'octroi de prêts,
de crédits et de dons en appui à des projets de lutte contre le VIH/SIDA. En
juin 2004, la Banque mondiale avait engagé 2,46 milliards de dollars dont
environ 1 milliard de dollars ont été décaissés sous forme de crédits, de
dons et de prêts en faveur de 62 pays à revenus faible et intermédiaire au
titre de 106 projets destinés à prévenir, traiter et atténuer l'impact du
VIH/SIDA.

Objectifs et méthodologie

La présente évaluation compare l'efficacité, du point de vue du
développement, de l'aide fournie par la Banque dans le cadre des initiatives
nationales de lutte contre le VIH/SIDA, dans le cas hypothétique où une
telle assistance ferait défaut. Elle identifie les leçons tirées de cette
expérience et émet des recommandations en vue d'améliorer la pertinence, la
qualité et l'efficacité des activités en cours ou à venir.

Pour les besoins de l'évaluation, l'assistance en matière de lutte contre le
VIH/SIDA recouvre le dialogue sur les politiques, les études analytiques et
les opérations de prêt qui visent explicitement à réduire l'échelle de
propagation ou l'impact de l'épidémie du SIDA. Peu de projets de lutte
contre le VIH/SIDA ont été menés à leur terme et la grande majorité des
projets et des engagements sont en cours d'exécution. À cet égard, les trois
principaux chapitres examinent :

. l'évolution, les différentes phases des actions engagées par l'institution
et l'analyse du portefeuille d'assistance en matière de lutte contre le
VIH/SIDA depuis le déclenchement de l'épidémie ;

. l'efficacité de la « première génération » de projets achevés d'assistance
de la Banque au niveau des pays dans le domaine de la lutte contre le
VIH/SIDA et les leçons tirées de cette expérience ;

. l'évaluation des hypothèses, de la conception, des risques et de
l'exécution
à ce jour, de 24 projets de lutte contre le SIDA en cours au niveau des pays
dans le cadre du Programme plurinational de lutte contre le SIDA en Afrique
(MAP).

L'évaluation s'appuie sur différents éléments d'appréciation : les
chronogrammes détaillés des actions entreprises par l'institution et à
travers le monde ; un inventaire et une analyse du portefeuille de prêts de
la Banque en matière de lutte contre le VIH/SIDA ; des études approfondies
sur le terrain portant sur des projets réalisés ; des études de cas sur le
terrain relatives à l'assistance de la Banque au Brésil, en Éthiopie, en
Indonésie et en Russie ; des interviews et des enquêtes auprès des chefs
d'équipes
de projet de la Banque chargés du programme MAP pour l'Afrique et des
directeurs des missions résidentes dans ces pays ; une revue des stratégies
nationales de 26 pays recevant une assistance de la Banque ; des documents
de base élaborés à la demande de l'OED ; un inventaire des études
analytiques de la Banque sur le VIH/SIDA ; et des enquêtes réalisées auprès
du personnel de la Banque et des professionnels qui travaillent dans le
domaine de la lutte contre le SIDA en Afrique sur la portée, la qualité et
l'utilité
de ces travaux.

La plupart de ces documents sont joints en annexe du présent rapport et/ou
affichés sur le site web pour les évaluations, à l'adresse
www.worldbank.org/oed/aids. Le rapport s'appuie également sur les
évaluations de l'OED relatives aux programmes de la Banque dans les domaines
de la santé, la nutrition et la population (HNP), le rôle des organisations
non gouvernementales (ONG) dans la mise en ouvre des projets de la Banque
mondiale, le développement communautaire et le renforcement des capacités en
Afrique.

Il complète la récente évaluation de l'OED sur la participation de la Banque
mondiale aux programmes mondiaux, plus particulièrement aux programmes
internationaux sur la santé.

