[e-med] Le commerce des m�dicaments de contrefa�on prosp�re � Douala

E-MED: Le commerce des m�dicaments de contrefa�on prosp�re � Douala
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Le commerce des m�dicaments de contrefa�on prosp�re � Douala
Le Quotidien Mutations (Yaound�)
12 F�vrier 2004
Publi� sur le web le 12 F�vrier 2004
Atta Badyn� Oumar (Stagiaire)

Il ne peut y avoir de soins sans m�dicaments, mais surtout, il ne peut y
avoir de soins de qualit� sans m�dicaments de qualit�. Ce n'est qu'une
lapalissade me direz-vous ?

En Afrique et particuli�rement au Cameroun, l'afflux de faux m�dicaments sur
le march� a d� �tre favoris� par la crise et les perturbations �conomiques
des ann�es 90. Depuis lors bon nombre de ch�meurs se sont trouv�s une
activit� des moins appr�ciables : vendeurs de vrais-faux m�dicaments.
Certains sont ambulants, d'autres se sont trouv�s un espace
d'exposition-vente, soit dans un coin du quartier, soit dans un march�
public. Selon les informations que nous avons obtenues, les voies de
p�n�tration de ces m�dicaments sont diverses : " Il y'en a qui arrivent au
Cameroun sous forme de dons, mais qui se retrouvent sur le march� ; il
existe �galement dans certaines r�gions de ce pays des usines de fabrication
de m�dicaments clandestins " confie le docteur Ewane. Il y a aussi les pays
d'Asie qui se pr�tent volontiers � l'alimentation du march� africain
Cependant, le principal fournisseur reste le Nigeria aupr�s de qui
s'approvisionnent la majorit� des pays africains depuis le d�but des ann�es
quatre-vingt.

Les grossistes camerounais et parfois m�me nig�rians vont g�n�ralement se
ravitailler au niveau des fronti�res. Ils viennent ensuite faire des
livraisons aupr�s de leurs clients qui les attendent sur place, � l'endroit
m�me o� ils ont l'habitude de vendre. Les notices �crites dans la langue de
Shakespeare d�montrent � qui veut en douter que la fabrication est belle et
bien d'un pays anglo-saxon. A c�t� de ce constat, il y a �galement celui de
la composition du produit : un m�me produit peut avoir six � sept copies
diff�rentes. Ceci est sans doute la preuve d'une concurrence assez rude
entre les contrefacteurs pour qui l'activit� est tr�s florissante ; cela va
sans dire ! A Douala, ils sont nombreux qui vous interpellent lorsque vous
passez par le " gazon ". Cet espace qui, jadis, repr�sentait une belle
pelouse d'embellissement � la devanture de la poste, est devenu au fil des
ans ce que nos fr�res de l'Afrique de l'Ouest appellent " la pharmacie �
terre ", l'herbe, elle, ayant compl�tement disparu. Dans les all�es, on se
bouscule et on se marche presque dessus. On entend ici et l� " mamy, ch�rie,
vient voir par ici, c'est pas cher tu veux quel m�dicament". A Ndokotti,
autre point fort de cette activit�, c'est le m�me sc�nario, les m�mes mots
d'interpellation. On propose un produit au client. Lorsque celui-ci h�site,
on lui pr�sente un autre moins cher que le premier, puis un autre, ainsi de
suite. Bref, on marchande.

L'on comprend tr�s vite que le vendeur est tr�s peu soucieux de l'�tat de
sant� de l'acheteur, encore moins de l'�tat de d�gradation que subissent ces
produits expos�s la plupart du temps au soleil et qui, selon certaines
indications, deviennent par la suite toxiques. Tout ce qui compte, c'est
l'argent qu'il aura r�ussi � amasser � l'issue de cette dure journ�e de
labeur faite d'interminables apostrophes. A �couter ce vendeur qui,
apparemment a l'air un peu plus s�rieux, on se croirait dans le cabinet d'un
m�decin de renom : " Alors qu'est ce qui ne va pas ? de fr�quents maux de
t�te, dormez-vous suffisamment ? Vous vous �tes d�parasit�e il y a longtemps
? ". Entre deux " consultations ", on emballe d�s qu'on est averti d'une
�ventuelle descente sur le terrain des forces de l'ordre ou d�s qu'on les
aper�oit arriver. On d�balle aussit�t que ces " charognards " ont le dos
tourn�. Cette gymnastique sera ainsi faite cinq � six fois par jour. Un
petit jeu de cache-cache, une sorte de mise en sc�ne g�n�ralement vaine. Les
m�dicaments qui devraient normalement �tre saisis, ne l'ont �t� que quelques
rares fois ; des fois qui se sont presque toujours sold�es par de simples
restitutions apr�s " n�gociations " ou suite � des influences venant de
telle ou telle autorit�, comme le t�moigne Andr� Sila, " gazonnier " au
march� central : " Ils ont confisqu� ma marchandise l'autre jour et j'ai
fait intervenir mon grand fr�re qui est commissaire. C'est comme �a que j'ai
pu la r�cup�rer le lendemain matin sans payer cinq francs ".

