« LImpact minime dune grande étude dans lhypertension » - The New York
Times Par Andrew Pollack
Titre original : The Minimal Impact of a Big Hypertension Study - Edition
papier du 28/11/2008
Traduit de langlais par François PESTY http://puppem.com pour le Formindep
http://www.formindep.org
Lien vers larticle original :
http://www.nytimes.com/2008/11/28/business/28govtest.html?th&emc=th
En décembre 2002, la surprenante nouvelle avait fait la une de lactualité.
De vulgaires pilules de génériques utilisées dans lhypertension artérielle
depuis les années 1950 et qui ne coûtaient que quelques centimes par jour,
marchaient mieux que des médicaments nouveaux jusquà vingt fois plus chers.
Les résultats obtenus dans lun des plus grands essais cliniques organisés
par le gouvernement fédéral des Etats-Unis dAmérique, promettaient de faire
économiser des milliards de dollars en traitant plusieurs dizaines de
millions daméricains hypertendus Même si ses conclusions semblaient à
même de menacer les géants pharmaceutiques comme Pfizer qui gagnaient
beaucoup dargent avec leurs antihypertenseurs vedettes.
Malgré tout, six années plus tard, lutilisation de ces pilules bon marché,
appelées « diurétiques », est de très loin inférieure à ce que les
organisateurs de létude avaient espéré.
« Cela aurait dû plus que doubler », dit le Dr Curt D. Furberg, professeur
de santé publique à luniversité de Wake Forest, qui fût le premier
président du comité de suivi de cet essai, connu sous lacronyme « ALLHAT ».
« Limpact a été décevant ».
Selon certaines études, le pourcentage de patients hypertendus recevant un
diurétique était monté à 40 % un an après lannonce des résultats dALLHAT,
en hausse sur les 30 à 35% qui prévalaient avant. Mais lutilisation des
diurétiques est resté stable depuis. Et surtout, depuis 2002, lutilisation
des nouveaux antihypertenseurs a crû beaucoup plus vite que celle des
diurétiques, selon un administrateur de MEDCO (tiers payant pour les
médicaments aux USA).
Il est utile de tirer de nouveau les leçons de lessai ALLHAT, alors que
certains conseillers politiques et officiels du gouvernement appellent à
davantage détudes comparant directement entre eux les médicaments ou autres
types de traitements, dans le but de contenir la fuite en avant des dépenses
médicales et daméliorer la qualité des soins.
Le peu dimpact de lessai démontre à quel point il est difficile de
modifier la pratique médicale, même après un essai ayant coûté 130 millions
de dollars, mené par les pouvoirs publics, et qui a fourni ce quil convient
dappeler des preuves robustes.
Plusieurs facteurs ont contribué à émousser limpact de létude ALLHAT.
Une première difficulté avait été tout simplement de convaincre les médecins
de changer leurs habitudes.
Une autre a concerné une discorde scientifique puisque de nombreux experts
hospitalo-universitaires ont critiqué la conception de létude et
linterprétation des résultats quen faisait le gouvernement.
De surcroît, les firmes pharmaceutiques ont riposté en intensifiant leffort
promotionnel sur leurs antihypertenseurs coûteux. « Les industriels du
médicament se sont tous ligués et ont attaqué en discréditant les résultats
» selon le Dr Curt D. Furberg, Professeur de santé publique à luniversité
de Wake Forest et ancien président du comité de suivi de lessai.
« Nous avions le sentiment que la dimension politico-économique était au
moins aussi importante que la dimension scientifique » déclare le Dr Michael
Weber, Professeur de médecine au Health Science Center de Brooklyn et
investigateur de létude ALLHAT.
Dans certains cas, elles ont été jusquà payer des conférenciers pour
intervenir en public et commenter les résultats de lessai ALLHAT dans un
sens plus favorable à leurs produits.
« Les industriels du médicament se sont tous ligués et ont attaqué en
discréditant les résultats » déclarait le Dr Furberg.
