KENYA: La gratuité des ARV, une étape attendue enfin franchie
[Cet article ne représente pas le point de vue des Nations Unies]
© UNAIDS
La gratuité des ARV a été applaudie par les personnes vivant avec le VIH
NAIROBI, 20 juin (PLUSNEWS) - Le Président Mwai Kibaki a récemment annoncé
la gratuité des traitements antirétroviraux (ARV) dans les hôpitaux publics
du Kenya - une décision qui a été largement saluée par les personnes
séropositives de ce pays d'Afrique de l'Est.
«Peu de personnes pouvaient acheter des médicaments lorsque le programme d'accès
aux ARV a été lancé à Kisumu [une ville située dans l'ouest du Kenya] en
2004», a expliqué le docteur Lennah Nyabiage, responsable du programme d'accès
aux ARV dans la province de Nyanza.
A cette époque, a-t-elle raconté, les ARV coûtaient 500 shillings (sept
dollars) par mois. «Nous nous sommes rendus compte qu'un grand nombre de
patients n'avaient pas les moyens d'acheter les médicaments à ce prix-là,
par conséquent, nous avons réduit leur coût à 100 shillings [1,40 dollar].»
Lorsque le prix des médicaments ARV a été réduit, deux fois plus de
personnes ont débuté une thérapie antirétrovirale à Kisumu, la principale
ville de la province de Nyanza, qui affiche un taux de prévalence de 15 pour
cent, soit 2,5 fois supérieur à la moyenne nationale estimée à six pour
cent, a expliqué le docteur Lennah Nyabiage.
«Nous nous attendons à une nouvelle augmentation lorsque les traitements
seront complètement gratuits», a-t-elle ajouté.
Cependant, la manière dont le programme d'accès gratuit aux ARV va être mis
en place n'a pas encore été établie.
«Nous avons ordonné aux laboratoires et aux services des hôpitaux publics de
ne plus faire payer les patients. Cependant, le gouvernement ne nous a pas
indiqué la manière dont nous sommes censés acquitter les frais de
laboratoire, qui étaient jusqu'ici payés par les patients», a-t-elle fait
savoir.
La gratuité des ARV va améliorer leur accessibilité, a estimé Ludfine
Anyango, coordinatrice VIH/SIDA auprès de l'organisation non gouvernementale
engagée dans la lutte contre la pauvreté, ActionAid.
«Mais nous devons penser à surveiller les conditions des patients, à faire
des tests de charge virale et de CD4. Tout cela coûte de l'argent et nous ne
savons pas où nous allons le trouver», s'est-elle inquiétée.
Le gouvernement a indiqué que les patients ne devraient plus payer les frais
de laboratoire et qu'il allait augmenter l'allocation budgétaire pour la
santé afin de compenser les coûts engendrés.
Encore de nombreux obstacles
Cependant, le personnel sanitaire fait preuve de scepticisme quant à l'impact
de la nouvelle politique. En effet, de nombreux obstacles continuent à
empêcher les personnes séropositives d'avoir accès aux ARV.
Par exemple, la plupart des personnes qui ont besoin de médicaments vivent
dans les zones rurales très éloignées des hôpitaux publics et n'ont pas les
moyens de payer les frais de transport.
«Les distances représentent un véritable problème pour les populations
rurales», a expliqué Ludfine Anyango. «L'accès aux ARV signifie davantage
que le seul coût des médicaments.»
«Je dois payer environ 200 shillings [2,80 dollars] pour me rendre de
Bungoma à Busia chaque mois, mais j'ai sept enfants et je n'ai pas de
travail», a témoigné Pamela Adhiambo (un nom d'emprunt), une jeune femme
veuve, séropositive, qui vit dans la région rurale de l'ouest du Kenya.
Le petit lopin de terre qu'elle cultive ne lui permet pas de nourrir sa
grande famille, qui doit se contenter de manger du maïs et des haricots.
Les personnes vivant avec le VIH/SIDA doivent avoir un régime alimentaire
équilibré et nutritif, qui permet de retarder la mise sous traitement ARV et
d'aider le corps à supporter les médicaments.
«Les ARV m'ouvrent l'appétit, mais je n'ai pas assez de nourriture pour
satisfaire ma faim», a-t-elle confié en indiquant qu'elle avait souvent été
tentée d'arrêter son traitement afin de ne plus être confrontée à ce
problème.
Lorsque Pamela Adhiambo est tombée malade des suites d'infections
opportunistes, elle était incapable de se rendre dans un centre médical, car
la clinique gratuite la plus proche de chez elle se trouvait à plus de 20
kilomètres.
Une ONG communautaire locale lui donne, dans la mesure du possible, de l'argent
pour qu'elle puisse aller chercher son traitement et acheter de la
nourriture pour ses enfants.
Les services sanitaires ne sont pas assez nombreux au Kenya - une situation
dont sont victimes les personnes vivant avec le VIH/SIDA. Les centres
sanitaires présents dans les régions rurales ne sont souvent pas
suffisamment équipés pour soigner les patients gravement malades et le
personnel médical n'est pas toujours habilité à prescrire des ARV.
«Nous avons besoin d'une politique générale pour que ce nouveau programme d'accès
aux ARV puisse fonctionner, nous devons nous attaquer aux causes principales
de la propagation de l'épidémie», a conclu Ludfine Anyango. «Nous devons
nous occuper de la pauvreté, de la question du genre, de la nutrition, des
conseils, du soutien et des soins.»