Aide-mémoire OMS N°281
Octobre 2004
Gestion des déchets dactivité de soins
http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs281/fr/index.html
Pour réduire la charge de morbidité, la gestion des déchets dactivité de
soins doit être rationnelle et recourir à dautres techniques que
lincinération
Depuis quelques années, la controverse samplifie au sujet de lincinération
des déchets dactivité de soins. Dans certains cas, notamment lorsque les
déchets sont incinérés à basse température ou que des matières plastiques
contenant du poly(chlorure de vinyle) (PVC) sont incinérées, il se forme des
dioxines, des furanes et divers autres polluants aériens toxiques qui sont
émis et/ou que lon retrouve dans les cendres résiduelles et les cendres
volantes (transportées par lair et les gaz effluents qui sortent de la
cheminée de lincinérateur). Lexposition aux dioxines, aux furanes et aux
PCB co planaires peut avoir des effets dommageables pour la santé.
Quest-ce que les dioxines, les furanes et les PCB co-planaires ?
Les dioxines, les furanes et les PCB co planaires sont des substances
toxiques qui apparaissent en tant que sous produits de certains procédés
industriels, y compris de la combustion des déchets contenant du
poly(chlorure de vinyle) (comme certaines matières plastiques, certaines
poches à sang et à perfusion). Cest notamment le cas lorsque les déchets
sont incinérés à moins de 800 °C ou lorsque les déchets ne sont pas
complètement incinérés. Les dioxines, les furanes et les PCB co planaires
ainsi que dautres polluants aériens toxiques peuvent alors être rejetés
dans latmosphère et/ou se retrouver dans les cendres résiduelles ou
volantes. Les dioxines et les furanes peuvent se former naturellement lors
d'une activité volcanique et feux de forêt.
Les polychlorodibenzodioxines (PCDD), les polychlorodibenzofuranes (PCDF) et
les polychlorobiphényles (PCB) sont respectivement appelés dioxines, furanes
et PCB co planaires. Les dioxines et les furanes nont pas tous la même
toxicité ; certains sont même sans danger. Les dioxines, les furanes et les
PCB co planaires sont des substances persistantes, dont la molécule nest
pas dégradée dans lenvironnement, et qui saccumulent dans la chaîne
alimentaire. La plus grande partie de lexposition humaine aux dioxines, aux
furanes et aux PCB co planaires est due à lalimentation.
Problèmes de santé et apports limites
Une exposition de faible intensité et durable aux dioxines et aux furanes
peut entraîner chez lhomme une atteinte du système immunitaire et des
anomalies de développement du système nerveux, du système endocrinien et des
fonctions reproductrices. Une exposition de forte intensité et de courte
durée peut donner lieu à des lésions cutanées et une atteinte de la fonction
hépatique. Chez les animaux, lexposition aux dioxines a entraîné
lapparition de plusieurs types de cancer.
Le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) classe les
dioxines parmi les cancérogènes humains connus. Toutefois, la plupart des
données concernant la toxicité des dioxines et des furanes sappuient sur
des études dans des populations exposées à des fortes concentrations de
dioxines, soit professionnellement, soit à la suite daccidents industriels.
Les données existantes ne suffisent pas pour prouver quune exposition
chronique de faible intensité aux dioxines et aux furanes est à lorigine de
cancers chez lhomme.
LOMS a fixé une dose mensuelle tolérable provisoire (DMTP) pour les
dioxines, les furanes et les polychlorobiphényles (PCB) de 70 picogrammes
(10-12 g) par kilogramme de poids corporel. La DMTP est une estimation de la
quantité de ces substances chimiques qui peut être ingérée chaque mois
pendant toute la durée de la vie sans risque appréciable pour la santé.
Lessentiel de lexposition aux dioxines et aux furanes est due à la chaîne
alimentaire et la DMTP représente lexposition cumulée aux dioxines et aux
furanes quelle que soit leur source, aliments et eau compris.