Au bout du compte, il a démissionné par frustration de son poste de
président du comité de suivi de lessai, un groupe dexpert qui continue de
superviser lanalyse des données produites par létude.
Lun des membres de ce comité à reçu de Pfizer 200 000 US dollars,
essentiellement en honoraires de conférences lannée suivant la publication
des résultats dALLHAT.
Un autre facteur a joué : Les thérapeutiques évoluent. Même avant que
létude ALLHAT ne soit terminée, et évidemment après, sont apparus de
nouveaux médicaments. Dans le même temps les génériques dautres médicaments
sont devenus disponibles, réduisant lavantage économique des diurétiques.
Et beaucoup de médecins se sont orientés vers la prescription de deux ou
plusieurs médicaments, aidés par les firmes pharmaceutiques qui offraient
des associations fixes incluant deux principes actifs dans une même
présentation.
Tant et si bien que la principale question posée par ALLHAT, à savoir - quel
médicament prescrire en première intention ? « nétait plus dactualité et
navait pas beaucoup dimportance pour la pratique clinique », comme la
déclaré le Dr John M. Flack, doyen de la faculté de médecine à la Wayne
State University (Détroit, Michigan), qui navait pas participé à létude,
mais a conseillé des laboratoires pharmaceutiques.
Le Dr Sean Tunis, ancien directeur médical de MEDICARE, reste un adepte des
études comparatives sur lefficacité des médicaments. Mais, comme la bien
montré ALLHAT, « Elles sont difficiles à mener, coûteuses à mettre en place
et provoquent un tas de réactions politiques », déclare le Dr Tunis, qui
dirige à présent une organisation non lucrative dont la vocation est de
bâtir ce type dessais ; « Ne croyez-pas quil ne sagisse que de science et
quil ny ait pas de politique là-dessous », rappelle-t-il.
Des médicaments coûteux
En promettant de mieux traiter lhypertension artérielle, les firmes
pharmaceutiques ont introduit dans les années 1980 plusieurs classes de
médicaments, parmi elles celles connues sous le nom dinhibiteurs calciques
et dinhibiteurs de lenzyme de conversion (IEC).
Bien quil ny avait aucune preuve de la supériorité de ces nouveaux
médicaments, les diurétiques ont vu leur part dans les prescriptions chuter
de 56% en 1982 à 27% en 1992. Lutilisation de traitements plus chers a
augmenté de 3,1 milliards de dollars les dépenses médicales sur la période.
Évolution des ventes dantihypertenseurs après ALLHAT
En 2002 les résultats de létude ALLHAT ont été communiqués. Létude avait
conclu que les diurétiques étaient moins chers, plus sûrs, et aussi
efficaces dans lhypertension, que dautres médicaments alors sur le marché.
Mais après un sursaut en 2003, leur part de prescription stagne et baisse
légèrement en 2007.
De telle sorte que lInstitut National du Coeur, des Poumons et du Sang, qui
fait partie de lInstitut National de la Santé (NIH), décida de comparer la
capacité des différents médicaments à prévenir les crises cardiaques, les
accidents vasculaires cérébraux et autres problèmes cardiovasculaires. «
Cétait une affaire de gros sous » a expliqué le Dr Jeffrey Cutler,
directeur de projet pour cette étude à lInstitut. ALLHAT, un acronyme pour
« étude de prévention des crises cardiaques par traitements
antihypertenseurs et hypolipémiants », débuta en 1994 par linclusion de
patients hypertendus, dâge supérieur ou égale à 55 ans, avec plus de 42 000
participants prévus.
Les patients étaient tirés au sort pour recevoir lun des quatre traitements
suivants : Un diurétique appelé chlortalidone ; un IEC, le lisinopril,
commercialisé sous le nom de marque de Zestril® par AstraZeneca ; un
inhibiteur calcique, lamlodipine, vendue par Pfizer sous le nom de Norvasc®
(Amlor® en France) ; et un alpha-bloquant, la doxazosine commercialisée par
Pfizer sous le nom de Cardura® (Zoxan® en France).