L'évolution de l'assistance de la Banque en matière de lutte contre le
VIH/SIDA

Les premiers cas de SIDA ont été recensés aux États-Unis en 1981. Dans les
années qui ont suivi, la communauté internationale de la recherche s'est
efforcée de comprendre la cause et les modes de transmission de cette
nouvelle maladie. Dès 1985, il est apparu clairement qu'une épidémie de
VIH/SIDA d'une ampleur inconnue était en train de sévir dans certaines
régions de l'Afrique subsaharienne.

Au moment où émergeait cette prise de conscience, la Banque n'octroyait des
prêts directs pour des projets de santé que depuis environ cinq ans. Elle
n'avait
donc qu'une expérience limitée en matière de santé ou de VIH/SIDA et suivait
en cela la voie tracée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Deux facteurs ont inspiré l'action de la Banque et de la communauté
internationale. Au nombre de ces facteurs, figure en premier lieu, la grande
incertitude et le caractère extrêmement changeant des informations sur ce
qui était une maladie totalement nouvelle - son épidémiologie, sa
propagation et les moyens de la combattre. Viennent ensuite l'extraordinaire
stigmatisation et le refus de reconnaître la réalité de la maladie.

La réponse de la Banque à la lutte contre le VIH/SIDA est caractérisée par
deux phases distinctes. Au cours de la première phase, qui couvre la période
de 1986 à 1987, les interventions de la Banque étaient limitées au plan
externe par la faible demande d'assistance en matière de lutte contre le
VIH/SIDA en provenance des pays en développement. Au plan interne, les
efforts étaient freinés par la priorité accordée par les dirigeants du
secteur de la santé de la Banque aux réformes cruciales du système de santé
au détriment des investissements urgents qui étaient nécessaires pour
empêcher la propagation rapide de l'épidémie du VIH. Jusqu'en 1997, la
stratégie de la Banque en matière de santé, de nutrition et de population
(HNP) ne faisait aucune place à l'analyse de l'épidémie du SIDA. Cette
question était simplement évoquée dans une partie peu visible d'une annexe
au titre des maladies émergentes.

Toutefois, pendant cette période, environ 500 millions de dollars furent
engagés sous forme de prêts et de crédits au titre de 8 projets indépendants
et de 17 volets importants de projets destinés à soutenir des programmes
nationaux de lutte conte le SIDA sur 4 continents. Ces projets devaient
bénéficier à des pays se trouvant à tous les stades de l'épidémie.
L'initiative
de mise en place de stratégies et de programmes de prêts pour la lutte
contre le SIDA émane principalement des agents de l'institution chargés du
secteur de la santé au niveau des groupements régionaux, techniques et
opérationnels de la Banque, sans la moindre directive cohérente de la part
de la irection du HNP ni de la haute direction. La Banque a collaboré
étroitement avec le Programme mondial de l'OMS sur le SIDA (GPA) à la
conception de projets et au lancement d'importantes études analytiques sur
l'efficacité
par rapport au coût des interventions en matière de lutte contre le SIDA.

La seconde phase des interventions de la Banque, qui s'étend de 1998 à
aujourd'hui, a été consacrée à la mobilisation et au plaidoyer, au plus haut
niveau de l'institution. La Banque a alors commencé à s'engager de manière
active dans les actions de sensibilisation et à solliciter le concours des
membres de son personnel et des pays clients dans la lutte contre le
VIH/SIDA. Nombre de progrès significatifs enregistrés entre 1996 et 1997
peuvent être attribués à ce changement : la création du programme commun des
Nations unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA), qui a énormément contribué au
plaidoyer et dont les messages ont eu un écho direct auprès de la haute
direction de la Banque ; la publication par la Banque d'un important rapport
de recherche qui identifiait le VIH/SIDA comme un enjeu de développement ;
et la mise au point, en 1996, de la thérapie antirétrovirale hautement
active (HAART). Il faut noter également l'émergence au plan international de
données sans cesse croissantes sur l'étendue et l'impact de l'épidémie.