On na pas encore pu estimer la charge de morbidité et de mortalité qui,
dans le monde, résulte de lexposition aux dioxines et aux furanes :
lévaluation de lexposition et du risque est entachée dun grand nombre
dincertitudes car nombreuses sont les données qui manquent.
De plus, le type deffets sur la santé qui pourrait en résulter (cancer,
atteinte de la fonction immunitaire, par exemple) ne se manifesterait
quaprès une exposition de longue durée et serait difficile à mesurer.
Déchets dactivité de soins et formation de dioxines et de furanes
LOMS a fixé des limites tolérables pour lingestion des dioxines et des
furanes, mais pas pour les rejets. Les valeurs limites de rejet doivent être
fixées dans le cadre national.
Un certain nombre de pays ont fixé des limites à lémission allant de 0,1 ng
TEQ/m3 (équivalent toxique) en Europe, à 0,1 ng à 5 ng TEQ/m3 au Japon,
suivant la capacité de lincinérateur.
Même quand la température des incinérateurs est élevée (>800 °C), les
températures ne sont pas uniformes et il peut se former des dioxines et des
furanes dans des poches moins chaudes ou au début ou à la fin de
lincinération. Loptimisation du processus peut diminuer la formation de
ces substances si, par exemple, on fait en sorte que lincinération na lieu
quà des températures supérieures à 800 °C, et quon évite la formation de
gaz de combustion à 250 450 °C.
Depuis 10 ans, les normes de rejet des dioxines et des furanes plus strictes
fixées par de nombreux pays ont notablement diminué la libération de ces
substances dans lenvironnement. Dans plusieurs pays européens ayant adopté
des restrictions sévères des rejets à la fin des années 80, la concentration
en dioxines et en furanes dans un grand nombre daliments a brutalement
diminué y compris dans le lait maternel.
La production de déchets dactivité de soins peut être considérable
Lélimination des déchets dactivité de soins des petits établissements
ruraux ou des centres plus importants est possible sans entraîner de risque
sil existe des infrastructures adaptées et bien gérées. Toutefois, le
volume des déchets produits dans les grands établissements et pendant les
campagnes de vaccination est tel quil peut être difficile de les éliminer
lorsque les ressources sont limitées. En 2001, au cours dune campagne de
vaccination de masse contre la rougeole en Afrique de lOuest (concernant
six pays, en totalité ou en partie), 17 millions denfants ont été vaccinés,
ce qui a généré près de 300 tonnes de déchets de matériel dinjection. En
labsence dinstallations adaptées, à léchelle locale et régionale, un tel
volume de déchets aurait été difficile à éliminer en toute sécurité.
Lélimination incorrecte des déchets dactivité de soins est à lorigine
dautres risques pour la santé
Lélimination sans précaution des déchets dactivité de soins (seringues et
aiguilles contaminées, par exemple) est une source de danger pour la santé
publique. Les aiguilles et les seringues contaminées représentent un risque
particulier, car si elles ne sont pas éliminées correctement, elles risquent
dêtre remises dans des emballages et recyclées, donnant lieu à une
réutilisation dangereuse. Le matériel dinjection contaminé peut être
récupéré dans les décharges et les dépôts dordures, et réutilisé ou vendu
pour être réutilisé. LOMS estime quen 2000, des injections au moyen de
seringues contaminées ont été responsables de :
21 millions dinfections à virus de lhépatite B (HBV) (soit 32 % de toutes
les nouvelles infections) ;
2 millions dinfections à virus de lhépatite C (HCV) (soit 40 % de toutes
les nouvelles infections) ;
au moins 260 000 infections à VIH (soit 5 % de toutes les nouvelles
infections).
En 2002, les résultats d'une étude de l'OMS conduite dans 22 pays en voie de
développement a montré que la proportion des établissements de santé qui
n'éliminent pas correctement leurs déchets de soins est de 18 à 64%.