Cardura® navait été rajouté à létude quaprès que Pfizer qui contribuait
déjà au financement de létude pour un montant de 20 millions de dollars,
ait accepté daugmenter sa participation à 40 millions, dit le Dr Cutler.
Des troubles précoces
Pfizer avait misé sur Cardura®, mais ce fut une grosse erreur. Tandis que
les premières données de létude ALLHAT étaient compilées, les patients qui
avaient pris du Cardura® étaient près de deux fois plus souvent hospitalisés
pour défaillance cardiaque que ceux sous diurétique, une situation dans
laquelle le coeur ne peut plus pomper efficacement le sang. Préoccupé,
lInstitut du Coeur annonça en mars 2000 quil avait arrêté dinclure des
patients dans le groupe recevant Cardura®.
Ce qui se produisit par la suite montrait déjà à quel point la démonstration
apportée par ALLHAT nallait pas être acceptée de tous. Plutôt que dalerter
les médecins sur l'inadéquation de Cardura® au traitement de lhypertension,
Pfizer fit circuler un mémo au sein de son réseau de visiteurs médicaux,
proposant des réponses toutes prêtes pour rassurer les médecins sur la
sécurité demploi de Cardura®, selon des documents diffusés au cours dun
procès de patients contre la firme. Dans un courriel révélé lors de cette
même affaire judiciaire, des responsables des ventes se vantèrent auprès de
leurs collègues que des employés de lentreprise avaient empêché des
médecins européens venus assister à un congrès américain de cardiologie,
dassister à la conférence portant sur ALLHAT et le Cardura®. « La bonne
nouvelle » disait le message électronique, « cétait quils ont été
excellents en emmenant leurs médecins- leaders dopinion faire du tourisme
plutôt que découter Curt Furberg descendre une nouvelle fois Pfizer ».
Pfizer a refusé de faire le moindre commentaire à propos de ces messages.
La Food and Drug Administration (FDA, agence américaine du médicament et de
lalimentation), attendit un an avant de réunir des experts externes pour
discuter de la tolérance de Cardura®. A cette occasion, certains experts ont
vigoureusement contesté les conclusions des investigateurs de ALLHAT. Ils
ont soutenu que les cas de défaillance cardiaque correspondaient à des
erreurs dinterprétation et que les doses de Cardura® utilisées dans lessai
étaient inadaptées.
A la fin de cette réunion qui avait duré toute une journée, le Dr Robert J.
Temple, responsable expérimenté de la FDA, était absolument exaspéré des
commentaires mouvants des experts sur une étude clinique supposée faire
autorité.
« Cest le plus grand et le meilleur essai pour comparer le bénéfice
clinique, et nous ne sommes pas
prêts den voir un autre », sexclama-t-il. « Et vous doutez même quil ait
pu montrer quelque chose !».
Le comité décida quil nétait pas nécessaire démettre une alerte sanitaire
en direction des médecins et des patients au sujet de Cardura®. Les ventes
de Cardura® culminèrent en 2000. Mais lannée suivante son chiffre
daffaires mondial chuta de 795 à 552 millions de dollars. Selon une étude,
la prescription de lensemble des alphabloquants diminua de 22 % entre 1999
et 2002, après avoir augmenté auparavant. La décision de Pfizer de cesser
toute promotion du Cardura® fin 2000, après la perte de son brevet,
contribua à son déclin. Mais il est clair quALLHAT aussi.
Lanalyse coût/bénéfice
Les principaux résultats de létude ALLHAT furent annoncés en décembre 2002
lors dune conférence de presse à Washington et publiés dans le JAMA
(Journal of American Medical Association).
