[e-med] Les médicaments pas chers: une pilule amère pour l'occident

(Remerciements à CR pour la traduction de cet articles.CB)

Les médicaments pas chers: une pilule amère pour l'occident

08 MAR 2013 00:00 - MARA KARDAS-NELSON
http://mg.co.za/article/2013-03-08-00-cheap-drugs-a-bitter-pill-for-the-wes
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Une dispute mondiale sur les droits de propriété pourrait voir les prix
augmenter dans les pays pauvres.

Payeriez-vous une dose de traitement du paludisme plutôt 12$ que 2,40$? et
du même coût pousser l'économie de votre pays?

Le gouvernement ougandais a fait un choix facile en décidant de commencer
la production de sa propre version d'un antimalarique, plutôt que de
continuer à dépendre d'importations chères. Depuis que le pays a commencé
sa production en 2007, l'Ouganda a produit non seulement des
antimalariques mais aussi des ARV contre le SIDA. Quality Chemicals, une
entreprise semi étatique a prévu de produire d'autres ARV, des
antimalariques et des antibiotiques dans la période à venir.

Cette opération, une vitrine brillante de la fabrication de médicaments
par des Africains, a été rendue possible en partie parce que l'Ouganda est
considéré comme un des "pays les moins avancés". Comme tel, il n'est pas
obligé de respecter les réglementations internationales sur la propriété
établies par les ADPIC de l'OMC. Tous les pays doivent introduire ces
réglementations dans leur législation si ils veulent bénéficier de cette
organisation.

Mais, si cet accord "établi pour homogénéiser et simplifier les
législations sur la propriété à travers le monde" a été signé en 1984,
l'OMC reconnaît que les pays les plus pauvres peuvent ne pas bénéficier de
la forte protection de la propriété intellectuelle autant que leurs
partenaires plus riches et qu'ils peuvent demander une extension du délai
pour s'adapter s'ils le souhaitent.

Ils l'ont fait, et les pays les moins développés PMA ont pu bénéficier
d'un délai plus long pour mettre en place ces mesures, en espérant que
cette situation intermédiaire leur donnerait le temps de développer leurs
économies et d'investir dans des domaines comme la santé et l'éducation.
Il en résulte que les PMA peuvent fabriquer ou importer des versions moins
chères de produits encore sous brevets, alors que les pays à revenu moyen
ou élevé, dont l'Afrique du Sud, doivent envisager une législation forte
du copyright et de la protection des brevets.

Délai dépassé
Cependant les PMA peuvent se trouver rattrapés par le temps. Ils ont
jusqu'à juillet prochain pour introduire ces mesures dans leurs
législations et bénéficier d'une extension de l'accord pour les
médicaments jusqu'en 2016.

La fin du délai se fait menaçante. Le sentiment s'est fait jour en
novembre dernier, et au nom des pays les moins développés, Haïti a demandé
au conseil de prendre en considération une extension illimitée.

En cas d'accord, les PMA ne seront obligés de respecter les accords ADPIC
que lorsqu'ils perdront leur statut de PMA. Cette demande à fait l'objet
de discussions poussées cette semaine lors de la réunion du conseil sur
les aspects des ADPIC, sans qu'une décision ne soit adoptée.

Pour les défenseurs du projet, un refus de l'extension se traduirait par
une explosion des prix des principaux médicaments dans ces pays. L'exemple
le plus criant sera sans doute l'effet sur les ARV.

Selon Jamie Love, directeur de Knowledge Ecology International, une
organisation qui travaille sur l'ensemble des questions de la propriété
intellectuelle, nombre de donateurs, dont le Fonds Mondial, la plus grande
organisation multilatérale d'aide aux programmes de santé autour du monde,
utilisent le prétexte de cette extension pour ignorer les brevets dans
leurs fournitures aux PMA.

D'après Love "Plusieurs gros labos en profitent pour abandonner la mise en
place de ces législations dans ces pays, ou pour passer à des licences
obligatoires". "Si l'OMC venait à stopper cette extension, tout pourrait
changer".

Des agences comme ONUSIDA ou le PNUD pensent que des productions locales
pourraient être touchées si le délai n'est pas accordé.

Par le passé, le monde en développement s'est appuyé sur l'Inde pour
produire des génériques des produits clés: actuellement, près de 80% des
ARV de première intention (le traitement de départ contre le SIDA)
employés dans les pays en développement sont produits en Inde. Mais alors
que l'épidémie progresse, plus de malades demandent plus de produits de
deuxième ou troisième intention, plus chers. Or selon cet accord les labos
indiens ne peuvent les produire en génériques. Il en résulte que les pays
pauvres doivent chercher ailleurs.

Le Mozambique prévoit aussi de produire des ARV et d'autres médicaments.
L'Afrique du Sud, qui n'est pas un PMA, a discuté de la possibilité
d'augmenter sa production pharmaceutique locale, mais pour certains
activistes et universitaires, elle pourrait vite être confrontée aux
droits de la protection intellectuelle.

Des alliances inattendues
Dans leur lutte pour voir une extension du délai, des PMA ont fait des
alliances inattendues. La Fédération Internationale de l'Industrie
Pharmaceutique IFPMA, un organisme clé de la profession, ainsi que
Computer and Communications Industry Association, qui représente de grands
noms et surtout ceux en faveur de la protection de la propriété
intellectuelle, ont soutenu la demande de Haiti. A la fin du mois dernier,
une letre a été signée par près de 400 organisations, dont certaines
venant d'Afrique du Sud, manifestant leur soutien.

Mais il reste à convaincre les Etats Unis et l'Union Européenne, où on
trouve les plus gands labos, de la valeur de cette demande. De source
officielle "l'Union Européenne a demandé aux PMA des clarifications parce
qu'ils ne proposent pas de délai limite (alors qu'ils l'avaient fait
précédemment)". Selon cette source, l'UE n'a pas pris de décision pour
l'instant. Les Etats Unis n'ont pas donné leur réponse non plus. On
s'attend à une prise de décision finale lors de la réunion du conseil sur
la propriété intellectuelle en juin prochain.

L'ONUSIDA et le PNUD quant à eux, déclarent que protéger la propriété
intellectuelle dans les PMA a peu de sens, alors qu'ils ne représentent
que 2% du PNB mondial et seulement 1% du commerce mondial.

L'ONUSIDA déclare que les pays développés ne devraient pas pousser les PMA
à respecter les droits de la propriété intellectuelle sans d'abord
soutenir ces pays financièrement et techniquement, comme ils y sont tenus
par les accords.

Bien que n'étant pas considéré comme un PMA, l'Afrique du Sud est en
faveur d'une extension sans délai limite.

Lors de la réunion du conseil sur les accords sur la propriété
intellectuelle du 5 mars, les délégations des pays ont expliqué ceci:
"Depuis l'obtention de la dernière extension, les choses n'ont pas
beaucoup changé, les PMA continuent à se battre avec les contraintes en
ressources et en personnels, augmentant le gap technologique et les
capacités d'innovation restent faibles".

"Bien sûr, nous sommes favorables à une extension sans limite" a déclaré
Mustaqeem de Gama, le directeur de la législation du commerce
international au ministère de l'industrie et du commerce. "On ne peut
s'attendre à des changements dans ces pays si rapidement".