Depuis 1998, les stratégies ou les plans d'activités en matière de lutte
contre le VIH/SIDA ont été élaborés dans la quasi-totalité des zones
géographiques de la Banque et 2 milliards de dollars supplémentaires ont été
engagés pour soutenir les programmes nationaux de lutte contre le SIDA dans
55 pays se trouvant à tous les stades de l'épidémie. La moitié environ des
nouveaux engagements depuis 1998 a été affectée à plus d'une vingtaine de
projets dans le cadre du programme MAP pour l'Afrique et le solde à des
projets en Asie du Sud, en Europe de l'Est, en Amérique latine et dans les
Caraïbes. Les principaux objectifs de ces projets tels qu'énoncés dans les
documents de conception étaient de prévenir la propagation du VIH, à assurer
le traitement et la prise en charge des personnes infectées, à atténuer les
effets du SIDA, à renforcer les institutions nationales et à fournir des
biens collectifs.

L'impact sur le développement des projets achevés d'assistance en matière de
lutte contre le VIH/SIDA

En raison de la récente augmentation spectaculaire du montant des
engagements, la majeure partie des projets ayant bénéficié de prêts de la
Banque au titre de la lutte contre le SIDA sont encore en cours d'exécution
: seulement 18 projets indépendants de lutte contre le SIDA ou des projets
ayant des volets importants liés à la lutte contre le SIDA avaient été
bouclés en juin 2004, pour un volume de décaissements équivalant à 636
millions de dollars.

Des études de cas et des évaluations de projets effectuées dans le cadre de
la présente étude ont conclu qu'en plus des ressources supplémentaires
affectées à la lutte contre le SIDA dans ces pays, la Banque a amené de
nombreux gouvernements à agir plus tôt et/ou d'une manière plus ciblée et
plus susceptible de garantir une utilisation rationnelle des ressources que
si elle n'était pas intervenue. En comparaison de la situation où il
n'aurait
existé aucune assistance de la Banque, l'apport de l'assistance de la Banque
en matière de VIH/SIDA à l'échelon des pays aura été surtout : a) de
contribuer à susciter, à renforcer et à élargir l'engagement politique à
enrayer l'épidémie ; b) d'accroître l'efficience des programmes nationaux de
lutte contre le SIDA en aidant les autorités publiques à mettre l'accent sur
la prévention, l'efficacité par rapport aux coûts et la prioritisation des
actions à mener au regard des maigres ressources disponibles ; c) d'aider à
renforcer ou à créer des institutions nationales et infranationales solides
de lutte contre le SIDA. Ces institutions sont généralement rattachées à des
unités de haut niveau au sein du ministère de la santé et ont pour mission
de promouvoir une action à long terme contre l'épidémie ; d) d'encourager
les pouvoirs publics à renforcer les capacités des ONG et à créer des
mécanismes pour les associer à la conduite des actions du programme
national, souvent en étendant l'accès à la prévention et aux soins aux
groupes à haut risque, qui ont plus de chances de contracter et de propager
l'infection.

Néanmoins, quelques insuffisances ont été observées. La capacité des ONG et
des organisations à base communautaire (OBC) de concevoir, mettre en ouvre
et évaluer les interventions de lutte contre le SIDA avait été surestimée
dans la quasitotalité des pays, tout comme l'engagement politique dans de
nombreux cas. La mise en ouvre des projets a été également retardée en
raison des lourdeurs excessives liées aux procédures de traitement des
sous-projets et de retrait des fonds. Les projets n'ont pas investi
suffisamment dans les programmes de prévention des groupes à haut risque qui
sont essentiels pour freiner la propagation du VIH. Cette situation est
souvent due au fait que les actions programmées ne sont pas mises en ouvre
plutôt qu'à leur omission durant la phase de conception. Enfin, les projets
dans leur ensemble n'observent pas les étapes prévues d'évaluation, de suivi
et de recherche qui relèvent du domaine public et qui devraient figurer
parmi les priorités essentielles des programmes gouvernementaux de lutte
contre le VIH. L'insuffisance d'informations qui en a résulté a sérieusement
limité les possibilités d'attribuer clairement aux programmes
gouvernementaux soutenus par la Banque l'évolution des connaissances, des
comportements à risque et les résultats épidémiologiques. Ceci suppose
également qu'il y avait peu de données permettant d'améliorer la prise de
décisions et l'efficacité des programmes au fil du temps.

