E-MED: laboratoires pharmaceutiques et lutte contre le bioterrorisme
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LE MONDE | 03.11.01 | 13h35
La ru�e des laboratoires pharmaceutiques dans la lutte contre le
bioterrorisme
http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3234--239545-,00.html
Les groupes industriels proposent leurs services aux Etats pour combattre
les risques de diss�mination de la maladie du charbon ou du virus de la
variole. Sur fond de guerre des prix et des brevets, GlaxoSmithKline, Pfizer
ou Aventis veulent se faire une place aux c�t�s de Bayer Bayer s'est engag�
� livrer aux Etats-Unis 300 millions de comprim�s de Cipro, tout en
baissant son prix de moiti�. Sa situation a suscit� des convoitises. Les
autorit�s am�ricaines vont finalement aussi passer commande aux rivaux de
Bayer, alors qu'elles s'appr�taient, devant l'urgence, � faire appel aux
fabricants de g�n�riques. La quesion de la lev�e des brevets, d�j�
soulev�e � propos des m�dicaments g�n�riques contre le sida lors du proc�s
de Pretoria (Afrique du Sud) au printemps, est de nouveau pos�e. Les
nouveaux m�dicaments sont, pour moiti�, d�couverts par des start-up, qui
cherchent � organiser uneparade efficace contre les menaces bioterroristes.
Tandis que les stocks d'anti-infectieux s'accumulent dans le monde, un
nouveau bras de fer se joue entre leslaboratoires et les Etats autour
d'enjeux de sant� publique. D'un c�t�, plusieurs pays se sont pr�munis
contre les risques de diss�mination de l'anthrax (nom anglais de la maladie
du charbon) ou du virus de la variole, en commandant des quantit�s
exceptionnelles de m�dicaments.
Apr�s les Etats-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne et la France, d'autres
pays, tels la Su�de et l'Allemagne, pourraient passer commande. De l'autre
c�t�, la liste des laboratoires candidats � la fourniture d'antidotes ne
cesse de s'allonger, sur fond de guerre des prix et des brevets. Dernier
candidat en date : le franco-allemand Aventis qui a annonc�, vendredi 26
octobre, avoir propos� au gouvernement am�ricain de l'approvisionner
suffisamment en vaccins contre la variole pour lutter contre une attaque de
ce type.
Le contrat qui a fait le plus grand bruit a �t� pass� entre les Etats-Unis
et l'allemand Bayer, pour traiter la maladie du charbon, qui a fait quatre
morts et contamin� dix-sept personnes dans ce pays. Le groupe de Leverkusen
s'est engag�, jeudi 25 octobre, � livrer 300 millions de comprim�s de Cipro,
soit la multiplication par cinq de ses livraisons ordinaires, tout en
baissant son prix de moiti�. Cet antibiotique � base de ciprofloxacine
�tait, jusqu'� la semaine derni�re, le seul m�dicament administr�, aux
Etats-Unis, contre la maladie du charbon. Mais cette situation de rente a
suscit� les convoitises d'autres laboratoires.
Le groupe pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline (GSK) a fait savoir que
ses antibiotiques (Augmentin, Amoxil, par exemple) �taient tout aussi
efficaces et qu'il �tait pr�t � les fabriquer "en tr�s grandes quantit�s si
besoin �tait", a d�clar� Jean-Pierre Garnier, son directeur g�n�ral, � la
presse londonienne. Le num�ro un de la pharmacie mondiale, l'am�ricain
Pfizer, n'est pas en reste : il a annonc� l'augmentation de la production
d'un de ses anti-infectieux, la doxycycline, commercialis� sous le nom de
Vibramycin. Quant � son homologue Johnson & Johnson, il a propos� un march�
au gouvernement f�d�ral : la fourniture gratuite de 100 millions de
comprim�s de son anti-infectieux Levaquin, une substance de la famille des
quinolones comme le Cipro, contre l'inscription de son produit sur la liste
des traitements recommand�s contre le charbon.
CHANGER D'ANTIBIOTIQUE
Finalement, les rivaux de Bayer ont �t� entendus. Les autorit�s sanitaires
de la capitale f�d�rale Washington ont d�cid�, samedi 27 octobre, de changer
d'antibiotique. Le responsable local de la sant�, le docteur Ivan Walks, a
d�clar� que les personnes trait�es, un millier � ce jour, "passeraient de la
ciprofloxacine � la doxycycline, car cette derni�re est plus facilement
tol�r�e".
