[Pour en savoir plus, voir le comminqué de l'OMS en anglais
http://www.who.int/malaria/docs/press/pr2006_02_19-en.pdf CB]
L'OMS demande l'arrêt de la commercialisation de certains anti-paludiques
WASHINGTON, 19 jan 2006 (AFP)
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a demandé jeudi à 18 laboratoires
pharmaceutiques de "cesser immédiatement de vendre" des anti-paludiques
comportant uniquement de l'artémisinine, pour éviter l'apparition d'une
résistance à ce médicament.
"Utilisée seule, l'artémisinine risque de créer une résistance" du parasite
au médicament, alors qu'associée à d'autres molécules, "elle est efficace à
plus de 95% pour guérir le paludisme, et il est très improbable que le
parasite y devienne résistant", a souligné le directeur du département
paludisme à l'OMS, Arata Kochi.
Il est urgent d'empêcher toute résistance à l'artémisinine, car "si nous
perdons l'artémisinine, nous n'aurons plus de traitement efficace contre la
malaria. L'OMS estime qu'il faudrait au moins dix ans pour qu'on dispose
d'un autre médicament efficace", a encore souligné le Dr Kochi lors d'une
conférence de presse à Washington.
La monothérapie à l'artémisinine, utilisée en cas de paludisme déclaré et
non à titre préventif, très populaire en raison de la guérison très rapide
qu'elle semble apporter.
Bien souvent les pharmacies fournissent d'ailleurs une quantité de comprimés
ne permettant qu'un traitement sur cinq jours, alors que l'OMS estime qu'au
moins sept jours de traitement en monothérapies sont nécessaires pour non
seulement effacer les symptômes, mais éliminer le parasite.
L'OMS préconise donc plutôt l'utilisation d'associations thérapeutiques à
base d'artémisinine (ACT). Un traitement à l'ACT dure trois jours et coûte
guère plus cher que les monothérapies, selon Andrea Bosman, un expert du
paludisme à l'OMS: le surcoût est seulement de 15 à 30 cents, restant en
tout état de cause sous les deux dollars.
Ceux qui résisteront à l'appel de l'OMS pour cesser la commercialisation de
l'artémisinine en monothérapie s'exposent à des "mesures supplémentaires", a
averti le Dr Kochi.
"Nous pouvons demander à des bailleurs de fonds, comme la Banque Mondiale,
de fortement recommander ne plus se fournir en ACT auprès de sociétés qui
commercialisent également des monothérapies", a-t-il notamment averti.
Le Dr Bosman a particulièrement pointé du doigt une demi-douzaine de
laboratoires "très présents en Afrique" et commercialisant l'artémisinine en
monothérapie: Dafra (Belgique), Ipca (Inde), Cipla (Inde), Holley (Chine),
GVS (Inde), ainsi que Sanofi (France) et Mepha (Suisse).
L'OMS, qui a rencontré mercredi aux Etats-Unis plusieurs responsables de
laboratoires pour faire passer son message, compte sur au moins cinq
sociétés pour se conformer rapidement à sa politique: Cipla, Sanofi, Mepha,
ainsi que Ipca (Inde) et Guilin (Chine).
Le Dr Kochi a souligné que l'OMS s'inquiétait déjà de "la baisse de la
sensibilité au médicament en Asie du Sud-Est, région qui a
traditionnellement vu naître la résistance aux antipaludiques."
Ainsi en Thaïlande, la sulfadoxine-pyriméthamine était efficace à près de
100% lorsqu'elle a été introduite en 1977 mais cinq ans plus tard elle
n'agissait plus que dans 10% des cas.
L'OMS a par ailleurs annoncé qu'elle entendait renforcer la collaboration
avec les autorités sanitaires afin d'endiguer la contrefaçon des
antipaludiques. Elle estime que jusqu'à 25% des médicaments utilisés dans
les pays en développement sont contrefaits ou de mauvaise qualité, un
pourcentage qui dépasse 50% dans certaines régions d'Afrique et d'Asie.
Afin de prévenir l'apparition d'une résistance à long terme, l'OMS invite
aussi les chercheurs et l'industrie pharmaceutique à investir dans la
recherche sur les antipaludiques.
"La prochaine génération de médicaments sera encore des combinaisons de
dérivés d'artémisinine", estime Pascal Ringwald, un autre médecin de l'OMS.
"Il y a d'autres médicaments qui sont au stade du développement, mais cela
pourrait prendre de nombreuses années avant qu'ils soient disponibles",
a-t-il averti.