De source polici�re, les m�dicaments saisis sont volontairement restitu�s a
leurs propri�taires : " Auparavant nous leur faisions la chasse tout le
temps. Maintenant un peu moins, parce qu'on a compris que les temps sont
durs. Ce sont de petits d�brouillards et parmi eux, il y'a m�me des
licenci�s. Le fait de les laisser exercer leur activit� va permettre de
r�duire le taux de ch�mage ".

Diminuer le ch�mage, et � la fois le grand banditisme pourquoi pas ?
Cependant,le bien vendu est capable de pr�cipiter la mort de celui-l� qui ne
recherche rien de plus que la gu�rison ou le soulagement ? On se souvient
par exemple qu'en septembre 2000, cent neuf enfants avaient perdu la vie au
Nigeria apr�s avoir ingurgit� un sirop de parac�tamol qui contenait un
solvant industriel. Au Niger, l'on a d�nich� des collyres fabriqu�s � base
d'eau contamin�e. Combien de personnes apr�s avoir achet� de l'aspirine ou
de la quinine se sont rendues compte qu'il ne s'agissait que du talc ou de
la farine ? Ou encore de l'alcool � 90� qui s'est r�v�l� n'�tre que de l'eau
pure ?
Pour bien de pharmaciens, ces vendeurs de faux m�dicaments " participent �
l'augmentation du taux de mortalit� en Afrique ". Certains reconnaissent
cependant que les produits de " dehors " sont bon march� et d�clarent : "
Nous savons que le pouvoir d'achat du consommateur a consid�rablement baiss�
et c'est la raison pour laquelle nous nous sommes mis au diapason pour faire
de plus en plus dans le d�tail ".

Pour d'autres " Les gens se sont mis dans la t�te que dehors c'est moins
cher, mais c'est une illusion. Ils vendent parfois au m�me prix que nous,
sinon plus cher, � la seule diff�rence que leurs produits sont p�rim�s mais
transf�r�s dans des bo�tes neuves qu'ils vont ramasser dans les poubelles
des centres de sant�. Est-ce donc la peine d'aller chercher la mort �
moindre co�t ? ". La majorit� des consommateurs de ces produits ont une
toute autre opinion. Pour eux, c'est un peu une manne qui leur est venue du
ciel : " quand j'ai les maux de t�te, c'est le " phensic " qui peut me
soigner. Si je n'en trouve pas j'ach�te " m�dic 55 ". " nous d�clare cet
acheteur. Il est vrai qu'on ne peut pas trouver bon nombre de m�dicaments de
la rue dans les pharmacies, � l'instar de " Mixagrip ", " Bronconol " ou
encore " Daga ". Ces m�dicaments sont tr�s pris�s par les consommateurs, qui
les trouvent " plus efficaces " et moins chers que ceux vendus en pharmacie.
D�s lors, on est tent� de se demander s'il y'a un seul moyen de freiner
d�finitivement cette catastrophe qui allie astucieusement vrais et faux
m�dicaments. Pour ce pharmacien : " Au lieu de saisir ces drogues pour
ensuite les rendre aux propri�taires, il serait plus juste de les d�truire,
comme on avait fait avec le " zoa-zoa " autrement, ils ne dispara�tront
jamais ".

Certains pays africains ont r�ussi � prendre des mesures draconiennes pour
lutter contre ce trafic. Depuis 1992, la C�te-d'ivoire applique des
sanctions qui vont de fortes amendes � une peine de prison pouvant aller
jusqu'� six mois, � ceux l� qui vendent des m�dicaments sans �tre
pharmaciens. L'Organisation mondiale de la sant� quant � elle, souligne la
n�cessit� d'une coop�ration plus accrue entre les gouvernements et les
institutions internationales pour mettre fin � ce commerce ill�gal et
clandestin. Au Cameroun il existe bien une l�gislation pharmaceutique, mais
aussi commerciale ! Et cette derni�re stipule que : " Pour les besoins de
protection du consommateur, il est interdit de vendre des produits p�rim�s
ou impropres � la consommation humaine ou animale ou nocifs �
l'environnement " (d�cret n�93/720 art.48 et 49). Mais, que les choses ne
bougent pas, cela peut faire penser � une esp�ce d'inertie.