[e-med] L'industrie pharmaceutique baisse ses prix pour les démunis du tiers-monde

L'industrie pharmaceutique baisse ses prix pour les démunis du tiers-monde
LE MONDE | 18.04.05 | 14h46 . Mis à jour le 19.04.05 | 10h07

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-640214,0.html

Quelques jours après avoir annoncé la mise à disposition, dès 2006, d'un
traitement de lutte contre le paludisme pour moins d'un dollar (Le Monde du
11 avril), Jean-François Dehecq, PDG de Sanofi-Aventis, a prononcé, vendredi
15 avril, au Forum des sciences de la vie de Lyon, un discours
programmatique sur les relations d'aide que son groupe entend établir avec
le tiers-monde. Des médicaments contre le paludisme, la leishmaniose, la
maladie du sommeil, la tuberculose et l'épilepsie, ainsi que des vaccins,
seront mis à disposition "du secteur public, des organisations
internationales, des organisations non gouvernementales et des organisations
confessionnelles", a-t-il déclaré.

A priori, rien de nouveau. Les dons de médicaments ne datent pas d'hier.
Merck, Pfizer et bien d'autres ont des programmes d'aide anciens et
importants aux pays sous-développés. Mais la nouveauté tient, ici, à ce que
l'on passe du don à l'échange. Sanofi-Aventis va rechercher et produire
directement pour le tiers-monde, en mettant en place une politique tarifaire
qui ait pour résultat un "ni profits ni pertes".

Comment est-ce possible ? Par une "politique de prix différenciés", explique
Sanofi. Les pays d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine ne sont pas peuplés
uniquement de malades insolvables. Dans chacun d'eux, il existe un marché
privé, réduit peut être, mais solvable. Pour Sanofi-Aventis, les pharmaciens
des grandes villes du Gabon, de Madagascar, du Cameroun réduiront leur marge
et distribueront des cartes d'accès aux antipaludiques (CAP) aux familles à
ressources réduites.

Autrement dit, le modèle ancien, qui voulait que les vaccins et médicaments
soient produits d'abord pour les pays riches et arrivent quinze ans plus
tard dans les pays pauvres, une fois amortis les frais de recherche et
développement, commence à évoluer. Le groupe britannique GlaxoSmithKline
(GSK), premier producteur mondial de vaccins, ex aequo avec Aventis Pasteur,
fonctionne lui aussi sur ce principe. "Nous avons produit et distribué, dans
168 pays, 1,5 milliard de doses de vaccins en 2004", explique Jo Cohen,
vice-président, R & D Emerging Diseases and HIV de GSK. "90 % de cette
production a été distribué dans le tiers-monde".

VENDRE PAS CHER
Là encore, les prix sont différenciés. Les Indiens qui envoient leurs
enfants étudier à Harvard peuvent soigner leur paludisme au prix fort,
finançant ainsi les distributions gratuites de médicaments effectuées par
l'intermédiaire des organisations non gouvernementales. Des contrats
d'approvisionnement à long terme ­ de gros volumes assurés sur cinq à sept
ans pour réduire les coûts ­ permettent d'envisager un "retour raisonnable
sur investissement", affirme M. Cohen.

Sur ce principe, GSK n'hésite pas à financer, depuis des années, un coûteux
programme de recherche d'un vaccin antipaludéen, une maladie qui ne touche
que les pays pauvres. Si un vaccin voyait le jour, nul doute que la
Fondation Bill Gates, l'OMS et l'Unicef mobiliseraient des ressources pour
le diffuser massivement.

Les grands laboratoires comme Sanofi trouvent aussi moins coûteux de
fabriquer à bas prix pour l'Afrique que de fermer des usines. Vendre pas
cher permet de maintenir l'emploi en Europe. Pour Joseph Saba, consultant et
PDG d'Axios International, une association qui coordonne des programmes de
soins dans le tiers-monde, "les grands groupes tâtonnent pour développer des
solutions à long terme". Avec le laboratoire américain Abbott, Axios met en
place des programmes de dépistage du virus HIV. Mais, surtout, Abbott et
Axios concentrent des moyens importants sur différents maillons de la lutte
contre le sida en Tanzanie afin de produire une expérience susceptible
d'être utilisable ailleurs. La rénovation de l'hôpital national, dans le but
d'en faire un centre d'excellence capable de rayonner sur le reste du pays,
fait partie de cette stratégie.

L'expérience qui s'accumule aujourd'hui sera vitale pour affronter le sida,
la grippe, le diabète, les maladies neurodégénératives, qui touchent déjà le
tiers-monde autant, sinon plus, que les pays développés.

Yves Mamou
Article paru dans l'édition du 19.04.05