La lutte contre la tuberculose en panne de financements
Publié 30 octobre 2013
http://www.euractiv.fr/development-policy/la-lutte-contre-la-tuberculose-e-news-531389
Pour la première fois depuis 8 ans, les financements dédiés à la lutte contre la tuberculose sont en baisse. Présente presque exclusivement dans les pays du Sud, la maladie souffre dun manque de mobilisation des pays développés, à linverse du sida.
Des financements en berne, cest le constat tiré lors dune rencontre autour de la tuberculose organisée au Sénat à la veille de la conférence internationale de lUnion contre les maladies respiratoires.
Environ 8,7 millions de personnes à travers le monde ont été nouvellement diagnostiquées en 2011, et 1,4 million sont décédées, selon les chiffres de lONU. Pourtant, les financements dédiés à la recherche et au développement (R&D) pour la tuberculose ont diminué de 4,6 % en 2012 par rapport à 2011 pour atteindre 627,4 millions de dollars (455,6 millions deuros). Une première, selon le rapport annuel publié par le think tank « Halte à la tuberculose ».
Pour Lucica Ditiu, sa directrice exécutive du partenariat, il est urgent daugmenter de manière drastique les financements en faveur de la lutte contre la tuberculose. « Il y a une véritable déconnexion entre la gravité et lampleur de cette maladie et les moyens alloués pour la combattre », regrette-t-elle.
Manque de mobilisation des financements
Problème, cette maladie infectieuse touche les pays les plus pauvres, alors qu'elle a presque totalement disparu des pays développés, à l'inverse du sida qui touche l'ensemble des économies. Aujourd'hui, 22 pays seulement supportent 80 % de la charge mondiale de la tuberculose.
« Jusque dans les années 50, la tuberculose était un problème de santé publique. Les investissements de lindustrie pharmaceutiques étaient donc présents. Aujourdhui, cest une maladie de la pauvreté », signale Mark Harrington, directeur exécutif du Groupe daction pour le Traitement (Treatment Action Group).
« Résultat : nous disposons des mêmes outils pour lutter contre la tuberculose quil y a 40 ans ! » sinsurge Lucica Ditiu.
« Le budget mondial de R&D pour le sida est denviron 6 milliards de dollars (4,4 milliards deuros) par an. Pour chaque dollar dépensé dans la recherche sur cette maladie, seuls 10 cents (7 centimes deuros) sont consacrés à la recherche sur la tuberculose », détaille Mark Harrington, directeur exécutif du Groupe daction pour le Traitement (Treatment Action Group).
Une iniquité qui pourrait bien mettre en péril les progrès accomplis dans la lutte contre cette maladie infectieuse. « Chaque année, nous enregistrons en moyenne 2 % de baisse des cas de tuberculose dans le monde. À ce rythme, il faudrait 180 ans pour que les pays les plus touchés par cette maladie atteignent les niveaux enregistrés dans les pays développés » souligne-t-elle.
Pour lONU, cette baisse, bien que lente, devrait permettre datteindre « la cible OMD qui consiste à arrêter la progression et inverser lincidence de la tuberculose », note le rapport 2013 de lONU sur les objectifs du Millénaire pour le développement.
Lobjectif de réduire de moitié les taux de décès de 1990 dici à fin 2015 « pourrait être atteinte à léchelle mondiale et dans plusieurs régions » relève lorganisation internationale.
Un partage difficile avec la lutte contre le sida
La lutte contre la tuberculose, financée par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme reste tributaire dune répartition délicate entre les trois maladies. « Il est indéniable que la lutte contre le sida a tiré les financements du fonds vers le haut. Mais la répartition entre les différentes maladies infectieuses demeure difficile » relève Philippe Meunier, ambassadeur pour les maladies transmissibles au Quai dOrsay.
Aujourdhui, le sida accapare environ 50 % des ressources du Fonds mondial et la tuberculose 18 %. « Il faut fonctionner davantage grâce au cofinancement de la lutte contre ces deux maladies », propose Philippe Meunier. Selon lOrganisation mondiale de la santé (OMS), 13 % des personnes tuberculeuses étaient séropositives en 2011.
Reconstitution du Fonds mondial
Hasard du calendrier, la reconstitution du Fonds mondial de lutte doit avoir lieu avant la fin de lannée 2013. Reste à savoir si laustérité budgétaire aura raison de linvestissement des donateurs.
Selon les estimations de lOMS et du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, il faudrait 1,6 milliard de dollars (1,2 milliard deuros) supplémentaires pour combler le déficit de financement pour la période 2014-2016 de la lutte contre la tuberculose.
Pour sa part, la France va doter le Fonds mondial de 360 millions deuros annuels pour la période2014-2016, soit un maintien de sa contribution par rapport à la période précédente (2011-2013).
Autre pays européen ayant dores et déjà annoncé sa contribution, le Royaume-Uni compte augmenter sa participation à 1,18 milliard deuros sur 3 ans, ce qui en fait le premier pays européen donateur.
Cécile Barbière