Sur le critère principal de lessai la prévention des accidents cardiaques
les trois médicaments restant se sont montrés équivalents. Cependant, chez
les patients ayant reçu Amlor® (Norvasc® aux USA), linhibiteur calcique de
Pfizer, lincidence de linsuffisance cardiaque a été de 38 % supérieure à
celle observée chez ceux traités par diurétique. Et ceux ayant reçu lIEC
dAstraZeneca, Zestril°, ont vu leur risque de faire un accident vasculaire
cérébral augmenter de 15 %, et de 19 % celui de développer une défaillance
cardiaque.
De plus, le coût de traitement annuel est de 25 dollars avec le diurétique,
à comparer aux 250 dollars dun IEC et aux 500 dollars dun inhibiteur
calcique. De sorte que le diurétique fut déclaré vainqueur.
Mais des leaders dopinion, spécialistes de lhypertension, ont accusé le
gouvernement dexagérer les faits sagissant du diurétique, dans le seul but
de réduire les dépenses de santé.
« Nous avions le sentiment que la dimension politico-économique était au
moins aussi importante que la dimension scientifique » a déclaré le Dr
Michael Weber, Professeur de médecine au Health Science Center de Brooklyn,
Université de New York, qui avait été lun des investigateurs de létude
ALLHAT, avant de devenir par la suite lun de ses plus grands détracteurs. «
Ils ont été bien au-delà de ce que les données leur permettaient de dire ».
Les critiques prétendaient que la méthodologie de létude avait favorisé le
diurétique. Si le premier médicament ne permettait pas dabaisser
suffisamment la pression artérielle, ce qui survenait dans 60% des cas, un
second médicament pouvait être associé. Mais ce second principe actif
appartenait le plus couramment à une classe donnant de meilleurs résultats
avec les diurétiques quavec les IEC.
Egalement, davantage de nouveaux cas de diabète avaient été observés parmi
les patients qui prenaient des diurétiques. Bien que les experts ne soient
pas tombés daccord sur le sens à donner à cette observation.
Pour alimenter le débat, une étude australienne divulguée deux mois après
ALLHAT avait conclu à la supériorité dun IEC sur un diurétique. Selon
certains critiques, la principale leçon à tirer dALLHAT était que
limportant était la baisse de la pression artérielle plus que le médicament
utilisé. Pour ces raisons et dautres, les experts européens de
lhypertension firent peu de cas dALLHAT.
Les partisans de létude ALLHAT ne tinrent pas compte de létude
australienne, la jugeant moins solide, et rejetèrent les autres critiques.
Tous ces arguments contribuèrent à tout embrouiller, selon le Dr Randall S.
Stafford de Stanford, qui a étudié les effets de létude ALLHAT sur les
prescriptions. « Le message, dit-il, a cessé dêtre clair pour les médecins
».
La science avance
Alors que les résultats dALLHAT étaient révélés, le lisinopril,
linhibiteur de lenzyme de conversion, fut génériqué. Cela signifiait
quAstraZeneca et Merck, qui commercialisait une version du même principe
actif sous le nom de Prinivil®, avaient moins dintérêt à défendre leurs
médicaments.
Ce qui nétait pas du tout le cas de Pfizer. Amlor® était le traitement de
lhypertension le plus vendu au monde, avec un chiffre daffaires de 3,8
milliards de dollars en 2002, et second médicament de Pfizer derrière
lanticholestérol Tahor® (Lipitor® aux USA).
La firme sarrangea pour mettre laccent sur les aspects positifs. Dans un
communiqué de presse, juste après lannonce des résultats dALLHAT, elle
déclara quAmlor® avait obtenu des résultats « comparables au diurétique
pour les décès par maladie coronaire, par infarctus du myocarde et par
accident vasculaire cérébral ». Et dans une annonce publicitaire publiée
dans une revue médicale, elle proclama « Chapeau bas devant Amlor® » (NdT :
en anglais, un jeu de mot avec le nom de létude : « ALL HATs off », qui
signifie : retirez tous vos chapeaux).
