[e-med] Commerce illicite des médicaments: Douaniers et délégués médicaux au banc des accusés (Cameroun)

Commerce illicite des médicaments: Douaniers et délégués médicaux au banc
des accusés
Par lemessager | Vendredi 9 avril 2010 | Le Messager
http://www.lemessager.net/2010/04/commerce-illicite-des-medicaments-douaniers-et-delegues-medicaux-au-banc-des-accuses/

Depuis plus d'une vingtaine d'années que ce commerce illicite a pignon sur
rue, aussi bien à Douala, Yaoundé que dans d'autres villes et villages du
Cameroun, on s'étonne toujours de la provenance des médicaments dits de la
rue. Devant le mutisme de certains vendeurs, d'autres installés au marché
central de Douala crèvent l'abcès. Pascal Pounè qui se présente comme l'un
des doyens de cette activité au marché central témoigne : «Je tiens d'abord
à préciser que les médicaments que nous vendons sont aussi authentiques que
ceux qui se trouvent dans les pharmacies puisque nous avons les mêmes
livreurs. Chaque mardi les délégués médicaux viennent ici prendre les
commandes et proposent de nouveaux médicaments. Quand mes enfants et mon
entourage sont malades, c'est moi qui m'en occupe car j'ai le bon réseau. Je
traite surtout avec les délégués médicaux qui ne m'ont jamais déçu».

En dehors des délégués médicaux, certaines informations en notre possession
laissent croire que certains de ces médicaments viennent des pays de l'Afrique
de l'Ouest. Un autre vendeur parle sous anonymat : «On ne fabrique pas ces
médicaments au Cameroun. Ils viennent pour la plupart du Nigeria, rentrent
par le port de Limbe, font une escale à Tiko avant d'arriver à Douala.
Certains douaniers sont au courant de ce trafic qu'ils protègent bien à
cause des royalties qu'ils prélèvent. Tel que c'est parti, je ne vois pas
comment cela va s'arrêter. C'est la contrebande qui est la source de ce
trafic. Si on arrive à la stopper, c'est fini pour nous car les délégués
médicaux n'arrivent pas à livrer en grande quantité et moins cher.» Ce que
réfute un douanier en service au Port autonome de Douala. «Je ne peux pas
cautionner que des douaniers se livrent à de tels trafics. Ce serait mettre
la vie de plusieurs personnes en danger. Je n'ai aucune confiance en ces
médicaments. Je conseille à tout le monde d'aller en pharmacie ou de se
traiter à l'indigène», déclare t-il. Si tel est le cas, comment comprendre
que des tonnes de médicaments de nature douteuse entrent au Cameroun en
toute quiétude, traversent plusieurs barrages de police, de gendarmerie et
des postes douaniers?

Les témoignages des deux vendeurs mentionnés ci-dessus valent tout leur
pesant d'or. Car, combattus et souvent pourchassés comme leurs homologues du
lieu-dit « Casse » à Bonakouamouang, ces «pharmaciens» plient sans rompre.
Et pour cause, «nos fournisseurs nous font souvent des dons de médicaments
dès que la police nous bouscule et des bonus en janvier. C'est chaque
délégué médical ou chaque grossiste qui veut avoir ses clients qu'il
fidélise», révèle un autre vendeur ambulant de médicaments. De l'origine de
ces médicaments à leur destination finale, c'est toute une chaîne qui s'est
savamment construite au fil des ans, où tous les intervenants trouvent leur
compte. Qui faut-il finalement accuser d'être à l'origine de cette
prolifération des médicaments de la rue ? Entre les contrebandiers qui
introduisent frauduleusement ces médicaments avec le concours des douaniers
chargés d'inspecter tout ce qui entre et sort du triangle national, les
délégués médicaux présentés comme des facilitateurs, les grossistes et les
détaillants du « Gazon » et des quartiers ?

Le débat reste ouvert devant l'impuissance affichée des responsables locaux
du ministère de la Santé publique, le laxisme (complice ?) des autorités
administratives.

