[e-med] Les prochaines étapes en Colombie: c'est l'heure des licences obligatoires

[Remerciements à CR pour la traduction de ce message de e-drug.CB]

Les prochaines étapes en Colombie: c'est l'heure des licences obligatoires
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La semaine dernière nous avons rapporté que le géant Abbott avait respecté
l'ordre colombien de couper le prix du Kaletra° utilisé contre le SIDA
(lopinavir+ritonavir, ou LPV/r). C'est une victoire, et ce n'est que le
début. Maintenant il est temps pour le gouvernement de suivre avec des
mesures simples qui conduiront les prix des médicaments à des niveaux
compétitifs.

La Colombie a déclaré récemment une Urgence Sociale "pour arrêter la crise
sévère qui affecte la viabilité (financière) du système général de la
sécurité sociale de la santé". Cette déclaration a poussé des avocats
publics à demander pourquoi le gouvernement a maintenant besoin d'un
contrôle des prix.

Le 8 février, Francisco Rossi, Luz Marina Umbasia et German Holguin,
représentant des ONG, ont écrit pour suggérer au ministre de la santé de
rouvrir le dossier de la licence obligatoire de Kaletra°. Une licence
obligatoire entraînerait une baisse des prix par la concurrence des
génériques avec le produit sous brevet de Abbott.

La lettre pose trois questions :

* Le prix. Même avec l'ordre donné par le gouvernement colombien, le prix de
Kaletra° en Colombie reste plusieurs fois plus élevé que celui des
génériques
disponibles. L'ordre a mis le prix à 1.067 $ pour le secteur public et 1.591
$ pour le secteur privé. Cependant LPV/r est couramment disponible bien en
dessous de 500 $, atteignant 396 $ au Pérou voisin. On ne peut arriver à de
tels niveaux de prix que par la mise en concurrence.

* Utilisation accrue. Le nombre de patients prenant Kaletra° a quadruplé au
cours des cinq dernières années, comprenant des traitements de première
ligne, même si les guides de traitements en Colombie tiennent Kaletra° pour
un traitement de deuxième intention, ce qui soulève des questions sur son
coût et les pratiques marketing agressives d'Abbott.

* Un système désorganisé. Le coût élevé des médicaments augmente les
faiblesses du système de la santé colombien, à la fois compliqué et
imparfait. Il augmente les incitations des fournisseurs de soins de
transférer la charge du coût vers les patients - par manque de couverture ou
par exclusion du traitement, partant de prescriptions mal suivies aux
ruptures de stock.

Le 16 février, l'archevêque de Bogota, le Cardinal Pedro Rubiano Saenz, a
écrit au Président de la Colombie Alvaro Uribe une lettre à laquelle se sont
joints des ONG colombiennes et le président de la fédération médicale de la
Colombie. L'archevêque réfute l'annonce du gouvernement colombien qui
prétend que la cris du système de la santé était imprévisible ou qu'elle est
le résultat d'une accélération soudaine de la demande. Au contraire les
coûts ont augmentés sans cesse depuis 2003 au moins, et les monopoles du
médicament en sont un facteur clé.

Citant des chiffres et des clauses légales, l'archevêque suggère que le
gouvernement emploie trois moyens "inexplicablement" laissés de côté par les
derniers décrets du gouvernement :

* Autoriser la mise sur le marché de génériques de nouveaux médicaments. La
loi sur l'exclusivité des données en Colombie donne aux multinationales le
contrôle des données des tests pour beaucoup d de médicaments nouveaux,
gardant les génériques financièrement abordables hors du marché. mais
l'article 4(c) de cette même loi permet des exceptions pour protéger la
santé publique - une protection simple que le gouvernement colombien doit
employer.

* Émettre des licences obligatoires pour les médicaments sous brevet, en
commençant par Kaletra°.

* Chercher les meilleurs prix dans le monde entier. Abolir une loi de 1995
qui empêche la Colombie de bénéficier des importations parallèles depuis la
mise en place des ADPIC. En d'autres termes, importer des médicaments déjà
en vente dans d'autres pays, à des prix souvent plusieurs fois moins chers
qu'en Colombie.

Pendant ce temps, Abbott a déclaré à la Commission Nationale de Prix des
Médicaments que si elle respecte l'ordre cela "ne veut pas dire qu'elle est
d'accord". Mais Abbott tire-t-elle le meilleur profit de la Colombie?

Pour le gouvernement, son ordre sur le prix doit ramener le prix de Kaletra°
au niveau de celui des autres pays de la région. (On ne parle pour le moment
pas des meilleurs prix des génériques disponibles dans la région). Mais des
pays comme le Brésil et l'Equateur dépendent principalement des achats
publics des traitements du SIDA. La Colombie, elle, dépend de plusieurs
acheteurs privés, tout autant que de la tendance à augmenter le prix de
Kaletra° en Colombie vers le niveau du secteur privé à 1591 $. Dans ce cas,
la Colombie continuera à payer le prix fort pour Kaletra°, en comparaison de
ses voisins.

Alvaro Uribe, le président de la Colombie, s'est plaint récemment que les
médicaments en Colombie étaient parmi "les plus chers du continent". Le
ministre de la santé adjoint technique a déclaré que "les prix ont augmenté
beaucoup, en particulier ceux des médicaments sans concurrence".

Mais que va faire la Colombie à ce sujet?

Peter Maybarduk, de Public Citizen