[lire l'extrait de la revue "Pratiques" sur le site du Nouvel Observateur,
on en croit pas ses yeux. CB]
Mediator : la preuve des mensonges de Servier
Publié le 09-09-11 à 10:33 Modifié à 14:48
par Le Nouvel Observateur
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20110909.OBS0048/exclusif-m
ediator-la-preuve-des-mensonges-de-servier.html
Dès 1977, la revue médicale "Pratiques" dénonçait l'escroquerie sur la
nature du Mediator. Comment Servier pouvait-il ignorer ce que des médecins
écrivaient déjà noir sur blanc ? Par Anne Crignon.
A lhiver 1977, "Pratiques ou les cahiers de la médecine utopique", la
revue du Syndicat de la médecine générale, publie un article de trois pages
sur une pilule inconnue nommée Mediator, présentée comme une nouveauté.
Nouveau, ce médicament ? Pas vraiment, à en croire les rédacteurs de
"Pratiques" qui - déjà - flairent larnaque.
"Mediator nous a demandé dix ans de recherche", annonce le laboratoire
Servier. A dautres, répliquent en substance les médecins de la revue :
"Pourquoi Servier ne nous dit-il pas que son Mediator est, sur le plan
chimique, un dérivé de lamphétamine et un dérivé dun autre produit de son
laboratoire, lanorexigène Pondéral ?", écrivent-ils. En dautres mots,
cest un coupe faim, et non pas un simple antidiabétique, dénoncent-ils plus
de trente ans avant qu'éclate le scandale Servier.
L'article de la revue "Pratiques" de février 1977 intitulé : "les
laboratoires Servier pour le Médiator" :
Et cest cette vérité, dissimulée pendant trente ans, qui sera rétablie en
2008 par Irène Frachon au CHU de Brest, et ce malgré les mensonges réitérés
du fabriquant.
Tout aussi stupéfiante, la clairvoyance du rédacteur de "Pratiques" qui
redoute des complications sanitaires à venir : "Pour un produit à vocation
internationale qui se veut être prescrit des années en continu, écrit-il, il
est indispensable que les prescripteurs soient prévenus de ce tout
petit détail [le Mediator est une amphétamine et un coupe-faim: NDLR]. Pour
mieux surveiller les réactions des malades par exemple. Les laboratoires
Servier sont trop expérimentés en matière de lancement de produit pour ne
pas y avoir pensé. Alors
dissimulation volontaire ?"
Ainsi, la question à laquelle sefforcent de répondre aujourdhui trois
juges dinstruction parisiens est posée dès 1977 par la revue on ne peut
plus sérieuse dun syndicat de généralistes.
Concernant la valeur thérapeutique du Mediator, "Pratiques" est tout aussi
sceptique. Le journal incite les généralistes à ne pas se laisser
embobiner par le baratin de Servier et ses longs argumentaires étayés de
références biochimiques. "Ca fait sérieux ça fait honnête, poursuit le
rédacteur. Mais il ne faut pas se laisser impressionner par la grandeur des
mots. Les malades ne sont pas traités par des démonstrations chimiques, sur
leur luxueux papier mais par des produits efficaces. "La revue estime que
les généralistes ne disposent pas déléments nécessaires pour savoir si le
médicament est efficace ou non. Et surtout, ils se méfient beaucoup dun
laboratoire "champion de la promotion médicale, cest à dire de la
publicité, de la relance postale, des courriers luxueux sur papier glacé, de
la visite médicale". Servier est - déjà - en 1975 au premier rang parmi les
laboratoires pour le budget alloué aux visiteurs médicaux. Et larticle de
"Pratiques" sachève ainsi : "Et dans quelques années, quand on commencera
à avoir un petit bout de vérité, ça en fera des millions de boites de
Médiator vendues. Et avec cet argent, les laboratoires Servier auront bien
vécu." CQFD.
Anne Crignon - Le Nouvel Observateur