Un certain nombre de leçons ont été tirées de la première génération de
projets d'assistance à la lutte contre le SIDA :

. l'engagement à lutter contre le SIDA de la part des décideurs politiques
est nécessaire, mais pas suffisant pour obtenir des résultats : il est
nécessaire de déployer des efforts en vue de mobiliser, amplifier et
soutenir l'engagement politique ;

. le renforcement des capacités institutionnelles du ministère de la Santé
pour faire face au VIH/SIDA est crucial pour l'efficacité de la réponse
nationale au SIDA ;

. même dans les pays dotés d'une société civile forte, la capacité
d'exécution
des programmes de lutte contre le SIDA ne peut être tenue pour acquise. Les
projets de la Banque doivent investir dans le renforcement des capacités de
la société civile et mettre au point des procédures plus flexibles
d'exécution
des projets pour collaborer plus efficacement avec elle.

. Des mesures incitatives et une supervision plus accentuée sont
essentielles pour garantir que les interventions en direction des groupes à
haut risque sont exécutées par les pouvoirs publics et la société civile
dans toute la mesure nécessaire pour réduire la transmission du VIH.

En plus de l'assistance au niveau du pays, la Banque a parrainé ou dirigé
des études analytiques sur le VIH/SIDA qui ont inspiré cette assistance.

L'évaluation a identifié plus de 230 études analytiques sur le VIH/SIDA -
des études économiques et sectorielles, des travaux de recherche et des
articles de revues scientifiques - parrainées ou dirigées par la Banque
jusqu'à la fin du mois de juin 2004. Ces différents travaux ne font pas
l'objet
d'un suivi systématique dans le système interne de tenue des archives de la
Banque, de même qu'aucun site web ne centralise toutes ces sources
d'information.
Les enquêtes auprès de deux catégories de publics clés montrent que ceux qui
ont lu les études les plus importantes leur donnent une note élevée pour
leur qualité technique et leur utilité. Ceci étant, les enquêtes révèlent
aussi que les études analytiques de la Banque sur le SIDA n'atteignent pas
les publics clés dans les cercles politiques africains , en particulier les
décideurs gouvernementaux. Le fait que les rapports ne sont pas disponibles
en français et l'accès à Internet limité sont les principaux freins à un
accès accru à l'information en Afrique subsaharienne. À ces facteurs, il
convient d'ajouter le fait que le personnel de la Banque qui assure la
gestion des projets de SIDA possède un niveau de connaissance des études
analytiques et des guides operationnels plus limité que cela était prévu.

Le programme plurinational de lutte contre le SIDA en Afrique

Les projets mis en ouvre dans le cadre du MAP pour l'Afrique représentent
environ les deux tiers des projets actifs de lutte contre le VIH/SIDA
financés par la Banque à l'échelle mondiale, et environ 1 milliard de
dollars, soit la moitié des engagements en cours. Le but de la première
phase du MAP est « d'intensifier les actions de lutte contre l'épidémie dans
autant de pays que possible » en vue d'augmenter l'échelle des programmes de
prévention, de prise en charge, de soutien et de traitement, et de préparer
les pays à proposer des mesures en faveur des personnes ayant le SIDA. Le
programme applique des critères d'éligibilité pour les pays et des modèles
de conception de projet pour atteindre ces objectifs. Le programme vise
essentiellement à mobiliser l'engagement politique à travers l'implication
de tous les secteurs de la société civile et de l'administration pour
étendre de manière rapide et significative la mise en ouvre des
interventions de lutte contre le VIH/SIDA.

