[e-med] MALI: Les centres de prise en charge débordés par la demande d'ARV gratuits

MALI: Les centres de prise en charge débordés par la demande d'ARV gratuits
[Cet article ne représente pas le point de vue des Nations Unies]
© IRIN
Le Cerkes, le seul centre de prise en charge intégré pour les personnes
vivant avec le VIH à Sikasso, est assailli par les demandes de dépistage

BAMAKO, 3 juin (PLUSNEWS) - La gratuité des traitements antirétroviraux
(ARV) pour les personnes vivant avec le VIH/SIDA au Mali risque d'engorger
les rares structures privées de prise en charge, prises d'assaut par les
candidats au dépistage et au traitement thérapeutique, ont prévenu les
organisations non-gouvernementales.

"On est débordé. Les gens cherchent à être en bonne santé et les demandes
pour le dépistage sont de plus en plus nombreuses depuis l'annonce de la
gratuité des soins et des traitements", a dit à PlusNews Amadjgé Togo, l'un
des responsables de l'ONG malienne Arcad à l'origine de la création du
centre intégré d'écoute, de soins, d'animation et de conseils (Cesac) de
Bamako.

Le Cesac, qui est devenue une structure privée de référence de la capitale
malienne, soigne 8 000 personnes vivant avec le VIH/SIDA. Environ 3 000
personnes sont sous traitement ARV dans cet établissement du centre-ville de
Bamako, sur les 4 000 personnes qui bénéficient d'un tel traitement à
travers le pays.

Moins de 200 patients sont pris en charge par un centre identique, le
Cerkes, à Sikasso, à 500 kilomètres à l'est de Bamako, près de la frontière
avec le Burkina Faso et la Côte d'Ivoire, des pays où les médicaments ne
sont pas gratuits pour les personnes vivant avec le sida qui doivent payer
une somme forfaitaire pour se les procurer.

En février dernier, le président malien Amadou Toumani Touré s'est engagé à
assurer la gratuité des ARV pour tous ceux vivant avec le virus, une mesure
effectivement appliquée par les hôpitaux et les centres privés de prise en
charge, ces derniers étant les plus actifs en matière de prise en charge des
patients.

"Nous bénéficions de financements extérieurs qui nous permettent de répondre
à cette exigence de l'Etat et à la demande des patients", a dit Togo, qui a
ajouté ne pas savoir comment la situation va évoluer dans les prochaines
années.

Le Cesac, comme le Cerkes, parviennent à l'aide de leurs partenaires
extérieurs, dont le programme international Esther (Ensemble pour une
solidarité thérapeutique en réseau), à offrir les ARV et les médicaments
pour soigner les maladies opportunistes qui frappent les organismes
affaiblis par le virus.

Ces soins ainsi que les traitements pour les infections sexuellement
transmissibles restent payants dans les hôpitaux publics, tout comme les
tests de laboratoire, essentiels à la mise sous traitement et à la
surveillance du patient restent payants, selon les médecins des centres de
prise en charge.

Selon les acteurs de la lutte contre le sida, chaque patient peut payer
jusqu'à 30 dollars par an en tests de laboratoire, alors que le revenu moyen
annuel par habitant au Mali, l'un des pays les plus pauvres du monde, n'est
que de 296 dollars selon les Nations Unies.

"L'arrêté d'application de la décision présidentielle publié avant mars n'implique
pas forcément la gratuité des analyses et des traitements des IST", a dit
Mohamed Attaher Maiga, chargé de la prévention et de la sensibilisation au
secrétariat exécutif du Haut conseil national de lutte contre le sida
(HCNLS).

Pour Maiga, il risque d'être difficile pour le Mali de pérenniser une prise
en charge gratuite des patients. "Après les campagnes de sensibilisation que
nous allons démarrer, plus de gens vont aller vers le dépistage, plus de
gens vont être dépistés positifs. Il n'est pas évident que le Mali puisse
faire face", a-t-il dit.

"Si on explique aux gens qu'ils peuvent vivre 20 ans de plus grâce aux ARV
et que ces derniers sont gratuits, ils vont trouver le courage de se faire
dépister et de venir consulter", a ajouté Maiga. "Or, je pense que le budget
de l'Etat est limité et que si les financements extérieurs se tarissent, il
deviendra difficile de maintenir cette politique."

L'Etat malien a consacré 2,3 milliards de francs CFA (4,2 millions de
dollars) en 2005 pour assurer la gratuité des traitements pour les personnes
vivant avec le sida et 23 millions de dollars devraient être dégagés sur les
ressources nationales pour financer le programme national de lutte contre la
pandémie jusqu'en 2009, selon le HCNLS.

