E-MED: La lutte contre la tuberculose en question

E-MED: La lutte contre la tuberculose en question

Les experts d'Harvard et de l'OMS s'opposent sur la mani�re de lutter
contre la tuberculose

Les fonds actuellement disponibles sont insuffisants pour � la fois faire
un traitement de masse et lutter contre les souches r�sistantes du bacille

LE PROBL�ME couvait depuis quelque temps : doit-on traiter en priorit� les
cas de tuberculose r�sistante aux antibiotiques, ce qui co�te extr�mement
cher, ou doit-on �tendre au maximum les programmes classiques de lutte
contre la tuberculose ? Des divergences d'opinion ont commenc� d'appara�tre
� la r�union annuelle de l'Union internationale contre la tuberculose et
les maladies respiratoires (UICTMR) � Madrid, en septembre. Elles ont
�clat� au grand jour lors de la publication tr�s m�diatis�e, jeudi 28
octobre, du rapport d'un groupe de m�decins de l'universit� Harvard �
Boston, financ�s par la fondation du c�l�bre financier George Soros.

� La progression rapide de la tuberculose r�sistante aux traitements est
une catastrophe majeure de sant� publique �, estime Paul Farmer, l'auteur
principal de cette �tude. Il en conclut qu'au moins 1 milliard de dollars
de fonds nouveaux devrait �tre imm�diatement allou� � la recherche et au
d�veloppement de nouveaux antibiotiques, si l'on veut �viter la propagation
de cette maladie mortelle � l'ensemble de la plan�te.

Les responsables de l'Organisation mondiale de la sant� (OMS) pensent, en
revanche, que le moyen le plus raisonnable de lutter actuellement contre la
tuberculose est d'appliquer la strat�gie d�crite dans les ann�es 80 par le
docteur Karel Styblo et mise en pratique par l'UICTMR : �tablir dans chaque
pays un programme de lutte qui permette de faire absorber � chaque malade
ses m�dicaments sous le contr�le d'un personnel de sant� pendant le temps
n�cessaire � l'�radication du bacille, c'est-�-dire six � huit mois. Cette
technique, appel�e DOTS (acronyme anglo-saxon de � traitement de br�ve
dur�e sous surveillance directe �) a fait ses preuves et emp�che
l'apparition de r�sistances.

Le probl�me na�t lorsque des traitements commenc�s sont abandonn�s ou
interrompus, ce qui donne aux bacilles tuberculeux l'occasion de d�velopper
une r�sistance aux antibiotiques pr�alablement administr�s. C'est ce qui
s'est pass� � New York en 1992, o� l'on a assist� � la premi�re �pid�mie
d�crite et trait�e de tuberculose multir�sistante. Quatre cent quarante et
un malades �taient concern�s, mais on a aussi trait�, et par le syst�me
DOTS, le reste de la population de la ville pr�sentant une tuberculose
active.

UN SECTEUR D�MANTEL�

La tuberculose multir�sistante est le sympt�me d'un syst�me de soins
d�fectueux. En 1992, � c'est la prise en charge de la tuberculose �
l'�chelle de la ville qui a �t� d�terminante, et continue de l'�tre, pour
l'arr�t de l'�pid�mie � bacilles multir�sistants. Et non le traitement
sp�cifique des cas multir�sistants, nous a pr�cis� le docteur Tom Frieden,
qui �tait en charge de la lutte en milieu urbain. Avant cette �pid�mie, le
succ�s des cures antituberculeuses � New York ne d�passait pas 50% (et dans
certains
quartiers 11%). La mise en place du programme DOTS a permis de gu�rir plus
de 90 % des malades, ce qui a mis un terme � la production de tuberculose
multir�sistante �.

La deuxi�me �pid�mie largement m�diatis�e est celle qui s�vit en Russie et
dans certains pays de l'ancien bloc de l'Est. Apr�s l'effondrement du
syst�me sovi�tique, le secteur de la sant� a �t� d�laiss�, voire d�mantel�
; les dispensaires et h�pitaux ont vu leurs stocks de m�dicaments fondre.
Pauvret�, d�sorganisation et promiscuit� ont fait le lit de la tuberculose
multir�sistante. Le probl�me est particuli�rement dramatique dans les
prisons, o� la surpopulation est �norme (Le Monde du 25 mars 1999). Les
prisonniers sont entass�s � 100 dans des cellules pr�vues pour 10.
Difficile d'envisager de les gu�rir dans de telles conditions de
promiscuit�. De plus, ceux qui sont lib�r�s contaminent ensuite la
population avec des bacilles r�sistants d'embl�e.

Les Am�ricains, soutenus par la fondation de George Soros, d�sirent lancer
un vaste programme de lutte contre la tuberculose multir�sistante, malgr�
son co�t de 300 � 400 dollars (276 � 369 euros) par malade. L'OMS insiste
sur le fait que sa m�thode ne revient qu'� 10 dollars (9,23 euros) par
malade, qu'elle repr�sente le moyen le plus efficace de lutter contre la
tuberculose et contre l'apparition de r�sistances, et qu'elle manque
actuellement de fonds pour mettre en oeuvre partout ses programmes. Le
octeur Arata Kochi, responsable du programme tuberculose � l'OMS, aurait
quitt� en claquant la porte une r�union au cours de laquelle les experts
d'Harvard et ceux de l'OMS discutaient strat�gie et r�partition des
cr�dits.

Les positions semblent inconciliables. Le probl�me est de savoir si l'OMS
est libre de d�cider de ses plans de lutte ou si elle d�pend compl�tement
des fonds am�ricains. L'organisation tombera-t-elle dans la main du �
philanthrope � Soros ? L'enjeu n'est pas mince : actuellement un tiers de
l'humanit� est contamin� par le bacille tuberculeux et 2 � 3 millions de
personnes meurent encore de tuberculose active par an.

Elisabeth Bursaux
Le Monde
17 novembre 1999

Est-ce que sur le terrain, vous voyez une "r�gression des programmes de
lutte contre la tuberculose"
Qu'en est-il au sujet de l'approvisionnement des antituberculeux ?
N'y-a-t-il pas une action urgente � mener?
Carinne Bruneton
ReMeD
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