En proposant des alternatives au Cipro, les laboratoires ne dament pas
seulement le pion � Bayer. Ils sauvent l'industrie pharmaceutique d'un
mauvais pas. Devant l'urgence, et la peur d'une rupture de stock, le
gouvernement am�ricain n'avait-il pas envisag� de lever le brevet du Cipro,
valable jusqu'en 2003 ? N'avait-il pas menac� de lancer aupr�s de
"g�n�riqueurs" la fabrication de copies conformes, moins ch�res ? Celui-l�
m�me qui se trouvait aux c�t�s des laboratoires dans le proc�s de Pretoria,
ce printemps - qui contestait au gouvernement sud-africain le droit de
fabriquer des g�n�riques pour soigner ses millions de malades du sida - a
brandi, � son tour, le "cas de force majeure". Jusqu'� pr�sent, le
gouvernement am�ricain �tait le meilleur d�fenseur de droits relatifs � la
propri�t� intellectuelle. "Le brevet qui accorde une exclusivit� de
commercialisation limit�e dans le temps permet le financement de la
recherche et du d�veloppement de nouveaux m�dicaments", rappelait-il de
concert avec les industriels.
Dans le cas de l'anthrax, le probl�me d'une lev�e du brevet "est un faux
probl�me", a expliqu� M. Garnier, patron de GSK, "car il n'y a aucune
p�nurie d'antibiotiques : la plupart des p�nicillines et certaines
t�tracyclines (...) sont extr�mement actives pour toutes les formes de
maladie du charbon". D�sormais, la menace du gouvernement am�ricain d'avoir
recours aux g�n�riques est �cart�e, mais jusqu'� quand ? "Les Etats-Unis ont
montr� qu'il y a, pour eux, deux poids, deux mesures. Ils se reconnaissent
la possibilit� de contourner les brevets au nom d'int�r�ts sup�rieurs de la
nation. Ils se sont propos� de faire exactement ce que voulait faire le
gouvernement sud-africain. Le combat que se livrent les grands laboratoires
et la premi�re puissance mondiale se joue ici d'�gal � �gal, ce qui n'est
pas le cas avec les gouvernements des pays du Sud", souligne Jacques Pinel,
charg� du probl�me d'acc�s aux m�dicaments � M�decins sans fronti�res (MSF).
"LE PROFIT CONTRE LA SANT�"
Confront� � une forte pression de son opinion publique, le gouvernement des
Etats-Unis pourrait �tre amen� � durcir sa position. Des patients
am�ricains, dans un pays o� le syst�me de sant� est fragile et compte un
grand nombre d'exclus, sont d�j� mont�s au cr�neau. Ils viennent de d�poser
une plainte contre Bayer qu'ils accusent d'avoir financ� des "g�n�riqueurs",
depuis 1997, pour retarder la sortie de versions g�n�riques du Cipro. "D'un
c�t�, vous avez des gens, � travers le pays inquiets de voir que les
autorit�s m�dicales pourraient ne pas avoir assez de Cipro. De l'autre,
Bayer verse � Barr et � deux autres entreprises des millions de dollars pour
qu'ils ne commercialisent pas de m�dicaments", a d�nonc� Stephen Rosenfeld,
le porte-parole de l'association de patients Litige sur l'acc�s aux
m�dicaments, jeudi 25 octobre.
Bayer se d�fend, dans cette affaire, d'avoir employ� des m�thodes ill�gales.
Toutefois, le r�sultat est l�. Les Etats-Unis ont pay� le prix fort pour le
Cipro (0,95 dollar l'unit� pour 100 millions de comprim�s, 0,85 dollar pour
une deuxi�me livraison de 100 millions de comprim�s et 0,75 dollar pour la
troisi�me), tandis que des fabricants de g�n�riques, actuellement li�s par
un accord avec Bayer, se font fort d'en fournir une copie pour moins de 0,40
dollar le comprim�. Au bout du compte, le groupe allemand qui pensait
retrouver sa cr�dibilit� apr�s le retrait du march� de son anticholest�rol
Lipobay, incrimin� dans la mort de 52 personnes, se retrouve dans une
mauvaise passe. Accus�, tout comme l'industrie pharmaceutique � Pretoria, de
jouer "le profit contre la sant�". Et cette fois, c'est le c�ur de
l'Am�rique qui se sent flou�.
V�ronique Lorelle
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