En plus des risques pour la santé publique en labsence dune bonne gestion,
la réutilisation directe de matériel dinjection contaminé entraîne un
risque professionnel pour le personnel soignant, pour les personnes chargées
du traitement des déchets et pour les récupérateurs. Lorsque laccès aux
décharges nest pas restreint, les enfants peuvent entrer en contact avec
des déchets contaminés et jouer avec des aiguilles et des seringues qui ont
déjà servi. Les études épidémiologiques indiquent quaprès piqûre
accidentelle avec une aiguille utilisée pour un patient infecté, le risque
dêtre infecté par le HBV, le HCV et le VIH est respectivement de 30 %, 1,8
% et 0,3 %.
Quelles sont les perspectives ?
La gestion des déchets dactivité de soins exige une attention et une
diligence accrues pour éviter une charge de morbidité considérable associée
à des pratiques défectueuses, y compris lexposition à des agents infectieux
et des substances toxiques. Les incinérateurs sont une solution temporaire,
en particulier pour les pays en développement où les possibilités de
traitement des déchets par autoclavage, déchiquetage ou micro ondes sont
limitées.
Quelle que soit la technique utilisée, les bonnes pratiques doivent être
encouragées pour que le système fonctionne au mieux. Pour diminuer
lexposition aux polluants toxiques associés à la combustion, tels que les
dioxines, les furanes, les PCB co planaires, les oxydes dazote, les oxydes
de soufre et les particules, et pour réduire les risques professionnels et
publics, les bonnes pratiques dincinération doivent être encouragées ;
elles comporteront les éléments suivants :
Réduction effective du volume des déchets et tri des déchets, pour que seuls
les déchets appropriés soient incinérés.
Installation des incinérateurs à lécart des zones peuplées ou des zones de
cultures alimentaires, pour diminuer lexposition et, par conséquent, les
risques.
Conception des incinérateurs pour que les conditions de combustion soient
adaptées, par exemple température et durée suffisantes pour diminuer la
formation de produits résultant dune combustion incomplète.
Construction conforme aux plans dexécution pour éviter les défauts qui
pourraient être à lorigine dune destruction incomplète des déchets, de
rejets plus importants et dune défaillance prématurée de lincinérateur.
Bonne exploitation des incinérateurs si lon veut obtenir les conditions de
combustion désirées et la limitation des rejets. Pour résumer : il faut
recourir à des procédés de mise en marche et de refroidissement adaptés,
parvenir à une température minimum (et la maintenir) avant de brûler les
déchets, utiliser un rapport charge en combustible/charge en déchets adapté
pour maintenir une température appropriée, éliminer les cendres comme il
convient et assurer la protection des travailleurs par des équipements de
sécurité.
Maintenance périodique pour remplacer ou réparer les composants défectueux
avec, entre autres, inspection, inventaire des pièces détachées,
enregistrement et conservation des données concernant le matériel, les
interventions et ainsi de suite.
Renforcement de la formation et de la gestion, favorisées éventuellement par
des programmes de certification et dinspection sadressant aux opérateurs,
mise à disposition dun manuel sur le fonctionnement et la maintenance,
surveillance de la gestion et programmes de maintenance.
Les difficultés de la gestion et de lexploitation rencontrées avec les
installations dincinération, formation insuffisante des opérateurs,
problèmes de tri des déchets et mauvaise maintenance sont classiques et
doivent être envisagées dans les plans dévaluation et de gestion des
déchets.
Que faire pour que lincinération ne soit pas dangereuse ?
Pour mieux comprendre le problème de la gestion des déchets dactivité de
soins, lOMS recommande aux pays de procéder à une évaluation avant toute
décision concernant le choix dune méthode de traitement de ces déchets. Il
existe des outils pour faciliter lévaluation et la prise de décision, en
sorte que de bonnes politiques conduisent au choix des technologies
appropriées. Pour aider les pays à adopter une gestion rationnelle des
déchets dactivité de soins, lOMS leur propose sa collaboration, selon la
stratégie suivante :
Court terme
Tant que les pays nont pas accès à des méthodes de traitement des déchets
dactivité de soins sans danger pour lenvironnement et ayant fait leurs
preuves, lincinération peut être considérée comme une réponse appropriée.
