Document dinformation Oxfam
Mettre fin à la crise de la R&D dans la santé publique
Promouvoir les innovations médicales en faveur des plus pauvres
http://www.oxfam.org/files/bp122_crisis_public_health_fr.pdf
Résumé
Les ressources dédiées au développement des nouveaux vaccins, des
diagnostics et des médicaments nécessaires aux besoins médicaux des pays en
développement sont insuffisantes. Au niveau mondial, moins de 10 pour cent
du budget pour la Recherche en santé sont attribués aux maladies qui
affectent, en majeure partie, 90 pour cent des personnes les plus pauvres :
cest « lécart 10/90 ». Dans les pays en développement, on manque de
médicaments adaptés à la prévention et au traitement des causes de la
mortalité et de la morbidité, et les conséquences sont dramatiques.
Certaines maladies tropicales négligées tuent 500 000 personnes par an. Des
maladies pourtant contrôlées dans le monde riche, comme la tuberculose,
causent la mort de 2 millions dindividus chaque année. De nombreux
médicaments existants sont souvent mal adaptés à certains groupes de
patients, comme par exemple les femmes et les enfants, lesquels ont des
besoins particuliers.
Il y a peu de Recherche et Développement (R&D) sur les maladies dominantes
des pays pauvres et cela pour plusieurs raisons. Les gouvernements
donateurs, comme lUnion Européenne et le Japon, ainsi que les pays en
développement, nont pas investi assez dans la recherche sur ces affections.
En 2007, la contribution totale de lAllemagne pour les maladies négligées
était de seulement 20,7 millions dEuros, soit 0,12 pour cent de son budget
global pour la recherche.
Toujours en terme de R&D, lindustrie pharmaceutique nencourage pas létude
des maladies des pays en développement, et cela en raison des faibles
perspectives de bénéfices représentés par ces marchés. De plus, lAccord de
lOMC sur les ADPIC, qui introduisit en 1995 un système mondial de
protection des brevets sétalant sur vingt ans, na pas pour effet
daccroître la R&D destinée aux pays en développement. Au contraire, cet
accord a permis aux compagnies pharmaceutiques dexercer un monopole qui a
pour résultat des prix de médicaments exorbitants.
Seulement trois médicaments pour les maladies négligées sont nés des
activités mondiales de R&D entre 1999 et 2004, ce qui est cruellement
insuffisant. Trois barrières principales font obstacle au progrès :
Un financement insuffisant : la R&D pour les maladies tropicales négligées
ne reçoit que 1 dollar sur les 100 000 dépensés mondialement pour la
recherche biomédicale et le développement de nouveaux produits. De plus, 16
pour cent seulement des fonds attribués aux partenariats public-privé
proviennent des gouvernements des pays riches.
Un manque denthousiasme et daudace face aux mécanismes dincitation : on
observe déjà de nouvelles mesures pour inciter au développement, comme par
exemple la formule de la garantie de marché, les baisses de prix pour les
traitements de maladies rares, les partenariats public-privé pour le
développement de produits (PDP) et les programmes sur les médicaments
orphelins. Ces mesures doivent être louées pour leur apport à la R&D car
elles sont la preuve dune ouverture aux idées nouvelles. Chacune de ces
initiatives a cependant ses inconvénients, qui doivent être résolus avant
leur implémentation massive.
Une absence de coordination de la R&D : sans coordination à lintérieur
même des pays concernés mais également entre eux, les ressources sont moins
bien utilisées et certains besoins importants sont négligés.
Récemment, de nouvelles idées ont vu le jour pour que la R&D puisse se
consacrer aux maladies qui affectent le plus les pays en développement. Des
groupements de brevets rendent désormais possible une gestion collective de
la propriété intellectuelle (PI). De cette manière, elle peut être utilisée
par des tiers moyennant des frais de licence, ce qui facilite le suivi des
formules et des associations à dose fixe innovantes, et diminue aussi le
prix des médicaments grâce à la concurrence des génériques. De plus, des
prix scientifiques, offerts en espèces, étendent encore léventail des
mesures incitatives au-delà du système actuel de la propriété
intellectuelle, offrant ainsi aux innovateurs une rétribution
proportionnelle à la contribution que le produit apporte à la santé
publique. Ces récompenses en espèces sont très efficaces pour ouvrir laccès
aux médicaments car les frais de R&D disparaissent, et les médicaments ne
sont donc plus vendus à des prix prohibitifs.