Les deux premiers projets du MAP ont été approuvés en 2000 et, au mois de
juin 2004, environ 255 millions de dollars sur le milliard de dollars dégagé
au titre des engagements nouveaux avaient été décaissés. Vu qu'aucun des
projets n'est achevé, l'évaluation de l'OED met l'accent sur l'appréciation
des aspects fondamentaux de la conception du programme MAP pour l'Afrique,
les hypothèses qui sous-tendent l'approche et les risques prévus ou non, à
la lumière des données d'expérience relatives aux programmes d'assistance
achevés en matière de lutte contre le VIH/ SIDA et à l'exécution des projets
du MAP à ce jour (au mois d'août 2004).

Le programme MAP pour l'Afrique a pu rassembler au moins deux douzaines de
pays pour le lancement d'initiatives majeures de lutte contre le VIH/SIDA
grâce à l'injection de nouvelles ressources d'une valeur de 1 milliard de
dollars, et semble avoir contribué à rehausser l'engagement politique. Ce
résultat constitue en soi un acquis considérable, au vu de l'absence de
demandes d'aide pour la lutte contre le VIH/SIDA par la plupart des pays
dans les années 90. En ce sens, le programme a contribué à lever l'obstacle
majeur qui freinait au départ l'amplification de l'impact des actions
engagées. Des éléments attestent maintenant d'une large mobilisation de la
société civile, à une échelle plus grande que la plupart des projets achevés
de lutte contre le VIH/SIDA (mais peut-être pas tous), et d'un engagement
accru de nombreux autres secteurs de l'économie. Des mécanismes ont été
créés pour financer une intervention de la société civile face à l'épidémie
du VIH/SIDA dans de nombreux pays où de tels mécanismes n'existaient pas
auparavant. Les ressources du MAP ont été décaissées en moyenne un peu plus
rapidement que celles des projets de santé dans la première douzaine de
pays.

L'objectif « d'élargissement de l'échelle » des interventions est toujours
poursuivi. Cependant, l'objectif primordial du MAP est de prévenir
l'infection
du VIH et d'atténuer son impact. Pour ce faire, l'extension du champ
d'exécution
des programmes et l'engagement politique sont un moyen d'atteindre cet
objectif. L'approche du MAP s'appuie largement sur les principes techniques
et stratégiques énoncés dans le plan stratégique national de chaque pays
(qui est l'un des critères d'éligibilité), doublée d'un suivi et évaluation
(S&E) rigoureux et plus accentué que la supervision classique des projets,
et sur des projets pilotes évalués au plan local et qui ont fait leurs
preuves, pour assurer la qualité et l'efficience des activités qui seront
portées à une échelle plus grande. Les risques liés à la conception des
projets qui relèvent des
facteurs qui assurent l'efficience et l'efficacité des programmes n'ont pas
été mesurés lors de la conception du MAP. Compte tenu de la priorité
accordée à la préparation rapide des projets, peu d'études analytiques
préalables ont été réalisées, et encore moins d'enquêtes de base. L'apport
stratégique de la Banque pendant la phase de conception - qui aurait pu
fournir une certaine garantie contre ces risques - était moins important que
dans les projets précédents de lutte contre le VIH/SIDA.