Toutefois, ni le communiqué de presse, ni lannonce publicitaire ne
faisaient état de laugmentation de 38% du risque dinsuffisance cardiaque
avec Amlor® dans létude ALLHAT.
Hank McKinnell, Président de Pfizer, ne mentionna pas non plus les problèmes
dinsuffisance cardiaque, lorsquil fit les louanges des résultats
(dALLHAT) à loccasion de sa conférence avec les analystes financiers pour
commenter les bénéfices trimestriels quelques semaines après la publication
dALLHAT. « Contrairement à ce que vous avez pu lire dans la presse,
déclara-t-il, ALLHAT est extrêmement favorable à Amlor®, notre tâche va être
dexpliquer cela à la communauté scientifique ».
Le Dr Paul K. Whelton, Président du Loyola University Health System (un
groupe hospitalier et de services médicaux de premier recours), et actuel
président du comité de suivi dALLHAT, a dit que Pfizer et dautres firmes
pharmaceutiques « ont pris ce qui servait le mieux leurs intérêts, ont fait
fonctionner leurs affaires avec ça, et ont omis opportunément de mentionner
les autres points ».
Pfizer défend ses actions. Le Dr Michael Berelowitz, à la tête de
lorganisation médicale de Pfizer au niveau mondial, a dit que, dans la
conception de lessai, linsuffisance cardiaque nétait que lune des
composantes dune évaluation plus large de diverses affections
cardiovasculaires. Et, en ce qui concerne cette large évaluation, il ny
avait pas de différence entre Amlor® et le diurétique. Il ajouta que la
notice dutilisation dAmlor® mentionnait déjà la précaution demploi dans
linsuffisance cardiaque. « Une démarche supplémentaire sur la donnée
insuffisance cardiaque na donc pas paru nécessaire » affirma-t-il en guise
de réponse.
Pfizer nétait pas la seule firme à promouvoir ses médicaments. Par exemple,
Novartis, le géant suisse de la pharmacie, consacrait des fonds
considérables pour développer les ventes de Diovan® (Tareg® en France),
leader dune classe dantihypertenseurs appelée antagonistes de
langiotensine II, ou sartans, et qui étaient trop récents pour avoir été
inclus dans létude ALLHAT. Diovan®, dont les ventes ont dépassé 5 milliards
de dollars lan passé, est vendu entre 1,88 et 3,20 USD le comprimé sur le
site drustore.com, fournisseur en ligne de produits pharmaceutiques, à
comparer aux 8 à 31 cents pour un diurétique.
En revanche, aucune firme ne dépensait dargent pour promouvoir les
diurétiques génériques. Alors, lInstitut du Coeur embaucha les
investigateurs dALLHAT, les forma, et les envoya convertir leurs collègues
médecins. Au total, les 147 investigateurs ont donné près de 1 700
conférences, qui ont touché plus de 18 000 médecins et autres professionnels
de santé.
Mais cétait une opération de « café et petits gâteaux » en comparaison des
somptueux dîners auxquels les médecins sont habituellement conviés par
lindustrie pharmaceutique. Sans compter que le programme de visite médicale
concocté par le comité de suivi, na pas vu le jour avant trois bonnes
années après la publication des résultats de létude.
Le Dr Stafford de Stanford déclara que les visites avaient semblé entraîner
une légère augmentation de lutilisation des diurétiques.
Les résultats des efforts de Pfizer sont, eux, faciles à quantifier. Les
ventes dAmlor® poursuivirent leur croissance jusquà 4,9 milliards de
dollars en 2006, ne sinfléchissant que lorsque le médicament perdit son
brevet aux USA en 2007.
Embrouilles et querelles
Les tensions au sujet de linfluence de lindustrie ont même fini par
toucher le comité de suivi. Le Dr Furberg, son président, accusa carrément
des membres du comité dêtre des agents de lindustrie.
