[e-med] GUINÉE: Pénurie de médicaments

GUINÉE: Pénurie de médicaments
http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=84432

Photo: Nancy Palus/IRIN
Une employée dans un centre de santé de Labé, en Guinée
DAKAR, 18 mai 2009 (IRIN) - Les centres de santé et hôpitaux publics
guinéens souffrent de graves pénuries de médicaments de base, et les
travailleurs et les autorités sanitaires cherchent un moyen de renflouer
leurs stocks d’urgence.

« C’est un vrai problème. Nous n’avons pas assez de médicaments pour
répondre aux besoins de la population », a expliqué à IRIN Mohamed Lamine
Tounkara, directeur des services de santé régionaux de Kindia, une région
située à 137 kilomètres à l’est de Conakry, la capitale.

Aujourd’hui, les patients des hôpitaux publics de Kindia doivent se procurer
la plupart des médicaments dont ils ont besoin dans des pharmacies privées,
où les prix sont bien plus élevés que dans les centres de santé publics,
a-t-il déclaré. Et le cas de Kindia (qui compte environ deux millions
d’habitants, cinq grands hôpitaux publics et 51 centres de santé) n’est pas
isolé, puisqu’il en est ainsi dans de nombreuses régions, selon les Nations
Unies et les autorités publiques.

Cette pénurie de médicaments est le résultat d’un certain nombre de
facteurs, notamment d’un manque de financements publics, de la hausse du
prix des médicaments et d’une mauvaise gestion, d’après Mohamed Lamine
Yansané, chef de cabinet du ministère de la Santé.

Ces dernières années, la Guinée a souffert de pénuries sporadiques, mais la
situation s’est considérablement aggravée en 2009, selon les experts.

« Nous éprouvons d’énormes difficultés, actuellement », a déclaré M.
Yansané, ajoutant que le ministère de la Santé appelait le gouvernement et
les bailleurs à l’aider à s’attaquer à ce problème. Mais « avec la situation
actuelle du pays, on n’a pas d’aide extérieure ».

Certains bailleurs ont en effet restreint l’aide accordée à la Guinée depuis
le coup d’Etat de décembre.

Selon M. Yansané, le gouvernement a annoncé récemment qu’il débloquerait 11
milliards de francs guinéens (2,2 millions de dollars) pour acheter des
médicaments, mais on ignore quand ces fonds seront disponibles, et il
faudrait en fait près du double de cette somme.

« C’est un problème urgent. Si de nombreux facteurs sont à l’origine de
cette situation, l’essentiel est qu’il devient de plus en plus difficile
pour les populations de l’ensemble de la Guinée (et en particulier les plus
vulnérables) de se procurer des médicaments de base », a expliqué Philippe
Verstraeten, directeur du Bureau des Nations Unies pour la coordination des
affaires humanitaires.

« Cette pénurie de médicaments dans les centres de santé et les hôpitaux
publics participe du problème plus général que pose le système de santé
guinéen. Mais tandis que tous les acteurs s’efforcent de résoudre ces
problèmes, nous devons agir aujourd’hui, pour assurer que les médicaments de
base soient à la portée de tous les Guinéens », a-t-il ajouté.

Un certain nombre de problèmes ont été recensés au cours d’une mission
d’évaluation menée de concert par les Nations Unies, les organisations
non-gouvernementales (ONG) et les autorités publiques en mars, dans trois
préfectures (Boké, Gaoual et Koundara).

«Il devient de plus en plus difficile pour les populations de l’ensemble de
la Guinée (et en particulier les plus vulnérables) de se procurer des
médicaments de base»
L’évaluation a révélé de « rupture fréquente de médicaments dans les
structures sanitaires », ainsi qu’un mauvais entreposage des médicaments et
des vaccins ; de nombreux centres de santé sont également délabrés et les
centres publics manquent de personnel, selon le rapport de mission.

Les représentants des autorités publiques ont rencontré dernièrement les
représentants des organismes humanitaires des Nations Unies et les bailleurs
pour débattre des besoins sanitaires pour 2009.

Si les pharmacies privées ont des médicaments en stock, les populations des
régions rurales ont des difficultés à se rendre dans ces pharmacies et la
plupart des Guinéens n’ont pas les moyens d’acheter des médicaments à prix
fort ; dès lors, de plus en plus d’habitants vont devoir se passer de
médicaments, selon les représentants des Nations Unies et des autorités
publiques.

Pénurie ou pas, les Guinées ont recours depuis des années à des médicaments
douteux vendus par des commerçants non-agréés ; la Guinée fait partie des
nombreux pays d’Afrique où les produits pharmaceutiques de contrefaçon
posent un problème sanitaire. Récemment, le gouvernement a pris des mesures
fermes à cet égard, en arrêtant des fabricants présumés et en interdisant
les ventes déréglementées. On ignore quelles répercussions ont eu ces
nouvelles mesures de contrôle sur la disponibilité des médicaments
autorisés, selon les travailleurs humanitaires.

La pénurie actuelle risque néanmoins de compliquer la tâche du gouvernement,
qui s’efforce d’éliminer ces faux médicaments dangereux, a noté M. Yansané,
du ministère de la Santé. « S’il n’y a pas de médicaments dans les centres
de santé publics, les gens se tournent en premier lieu vers le marché local,
parce qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter des médicaments dans les
pharmacies ».

Les populations les plus pauvres sont les plus touchées par la pénurie de
médicaments observée dans le système public, selon André Enzanza,
représentant de l’Organisation mondiale de la santé en Guinée.

« La situation est … grave. Ce sont les populations des zones les plus
démunies qui sont les plus touchées, parce qu’il n’y a pas de médicaments
dans les hôpitaux et les centres de santé publics ».

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