Lincinération devra se conformer aux recommandations suivantes :
application des bonnes pratiques à la conception, à la construction, à
lexploitation de lincinérateur (préchauffer et ne pas surcharger
lincinérateur, nincinérer quà plus de 800 °C), bonne maintenance et
émissions réduites au minimum ;
tri et réduction de la production des déchets pour limiter lincinération
aux déchets infectieux appropriés ;
outils favorisant les bonnes pratiques, notamment plans dexécution pour la
construction, modes opératoires clairs, etc. ;
correction des carences existantes en matière de formation des opérateurs et
de soutien à la gestion, sources de mauvaise exploitation des incinérateurs
;
ne jamais incinérer les matériaux contenant du chlore, les poly(chlorures de
vinyle) par exemple (poches à sang, poches à perfusion, tubulures à
perfusion dans certains cas, etc.) ou contenant des métaux lourds comme le
mercure (thermomètres cassés, par exemple).
Conception et production par les fabricants de seringues constituées de la
même matière plastique pour faciliter le recyclage.
Sélection de dispositifs à usage médical sans PVC.
Recherche et mise au point de méthodes de recyclage sûres chaque fois que
possible (pour les matières plastiques, le verre, etc.).
Elaboration et promotion de nouvelles techniques de gestion des déchets ou
de solutions pour remplacer lincinération.
Promotion des principes de gestion des déchets dactivité de soins ne
nuisant pas à lenvironnement tels quils sont indiqués dans la Convention
de Bâle.
Moyen terme
Chercher à éliminer les injections inutiles afin de réduire la quantité de
déchets dactivité de soins dangereux qui doit être traitée.
Etude des effets sur la santé de lexposition chronique aux dioxines,
furanes et PCB co-planaires à faible concentration.
Evaluation et comparaison des risques pour la santé associés 1) à
lincinération et 2) aux déchets dactivité de soins.
Long terme
Aider les pays à mettre au point des guides nationaux sur lélimination
rationnelle des déchets dactivité de soins.
Renforcer la promotion des techniques ne faisant pas appel à lincinération
pour éliminer définitivement les déchets dactivité de soins, afin de
prévenir la morbidité résultant premièrement dune gestion dangereuse des
déchets dactivité de soins et deuxièmement dune exposition aux dioxines et
aux furanes.
Allocation de ressources, humaines et financières, pour assurer une gestion
sans risque des déchets de soins dans les pays.
Soutien des pays à lélaboration et à la mise en oeuvre à léchelle
nationale dun plan, de politiques et dune législation sur les déchets
dactivité de soins.
Lobjectif de lOMS est de promouvoir des technologies efficaces qui ne
recourent pas à la combustion pour éliminer définitivement les déchets
dactivité médicale et éviter à la fois la morbidité résultant dune gestion
dangereuse de ces déchets et les risques potentiels dus aux dioxines, aux
furanes et aux PCB co planaires. LOMS se donne pour tâche de :
prévenir les risques sanitaires associés à lexposition du personnel
soignant et du public aux déchets dactivité de soins, en encourageant des
politiques de gestion des déchets sans danger pour lenvironnement ;
soutenir les efforts mondiaux pour réduire le volume des rejets nocifs dans
latmosphère afin de réduire les pathologies et de retarder lapparition des
changements climatiques mondiaux ;
soutenir la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants
(POP) ;
soutenir la Convention de Bâle (1989) sur les déchets dangereux ;
diminuer lexposition aux polluants toxiques associée aux processus de
combustion en encourageant les pratiques qui permettent dobtenir une
incinération à haute température.
LIENS CONNEXES
- Site web de Gestion des déchets dactivité de soins - en anglais
- Déchets médicaux
Pour plus d'informations:
WHO Media centre
Téléphone: +41 22 791 2222
Courriel: mediainquiries@who.int