Lun des membres, le Dr Richard H. Grimm Jr. de luniversité du Minnesota,
avait reçu de Pfizer des dizaines de milliers de dollars chaque année au
moins depuis 1997, selon la déclaration que les entreprises pharmaceutiques
doivent remplir dans cet État.
En 2003, lannée qui a suivi la publication des résultats dALLHAT, les
versements de Pfizer au Dr Grimm se sont envolés pour atteindre 200 000
dollars Une augmentation rapportée dans les colonnes du New York Times en
2007.
Le Dr Grimm a déclaré lors dune interview récente que près de la moitié de
ses honoraires perçus en 2003 provenait dune centaine de conférences faites
à des médecins et sponsorisées par Pfizer, pour leur parler dALLHAT. Le Dr
Grimm a dit quil faisait une présentation standard sur ALLHAT, mais quau
lieu de dire que les diurétiques étaient franchement meilleurs que les
autres médicaments, il disait quils étaient aussi bons ou meilleurs.
Dans le même temps, le Dr Grimm avait essayé de provoquer le départ du Dr
Furberg de son poste, sous prétexte quil navait pas été impartial.
« Il menait une vendetta contre les inhibiteurs calciques » disait-il. Le Dr
Furberg sétait publiquement interrogé sur la tolérance de ces médicaments à
partir dun certain nombre détudes quil avait lui-même menées dans les
années 1990. Les efforts faits pour éjecter le Dr Furberg échouèrent en
2001.
Mais en août 2004, le Dr Furberg démissionna, soutenant quil navait pas
été assez soutenu pour diffuser le message dALLHAT.
Le Dr Whelton, qui lui succéda en tant que président, déclara que le message
de létude navait jamais été altéré par des liens entre le comité de suivi
et lindustrie.
« Curt Furberg est un type formidable et un battant », a dit le Dr Whelton,
qui navait pas de lien avec lindustrie et navait pas participé à la
tentative déviction du Dr Furberg. « Il a certainement pris pas mal de gens
à rebrousse-poil, et même de bons amis ».
Changer la pratique
Les experts tirent plusieurs enseignements de létude ALLHAT.
Lun est que « tous les essais cliniques ont des défauts » ce qui laisse
libre cours à linterprétation des résultats, a dit le Dr Robert M. Califf,
cardiologue de Duke, qui a fait partie du comité de surveillance dALLHAT.
Un autre est que fournir une information aux médecins est une condition «
nécessaire, mais pas suffisante » pour les pousser à modifier leur pratique,
a déclaré le Dr Carolyn M. Clancy, directrice de lagence fédérale pour la
recherche et la qualité en santé*, laquelle conduit des études comparatives
entre différents médicaments.
Et alors que les assureurs peuvent influencer la pratique à travers leur
politique de remboursement, ils ne semblent pas quils aient fortement
encouragé la prescription des diurétiques après ALLHAT, en partie parce que
les autres médicaments étaient déjà génériqués.
Même le système de santé du département des Veterans Affairs, très
sensibilisé aux coûts, na pas exigé lemploi des diurétiques, parce que
trop de médecins auraient demandé de faire des exceptions à la règle, a
affirmé le Dr William C. Cushman, directeur de la médecine préventive au
centre médical de Memphis.
Le Dr Cushman, membre du comité de suivi dALLHAT, disait que lutilisation
des diurétiques par les Veterans Affairs était encore « très inférieure » à
ce quil pensait quelle aurait dû être.
Le Dr Clancy a déclaré quà présent lagence utilisait principalement les
relevés des assureurs pour évaluer la performance des traitements. Si les
essais cliniques restent la référence a-t-elle précisé, ils nen sont pas
moins coûteux et chronophages.
Et, ajouta-t-elle : « Vous pourriez être en train de répondre à une
question, qui compte tenu du temps nécessaire à la rechercher, ne serait
plus perçue comme totalement pertinente ».
(*) : LAHRQ est aux USA, léquivalent de notre Haute Autorité de Santé