Eco-Terre
La collecte des médicaments non-utilisés réformée par «souci de sécurité
sanitaire»
L'idée de donner nos médicaments non-utilisés à des pays en voie de
développement s'est avérée catastrophique sur le terrain. Désormais, ces
médicaments seront détruits afin de préserver l'environnement.
E.PA
LIBERATION.FR : jeudi 4 septembre 2008
http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/350113.FR.php
Après une polémique qui a duré plusieurs années et des débats houleux, l'an
dernier, à l'Assemblée nationale et au Sénat, Cyclamed, le système mis en en
place par l'industrie pharmaceutique pour recycler les médicaments, a
finalement été réformé.
C'est «par souci de sécurité sanitaire», explique le ministère de la Santé,
qu'à partir du 1er janvier 2009, les médicaments non utilisés et ramenés
dans les pharmacies ne feront plus l'objet de dons à des organisations
humanitaires mais seront tous détruits dans des incinérateurs.
Un décret et un arrêté parus au Journal Officiel le 18 août ont précisé les
modalités de cette réforme, votée en janvier 2007 par les parlementaires.
5% seulement de MNU sont réutilisés
Jusqu'à maintenant, les médicaments non utilisés (MNU) que l'on ramène à la
pharmacie sont collectés par Cyclamed, association créée en 1993 par les
industriels de la pharmacie. Bien que les campagnes de promotion de
Cyclamed aient toujours insisté sur sa vocation humanitaire, la majorité des
MNU collectés doit être détruite car ils ne sont pas réutilisables. Une
minorité à peine 5% est donnée à quatorze ONG partenaires de Cyclamed
qui les utilisent soit pour l'aide aux pays en voie de développement, soit
pour l'aide aux exclus en France.
A partir du 1er janvier prochain , tous les MNU seront envoyés vers des
incinérateurs pour y être détruits.
Au ministère de la Santé, on explique que l'abandon des dons a été
préconisée par un rapport de l' IGAS (Inspection générale des affaires
sociales) de janvier 2005 ainsi que par une recommandation de l'Organisation
mondiale de la Santé (OMS) ».
«En effet, explique le ministère, outre les risques liés à la rupture de la
chaîne pharmaceutique, les MNU exportés constituent un danger potentiel,
principalement en raison de leur inadaptation fréquente aux besoins, du
risque de détournement quils présentent, et de lobstacle quils peuvent
constituer à la mise en place des politiques nationales de santé».
Un assainissement indispensable
Pour nombre de professionnels de l'aide humanitaire, comme Pharmaciens sans
Frontières-Comité international ou le Réseau Médicament et Développement
(Remed), c'est un assainissement du système qu'ils appelaient de leux voeux
depuis longtemps. Car l'idée de redistribuer des médicaments à des pays en
voie de développement s'est avérée, dans la pratique, source de trafics et
de problèmes supplémentaires pour ces pays.
Le rapport de l'Igas soulignait notamment que les MNU collectés en France
(beaucoup de psychotropes, antidépresseurs, médicaments contre l'obésité ou
le cholestérol...), ne répondent pas aux besoins des populations
destinataires qui souffrent essentiellement de maladies tropicales
(paludisme, onchocercose, dengue...) .
De plus, ce sont souvent des médicaments inconnus des professionnels locaux
et dont les notices sont rédigées dans une langue qu'ils ne connaissent pas.
Avec à la clé toutes les erreurs possibles. Les MNU sont aussi souvent
périmés ou très proches de la date de péremption ou bien dégradés par des
conditions de conservation insuffisante.
Ainsi, en 1995, en Bosnie, l'Union européenne a été obligée d'acheter un
incinérateur pour détruire tous les médicaments donnés pour aider les
populations en guerre, rappelle Mathilde Chosseler de l'association Remed.
Le même problème s'est posé en 2006 lors du Tsunami avec les flots de MNU
déversés sur la Thaïlande et sans aucun intérêt dans ce pays leader de la
fabrication de médicaments génériques.
Des dons sources de trafics
Les dons de médicaments, même faits en toute bonne foi, «court-circuitent
les systèmes locaux de contrôle d'importation et de distribution des
médicaments, alimentant ainsi les trafics et les ventes illicites», ajoute
Mathilde Chosseler . «Ces dons étaient plus dangereux quutiles parce quils
circulaient sans surveillance explique-elle au nom de Remed. Donner nos
restes thérapeutiques à lAfrique relève dune vision archaïque de laide au
développement.»
TCHAT Venez dialoguer demain vendredi à 15 heures avec Mathilde Chosseler,
de l'association Remed (Réseau médicaments et développement). Vous pouvez
déjà poser vos questions à cette adresse mail, elles seront prises en compte
au moment du direct.