Quelques 120 millions de dollars sont apportés par les bailleurs de fonds
internationaux, pour la même période et pour la première fois dans ce pays
sahélien, notamment par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la
tuberculose et le paludisme, la Banque mondiale, le Fonds africain de
développement et divers projets et coopérations.

Selon le programme conjoint des Nations Unies sur le sida, Onusida,
seulement 10 pour cent des personnes infectées par le virus ont pu être
identifiés, dans un pays qui affichait en 2001 un taux moyen de prévalence
de 1,7 pour cent -- deux pour cent des femmes et trois pour cent de femmes
enceintes sont séropositives selon les données officielles.

Le Mali est un cas d'école pour la prise en charge des maladies du SIDA en
ARV. Avec le nombre de ses PVVIH nécessitant une prise en charge ARV élevé
qui est inversement proportionnel aux ressources des pays, l'Afrique doit
faire des choix réalistes et courageux et les assumer.
L'Afrique doit éviter de s'enfermer dans le nouveau cercle vicieux du VIH
comme cela est le cas du paludisme, de la faim, de la pauvreté, de la
drogue, de la migration, de la dette, et que sais je encore. L'impact du
VIH/SIDA sur le développement de nos pays n'est plus à démontrer. Aucun pays
ne peut aujourd'hui prétendre au développement sans avoir maîtriser la
pandémie du SIDA. Un seul dirigeant, un seul économiste dans le monde
peut-il seulement nous démontrer un doute sur cette vérité implacable.
Comment arriver à maîtriser l'épidémie sans un réflexe des populations à se
faire dépister? Comment encourager les populations à avoir ce réflexe sans
une garantie de prise en charge? Que l'on arrête l'histoire: "les gens
doivent savoir que ce n'est pas tout séropositif qui a besoin d'ARV". Tout
le monde sait que tout séropositif fini par avoir besoin d'ARV tôt ou tard.
L'accès aux ARV est un déclic important dans la maîtrise de l'épidémie. Il
incite les populations au dépistage et offre ainsi beaucoup d'opportunité
pour les activités de prévention. Compte tenu de la pauvreté de la
population, aucune politique d'accès aux ARV basée sur la contribution
financière des malades ne peut induire une réaction suffisante pour
atteindre ce niveau de sollicitation des services de prévention. Le cas du
Burkina est frappant. Avec une population dont 45% vit avec moins de 72 000
FCFA par an (c'est-à-dire moins de 6000 FCFA/mois) le gouvernement exige une
contribution financière de 5000 par malade pour bénéficier des ARV. De
quelle manière cette mesure pourra-t-elle donner un souffle à la dynamique
de maîtrise de la pandémie? C'est juste une mesure qui contribuera à
absorber le peu de ressources disponibles sans garantir une pérennité des
programmes. C'est une mesure qui manque de courage et de réalisme politique,
c'est une fuite de responsabilité face à des milliers de malades en
détresse.
Pourquoi craindre le débordement des services de santé par l'effet du
dépistage massif induit par la gratuité des ARV? Préférons nous la politique
de l'Autriche au lieu de voir les choses en face. Est-ce parce que nous
mettrons un prix aux ARV qui maintiendra à l'écart les populations qui
bouderont le dépistage et ne viendront pas s'agglutiner sur nos formations
sanitaires que nous n'aurons pas de malades dans nos pays? Avons-nous opter
de baisser la séroprévalence dans nos pays en encourageant et en entretenant
la séroprévalence.
Les Etats, les institutions internationales, les ONG sont responsables de
ces millions de malades en Afrique dépistés ou non. Plus la masse des "non"
sera élevée et moins nous aurons des chances de trouver des politiques et
des ressources adaptées à la lutte Le Mali est sur une bonne voie pour
maîtriser l'épidémie. Il est nécessaire que tout soit mis en œuvre pour que
le Mali serve d'exemple. Je lance principalement un appel à tous les actifs
de la lutte contre le SIDA du monde entier. Le cas du Mali nous interpelle à
interpeller les décideurs mondiaux pour que le courage du Président malien
ne reste pas vain. Des solutions existent pour le problème malien.
J'insisterai particulièrement sur les associations maliennes pour organiser
une réaction. Je puis déjà leur assurer de mon ferme soutien pour la
sauvegarde des acquits enregistrés.Ayant réagit au pif à l'article
précédent, je ne peut donner un engagement officiel de notre réseau mais je
puis déjà leur assurer de notre soutien.

Simon KABORE
Coordonnateur Réseau Accès aux Médicaments Essentiels (RAME) Burkina Faso
Tel (226) 70244455
rame@rame-bf.org