Tuberculose - Seulement 2% des patients atteints des formes les plus sévères de TB résistante ont accès aux nouveaux médicaments qui pourraient leur sauver la vie
Genève, 21 mars 2016 – Selon Médecins Sans Frontières (MSF), deux ans après leur approbation conditionnelle, les deux premiers
médicaments développés contre la tuberculose depuis 50 ans n’ont été administrés qu’à 2% des 150 000 patients qui en auraient besoin.
Pourtant, MSF et d’autres acteurs médicaux constatent que l’utilisation de ces nouvelles molécules - la bédaquiline (commercialisée par Johnson & Johnson) et le délamanide (commercialisée par Otsuka)
- dans le cadre de traitements les associant à des médicaments ‘réaffectés’ – des molécules qui n’ont pas été développées contre la TB, mais qui ont démontré une efficacité contre la maladie – permet d’obtenir des résultats encourageants chez les patients
atteints de tuberculose multi-résistante (TB-MR). MSF souligne qu’il est urgent d’améliorer l’accès à ces médicaments plus efficaces, en les rendant plus abordables et plus facilement disponibles.
« Le potentiel de ces médicaments est réel : je vois des patients atteints de tuberculose ultra-résistante (TB-UR) sortir de l’hôpital sur leurs deux jambes, alors que, sans ces traitements, ils seraient
sans doute morts, explique le Dr. Joseph Tassew, coordinateur médical de MSF en Russie.
Après un demi-siècle d’attente, nous avons enfin de nouveaux médicaments qui pourraient sauver les plus malades et il est très frustrant de ne pas pouvoir les proposer à tous ceux qui en auraient besoin. Les projets de MSF représentent la seule possibilité
d’accéder au délamanide en Russie et sept de nos patients en bénéficient aujourd’hui. Il faut que les laboratoires et les pays collaborent pour que le plus grand nombre de patients à qui ces médicaments seraient bénéfiques puissent y avoir accès ».
Dans les projets menés par MSF en Russie (Tchétchénie) et en Arménie, respectivement 75 et 80 % des patients ayant reçu un traitement ‘renforcé’ avec la bédaquiline ou le délamanide pendant six mois
ne présentaient plus de bacilles de la TB lors de la mise en culture d’un échantillon de leur crachat. Alors que les traitements actuels ne fonctionnent que pour 50% des patients TB-DR, davantage de patients pourraient aller au bout de leur prise en charge
et être soignés grâce à de nouveaux médicaments.
Les deux nouveaux médicaments sont recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Afin d’en améliorer l’accès, Janssen et Otsuka devraient donner la priorité à l’enregistrement de ces médicaments
dans les pays où les patients TB sont le plus nombreux, et ce afin que que les médicaments puissent être facilement utilisés ; et proposer des prix abordables à tous les pays en développement ainsi qu’aux plus touchés par la TB. Les pays devraient quant à
eux inclure les deux nouveaux médicaments dans leurs protocoles nationaux de traitement et - en attendant l’enregistrement des médicaments - délivrer des autorisations temporaires d’importation.
« MSF soigne actuellement une partie du petit groupe de patients d’Afrique du Sud – et du monde entier, en fait - ayant la chance de recevoir de meilleurs traitements, contenant la bédaquiline et
le délamanide, précise le Dr. Jennifer Hugues, qui travaille avec MSF en Afrique du Sud.
L’Afrique du Sud a été l’un des pays pionniers de l’accès aux nouveaux médicaments : 1 750 patients ont eu accès à la bédaquiline depuis 2013 dans le pays. Quelques acteurs de soins, comme MSF, offrent le délamanide à une poignée de patients atteints de
TB résistante (TB-DR), dans le cadre d’un usage dit ‘compassionnel’, soit réservé à des patients n’ayant presque plus d’autres options thérapeutiques. Mais le délamanide ne sera largement accessible que s’il est enregistré dans le pays. Malgré quelques progrès,
nous sommes loin de pouvoir garantir l’accès à ces médicaments à tous les patients TB-DR alors que chacun d’entre eux en aurait besoin ». ».
MSF publie aujourd’hui la quatrième édition de son rapport
TB-DR : Drugs Under the Microscope, qui décrit les barrières et les obstacles à un meilleur accès aux traitements contre la TB résistante. Le rapport montre que les traitements contre la TB-DR les plus utilisés aujourd’hui coûtent entre 1 800 et 4 600
dollars par patient et ce sans compter les nouveaux médicaments ou les médicaments ‘réaffectés’ qui pourraient en améliorer l’efficacité. Ce coût est nettement moindre par rapport à celui documenté dans la première édition du rapport MSF, en 2011, quand ces
mêmes traitements coûtaient entre 4 400 et 9 000 dollars par personne. Cependant, l’ajout des nouveaux médicaments et des médicaments ‘réaffectés’, qui permettraient une meilleure tolérance et efficacité des traitements, pourrait à nouveau faire augmenter
ce coût.
Otsuka a annoncé que le délamanide va coûter 1 700 dollars par patient dans les pays en développement. Si une partie des patients en ayant besoin dans les pays les plus pauvres pourrait recevoir la bédaquiline
dans le cadre d’un programme de donations de la part de Johnson & Johnson, son prix dans les autres pays pourrait monter à 3 000 dollars par patient, soit le prix annoncé pour les pays dits ‘à revenus intermédiaires’ et qui ne sont pas inclus dans le programme
de donations.
« La tuberculose est curable ; pourtant, elle est aujourd’hui la maladie infectieuse la plus meurtrière dans le monde, explique
le Dr. Grania Brigden, spécialiste de la tuberculose à la Campagne d’Accès aux Médicaments Essentiels (CAME) de MSF.
Nous avons urgemment besoin d’un traitement mieux toléré par les patients, plus efficace, disponible et abordable. Sinon ça sera, comme d’habitude, l’impasse ».