Vu que tous les projets entrant dans le cadre du programme MAP pour
l'Afrique
étaient encore en phase d'exécution au moment de l'achèvement du présent
rapport, il est trop tôt pour savoir si ces risques ont été atténués par des
volets propres à tel ou tel projet ou par une assistance technique ou
d'autres
ressources fournies par la cellule de gestion du MAP, l'ACTafrica.
Toutefois, des données permettent d'attester aujourd'hui que, dans bien des
cas, les plans stratégiques nationaux ne sont pas assortis d'un état
suffisamment précis des priorités. Comme les projets achevés auparavant, des
signes montrent que la faiblesse du S&E de beaucoup de projets du programme
MAP pour l'Afrique n'a pas engendré « l'apprentissage par la pratique »
souhaité et que beaucoup d'activités sont portées à une échelle plus étendue
sans avoir jamais fait l'objet d'une évaluation au plan local. La
supervision semble être moins rigoureuse que dans le cas des prêts au
secteur de la santé, alors que les projets ont en moyenne un niveau de
complexité et un nombre d'activités beaucoup plus importants. Par
conséquent, on court le risque que beaucoup d'intervenants mobilisés au
niveau politique autour de la lutte contre le VIH/SIDA s'engagent dans la
mise en ouvre d'activités pour lesquelles ils disposent de très peu de
capacités, d'expertise technique ou d'avantage comparatif, détournant ainsi
les rares capacités et ressources des autres actions de réduction de la
pauvreté entreprises par des acteurs ayant la capacité de les exploiter de
manière efficace. Ces risques potentiels ont été engendrés par les
insuffisances liées à la conception du programme MAP qui ont une incidence
sur l'utilisation efficace et rationnelle des ressources. Les examens à
mi-parcours de ces projets et la prochaine phase des opérations de prêt
fournissent l'occasion d'élaborer des mécanismes pour réduire au minimum ces
risques et améliorer l'efficacité de l'assistance de la Banque.

Recommandations
Dans la prochaine phase de sa réponse, la Banque devrait aider les autorités
publiques à utiliser les ressources humaines et financières de manière plus
rationnelle et efficace pour avoir un impact durable sur l'épidémie du
VIH/SIDA. La Banque devrait mettre l'accent sur le renforcement des
capacités, la mise en place d'institutions nationales et infranationales
fortes, l'investissement stratégique dans les biens publics et les activités
susceptibles d'avoir le plus large impact, et la création d'incitations pour
le suivi, l'évaluation et la recherche fondées sur l'exploitation de données
d'information recueillies au niveau local pour améliorer les résultats des
programmes.

Pour promouvoir cet objectif dans l'ensemble des programmes d'assistance de
la Banque en matière de lutte contre le VIH/SIDA, le rapport formule les
recommandations suivantes :

. Aider les autorités publiques à adopter une approche plus stratégique et
sélective, et à établir un ordre de priorité entre les actions à mener, en
mettant à profit les capacités limitées dont elles disposent pour mettre en
ouvre les actions qui auront le plus grand impact sur l'épidémie.
L'établissement rigoureux d'un ordre de priorité et de succession des
activités contribuera à améliorer l'efficacité, à réduire la complexité de
la gestion et à faire en sorte que les activités les plus efficaces soient
mises en ouvre en premier. En particulier, la Banque devrait veiller à ce
que les biens publics et la prévention parmi les personnes les plus
susceptibles de propager le VIH soient suffisamment soutenus dans tous les
pays, et aider les pays à forte prévalence à évaluer les coûts, les
avantages, l'accessibilité financière, la pérennité et les conséquences sur
l'équité des différentes possibilités qui s'offrent en matière de traitement
et de prise en charge.

. Renforcer les institutions nationales pour gérer et mettre en ouvre les
actions de lutte à long terme, notamment dans le secteur de la santé. Des
interventions élargies en direction d'autres secteurs prioritaires se
prêtent à des contextes bien déterminés, mais ne sauraient se substituer aux
investissements destinés à renforcer la capacité du secteur de la santé de
réagir face à l'épidémie. En outre, l'assistance de la Banque devrait, le
cas échéant, s'étendre à des institutions distinctes pour réaliser les
objectifs de mobilisation politique et d'exécution des actions sur le
terrain ; mettre au point des stratégies explicites pour susciter, amplifier
et pérenniser l'engagement politique ; et recourir davantage à l'analyse
institutionnelle et politique afin d'améliorer le fonctionnement des
institutions locales.

