[e-med] Inde, nouvelle législation sur les brevets (suite)

Brevets sur les médicaments: MSF appelle l'Inde à penser aux pays pauvres

PARIS (AFP) - 16/03/2005 09h44 - Redoutant de voir se tarir une source
essentielle de médicaments génériques bon marché contre le sida,
l'organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF) appelle l'Inde à
penser aux malades des pays pauvres en élaborant sa nouvelle législation sur
les brevets.

Les députés indiens, qui s'apprêtent à en discuter, sont invités à "ne pas
durcir leur loi au-delà de ce que leur impose l'Organisation mondiale du
commerce (OMC) et à s'assurer que l'Inde pourra continuer à produire des
médicaments vitaux pour des millions de malades".

Sur 700.000 malades du sida traités par antirétroviraux (ARV) dans les pays
en développement, la moitié reçoivent des médicaments génériques indiens.
Pour les 25.000 patients soignés par MSF avec des ARV dans 27 pays, cette
proportion s'élève à 70%, a souligné mardi Annick Hamel, responsable MSF
pour la campagne d'accès aux médicaments essentiels.

"On a pu donner trois à cinq ans de survie à nos patients, que va-t-on faire
après", lorsqu'ils seront devenus résistants aux premiers traitements et
qu'il faudra passer à des médicaments plus récents, jusqu'à dix fois plus
chers faute de génériques disponibles, a-t-elle expliqué devant la presse.
Certains ont déjà besoin de traitements dits de "deuxième ligne", qui
coutent 2.000 dollars par malade et par an, au lieu de 200 dollars pour les
ARV de "première ligne", précise-t-elle.

"Pour les pays pauvres, il y aura les vieux médicaments et pas les nouveaux,
c'est une discrimination importante", insiste-elle.
Les 700.000 malades du sida traités dans les pays pauvres fin 2004
représentent seulement 12% des 5,8 millions de patients ayant un besoin
urgent de trithérapie, selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui
s'était fixé pour objectif de voir trois millions de malades sous ARV d'ici
fin 2005.

Or, dans les différents programmes de l'OMS et de l'Onusida, les coûts ont
été calculés en fonction du prix des génériques, souligne MSF qui s'alarme
des conséquences de l'application, à partir de 2005 en Inde, des accords de
l'OMC sur la propriété intellectuelle (Adpic ou Trips en anglais).

Les molécules mises sur le marché après 1995 sont susceptibles d'être
protégées par des brevets d'exclusivité de vingt ans. Ces brevets peuvent
aussi s'appliquer à des molécules plus anciennes, associées dans une
nouvelle formulation, comme les comprimés à dose fixe (ou "comprimés trois
en un") qui ont "révolutionné la prise en charge des malades du sida" dans
les pays pauvres, s'inquiète MSF.

Le "sida est la partie la plus visible de l'iceberg", mais la nouvelle
législation concernera tout nouveau médicament sur le paludisme ou la
tuberculose, redoute l'ONG qui "demande instamment" à l'Inde "d'intégrer une
certaine souplesse" dans sa future loi.

Il s'agirait notamment de "limiter l'impact des brevets aux molécules
réellement nouvelles" et de fixer un "taux maximal de royalties" pouvant
être versées aux détenteurs de brevets. MSF rappelle que l'Inde a, "par le
passé", défendu l'accès aux médicaments pour les pays pauvres lors des
négociations au sein de l'OMC.
Dans des lettres adressées le 22 février au président indien A.P.J. Abdul
Kalam, au Premier ministre Manmohan Singh et à Sonia Gandhi, MSF les
"exhorte" à s'assurer que "la mise en conformité de la législation indienne
avec l'accord Adpic de l'OMC ne fera pas obstacle au traitement des malades
en Inde et ailleurs". Car, écrit MSF, des "millions d'enfants, de femmes et
d'hommes, dans les pays en développement, dépendent de médicaments
abordables pour survivre".