Un nouveau médicament contre les tuberculoses multirésistantes
En ouverture d¹une conférence internationale organisée à Paris, Médecins
sans frontières a réclamé mercredi 30 octobre la mise au point de
nouvelles combinaisons thérapeutiques, à des prix accessibles aux pays
pauvres.
30/10/13
http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Un-nouveau-medicament-contre-les-tu
berculoses-multiresistantes-2013-10-30-1053622
Fin 2012, un nouveau produit a été autorisé aux États-Unis, la
bédaquiline, premier médicament développé depuis cinquante ans contre la
tuberculose.
C¹est un nouveau médicament qui marque peut-être un tournant dans
l¹histoire de la lutte contre la tuberculose : mise au point par le
laboratoire Johnson & Johnson, la bédaquiline a été enregistrée en
décembre 2012 aux États-Unis pour le traitement de certaines formes de
tuberculose multirésistantes.
« Il faut rester prudent. Ce produit ne va pas, à lui seul, révolutionner
la prise en charge de la maladie. Mais il ouvre la possibilité de
développer de nouvelles combinaisons thérapeutiques, constate Francis
Varaine, coordinateur du groupe de travail sur la tuberculose au sein de
Médecins sans frontières (MSF). Ce qui est intéressant, c¹est que la
bédaquiline est, depuis cinquante ans, le premier médicament
spécifiquement développé contre la tuberculose. Et d¹autres molécules sont
dans la dernière phase de leur développement. »
DES PRODUITS CHERS ET PARFOIS TOXIQUES
Mercredi 30 octobre, en ouverture de la 44 eme
<http://www.worldlunghealth.org/conf2013/> conférence internationale sur
la santé respiratoire, organisée à Paris, MSF a lancé un appel pour la
mise au point de nouveaux traitements contre la tuberculose, à des prix
accessibles aux pays les plus démunis.
La tuberculose est une maladie pulmonaire due à un microbe appelé bacille
de Koch (BK). Selon un rapport de l¹Organisation mondiale de la santé
(OMS) publié la semaine dernière, en 2012
<http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs104/fr/index.html>, 8,6
millions de personnes dans le monde ont développé la maladie, qui a
entraîné 1,3 million de décès. Dans la majorité des cas, les personnes
infectées reçoivent un traitement standard qui repose sur la délivrance,
pendant six mois, de quatre antibiotiques.
Mais chez certains patients, ce traitement ne suffit pas et des
résistances peuvent apparaître. « Certains, pour diverses raisons, ne vont
pas au bout du traitement. D¹autres n¹ont pas les moyens de se payer les
quatre médicaments et n¹en prennent que deux. Enfin, ces résistances sont
parfois liées à l¹utilisation de produits de mauvaise qualité », explique
Christophe Perrin, pharmacien à l¹Union internationale contre la
tuberculose et la maladie respiratoire.
C¹est au cours des années 1990 que sont apparues ces tuberculoses
multirésistantes (MDR), voire même « ultra-résistantes » (XDR), qui
s¹avèrent très compliquées à soigner. Les médecins doivent alors mettre en
place un traitement d¹une durée de deux ans avec des produits souvent
anciens et parfois très toxiques. « Ils sont à l¹origine de nombreux
effets secondaires parfois graves : des nausées, des vomissements mais
aussi, dans certains cas, des surdités définitives ou des psychoses qui
peuvent conduire au suicide », explique Christophe Perrin.
450 000 CAS DE TUBERCULOSE MULTI-RÉSISTANTE AUJOURD¹HUI DANS LE MONDE«
Au bout du compte, ces traitements ne permettent de guérir qu¹un patient
sur deux », explique le docteur Cathy Hewison, spécialiste de la
tuberculose à MSF. Aujourd¹hui, selon l¹OMS, on recense environ 450 000
cas de tuberculose multi-résistante dans le monde qui, pour près de la
moitié d¹entre eux, sont localisés en Inde, en Chine et dans la Fédération
de Russie. « Un autre problème est le fait que moins de 20 % des cas de
tuberculose multirésistante sont diagnostiqués et traités », indique le
docteur Hewison.
L¹arrivée de nouvelles molécules constitue donc un enjeu majeur pour
espérer mettre au point des schémas thérapeutiques plus efficaces et plus
courts. « L¹arrivée de la bédaquiline est un tournant, c¹est vrai, car
nous manquons d¹alternatives thérapeutiques pour les tuberculoses
ultra-résistantes, reconnaît le professeur Yazdan Yazdanpanah, chef du
service des maladies infectieuses de l¹hôpital Bichat à Paris. Mais ce
médicament ne doit être délivré que chez les patients sans autre solution
thérapeutique. Et nous devons l¹utiliser avec précaution car nous manquons
encore de recul sur sa toxicité. »
Un autre obstacle est le coût du médicament. « Aux États-Unis, il faut
compter 30 000 dollars (20 000 ¤) pour un traitement de six mois. Dans les
pays à revenus intermédiaires, le coût est de 3 000 dollars (2 000 ¤) et,
dans les pays à revenus limités, 900 dollars (650 ¤) », indique Christophe
Perrin, en précisant que la bédaquiline doit toujours être associée à
d¹autres médicaments qui, eux aussi, sont aujourd¹hui souvent trop chers
pour les pays défavorisés.
PIERRE BIENVAULT