. Améliorer les données à l'échelon local pour la prise de décision. La
Banque devrait créer des incitations pour que la conception et l'assistance
fournie aux pays en matière de lutte contre le VIH/SIDA s'appuient sur des
données pertinentes et ponctuelles générées au plan local et par des études
analytiques rigoureuses. Figurent au nombre des mesures spécifiques : un
inventaire immédiat, systématique et approfondi ainsi qu'une évaluation des
activités en cours de S&E portant sur l'ensemble des projets et composantes
de projets de lutte contre le VIH/SIDA, qui serviront de base à un plan
d'action
assorti de délais précis dans le souci d'améliorer les incitations au suivi
et évaluation, dans le cadre d'objectifs clairement définis ;
l'identification
préalable d'un programme de recherche et d'études analytiques sur les
aspects prioritaires des programmes de lutte contre le SIDA dans chaque pays
; le recours accru à l'évaluation indépendante des projets pilotes et des
activités majeures en cours d'exécution dans le cadre des programmes ; et
des mesures pour faire de l'institution une « banque de connaissances sur le
SIDA ».

Le programme MAP pour l'Afrique est conçu pour réduire les risques liés à
l'engagement
politique et à l'exécution des projets, mais il y a très peu de mécanismes
structurels pour assurer l'efficience et l'efficacité. On peut réduire ces
risques à travers les mesures suivantes (en plus des recommandations
formulées ci-dessus qui s'appliquent à tous les projets) :

. La préparation d'un projet devrait normalement inclure une évaluation
technique et économique exhaustive des plans stratégiques nationaux et de la
politique publique en matière de lutte contre le SIDA et un inventaire des
activités des autres donateurs. Lorsque les plans stratégiques nationaux ne
suffisent pas pour hiérarchiser et échelonner les activités, la Banque doit
engager des discussions stratégiques avec ses clients, en s'inspirant des
études analytiques, pour identifier les priorités programmatiques
correspondant au stade atteint par l'épidémie, les contraintes liées aux
capacités et le contexte local. Les projets complémentaires doivent être
structurés afin de s'assurer que ces activités prioritaires, notamment les
biens publics et la prévention chez les personnes ayant des comportements à
haut risque, soient poursuivies.

. Les objectifs de la participation des différentes couches de la société
civile à des activités spécifiques doivent être clairement définis, afin
qu'on
puisse faire la distinction entre les acteurs qui sont associés à la
mobilisation politique et ceux qui possèdent une expertise et un avantage
comparatif dans l'exécution d'activités ayant un impact direct sur
l'épidémie.
Les résultats des activités en cours de lutte contre le SIDA entreprises
dans le cadre du développement mené par la communauté (CDD), devraient être
rigoureusement évalués, notamment leur efficacité dans la sensibilisation,
le changement de comportement ou l'atténuation de l'impact, ainsi que
l'efficacité
des solutions alternatives par rapport au coût avant qu'elles ne soient
renouvelées.

. La Banque devrait axer l'appui multisectoriel pour la mise en ouvre des
actions de lutte sur les secteurs offrant des activités potentiellement
capables d'avoir le plus grand impact sur l'épidémie - tels que le ministère
de la Santé, l'armée, l'éducation, le transport et autres, en fonction du
pays - et assurer la disponibilité de ressources pour la supervision de
leurs activités.

Les objectifs de l'action multisectorielle contre le SIDA et les acteurs
clés doivent être plus clairement définis par rapport à chacun des
objectifs. Une évaluation de la relation entre l'appui du MAP aux ministères
d'exécution et les activités de lutte contre le SIDA dans l'assistance aux
secteurs autres que la santé et leur efficacité relative doit être menée
pour améliorer la complémentarité et la qualité de la supervision.