Focal: Vente illicite des médicaments L'ordre des pharmaciens impuissant

« La vente illicite des médicaments représente une véritable nébuleuse qu'il
est difficile de combattre. C'est à l'image du trafic de la drogue. Au
niveau de l'ordre des pharmaciens, nous n'avons aucune étude chiffrée sur le
phénomène au Cameroun ». Cette déclaration qui résonne comme un aveu d'impuissance
face au phénomène grandissant de la vente illicite des médicaments, est
celle de Thérèse Bwemba Abom, secrétaire de l'ordre national des pharmaciens
du Cameroun. La même source signale « la difficulté pour l'ordre, de
réaliser la moindre enquête auprès des vendeurs de la rue. Dans la mesure où
ils sont nos concurrents ». Difficile donc d'avoir, à l'heure qu'il est, une
meilleure lisibilité sur l'organisation, la progression et le manque à
gagner que génère la vente des médicaments dans les rues camerounaises.

Pour juguler ce phénomène, l'ordre national des pharmaciens se contente pour
l'heure, de mener des actions de sensibilisation de la population. «Le 28
mai de chaque année nous commémorons au Cameroun, la journée de lutte contre
la vente illicite des médicaments en organisant des réflexions sur ce
thème ». Une action qui tarde encore à porter ses fruits, puisque de
nombreux Camerounais font encore recours aux médicaments de la rue. A l'ordre
national des pharmaciens, l'espoir est de mise. Selon Thérèse Bwemba, « le
gouvernement semble avoir pris conscience de la gravité du mal, et affiche
depuis peu une volonté politique qui est de nature à changer la donne
actuelle ». A défaut de s'engager de façon beaucoup plus active, les
pharmaciens s'en remettent aux comités locaux de lutte contre la vente
illicite des médicaments dirigés par les gouverneurs de régions.

Aussi curieux que cela puisse paraître, le bras de fer qui oppose depuis de
nombreuses années déjà, les autorités en charge de la Santé publique aux
pharmaciens de la rue, tourne toujours à l'avantage des hors la loi.

Accès à des médicaments et à une santé de qualité

Huif chefs d’Etat et représentants d’organisations internationales rejoignent l’Appel de Cotonou

A la suite de l’Appel de Cotonou, la mobilisation internationale contre les faux médicaments gagne en audience : ces dernières semaines plusieurs chefs d’Etat et responsables d’organisations internationales ont signé l’Appel de Cotonou et se sont ainsi engagés à soutenir les actions de la fondation Chirac et de ses partenaires pour l’accès de tous à des médicaments de qualité.

Lancée en octobre 2009, cette mobilisation vise l’établissement de mesures réglementaires et législatives contre les faux médicaments ainsi que la rédaction d’une convention internationale pénalisant ceux-ci.

Ont ainsi rejoint les signataires de l’Appel de Cotonou :

    * Le Président du Mali, M. Amadou Toumani Touré
    * Le Prince souverain de Monaco, SAS Albert II de Monaco
    * Le Président de l’Algérie, M. Abdelaziz Bouteflika
    * Le Président de la Tunisie, M. Zine El-Abdine Ben Ali
    * Le Président de la Slovénie, M. Danilo Türk
    * L’ancien Secrétaire général des Nations-unies, M. Boutros Boutros Ghali
    * Le Secrétaire général d’Interpol, M. Ronald K. Noble
    * Le Secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, M. Abdou Diouf

La démarche de la Fondation a également reçu les soutiens des Présidents d’Egypte et du Tchad, Hosni Moubarak et Idriss Deby.

Par ailleurs, Le 11 mars 2010, le Président Jacques Chirac a reçu Michel Sidibé, Directeur exécutif de l’ONUSIDA (photo ci-dessous), pour évoquer avec lui les problématiques d’accès aux médicaments de qualité, et la question plus particulière de l’accès au traitement du VIH/Sida. Les progrès effectués depuis le discours d’Abidjan de Jacques Chirac (1997) doivent désormais passer un cap supérieur. C’est pourquoi le Président a réaffirmé son soutien aux initiatives de l’ONUSIDA et de ses partenaires, ainsi que son souhait de voir sa Fondation et l’ONUSIDA travailler ensemble.

Hélène DEGUI, hdeguifr@yahoo.fr
tel : 06 62 40 29 84