En plus de ces incitations financières, il faudrait donner loccasion aux
pays en développement dédifier leur propre compétence scientifique pour
abaisser les coûts du développement des médicaments, créer de nouveaux
centres dinnovation, élargir léventail des problèmes de santé étudiés par
la R&D et assurer une distribution plus équitable des coûts entre tous les
pays. Développer la production locale et régionale, létude des fonctions
régulatrices, lexpertise scientifique et les essais cliniques aiderait à
rentabiliser les investissements.
Le fait que lon sintéresse à ces problèmes est encourageant. Par
lintermédiaire de lOrganisation mondiale pour la santé (OMS), un Groupe de
travail intergouvernemental sur la santé publique, linnovation et la
propriété intellectuelle (GTI) a été instauré afin de répondre aux pays en
développement qui aspirent à un réseau mondial de R&D qui soit plus à même
de subvenir à leurs besoins. En mai 2008, le GTI a produit une Stratégie
mondiale et plan daction qui servira de feuille de route pour identifier
les nouveaux moyens dinnover et faire en sorte que les technologies
existantes puissent être partagées équitablement et dans lintérêt de tous.
Grâce à ces efforts collectifs, une structure mondiale de R&D devrait
bientôt voir le jour. Cette structure assurera une meilleure coordination
des efforts damélioration de la R&D et permettra également aux pays en
développement de contribuer à ces innovations. Dans ce rapport, Oxfam
soutient quun Fonds mondial pour la recherche et le développement, lié à un
réseau mondial de R&D, pourrait jouer un rôle immédiat et positif dans
lamélioration de la R&D pour les maladies qui minent la santé publique des
pays en développement. La provision de capital de ce fonds serait fournie
par les gouvernements du monde entier, proportionnellement à leurs moyens,
chaque pays contribuant ainsi au projet.
En définitive, tous les pays sont responsables et ils se doivent de trouver
des mesures pour garantir une R&D mondiale, efficace et organisée dans le
but daméliorer la santé de lhumanité; limpossibilité de faire face aux
coûts ne devrait pas empêcher la majorité de la population mondiale
daccéder à des soins de santé performants. Oxfam recommande que :
1. LOMS, en collaboration avec dautres agences multilatérales, mène un
effort concerté pour établir un Fonds mondial pour la recherche et le
développement de médicaments. Ce fonds devra être lié à un réseau de R&D.
Tous les pays devront y contribuer proportionnellement à leur PIB, et le
secteur philanthropique devra aussi y participer. Il sera alors dans
lintérêt de tous les contributeurs den définir les priorités.
2. Le programme de R&D de tous les pays, des fondations philanthropiques et
de lindustrie pharmaceutique devra inclure la recherche de nouveaux
composés et le développement de nouveaux medicaments. Ce programme devra en
outre adapter les formules existantes pour quelles conviennent aux besoins
des pays en développement mais également à certaines catégories de
populations, comme par exemple les femmes et les enfants.
3. Pour encourager la R&D, il faudra implémenter des mesures comme la
création de prix scientifiques en espèces - lesquels évitent les pièges liés
aux brevets - ou des mesures qui font en sorte que la protection
intellectuelle ne soit pas un obstacle à linnovation, comme les groupements
de brevets. Ces résolutions devront être appliquées et évaluées par les
donateurs et les pays en développement, en prenant en compte leurs avantages
et inconvénients. Le Prix TB et le groupement de brevets UNITAID sont autant
de modèles à développer ou à imiter lors de la création dautres opérations
du même type.
4. Les gouvernements donateurs devront recalculer à la hausse leurs
contributions à la R&D pour les maladies qui sévissent principalement dans
les pays en développement. Il leur faudra apporter une assistance de
développement officielle et leurs propres fonds de recherche. Les pays en
développement devront eux aussi privilégier la R&D dans leurs propres
budgets. Tous les gouvernements devront coordonner leurs efforts de R&D avec
ceux des universités, des centres de recherche et des fondations privées par
lintermédiaire dun réseau de R&D. Ce réseau pourrait alors devenir le
miroir dautres initiatives qui permettraient darticuler laide à la santé
pour les pays en développement, comme lInitiative internationale sur la
santé (IHP).
5. Les donateurs, fondations philanthropiques privées comprises, devront
adhérer aux critères convenus internationalement lorsquils décideront des
priorités de leurs contributions financières pour la R&D. Ils devront
sengager : à une transparence totale vis à vis des montants et de la nature
de leurs contributions à la R&D, à un accès libre à leurs données, à créer
des instituts de recherche académiques dans les pays en développement, à
collaborer au transfert des technologies, à aider les pays en développement
à mener leurs essais cliniques sur le long terme, à faire participer les
gouvernements des pays en développement et la société civile aux prises de
décision et à rendre accessibles financièrement les produits qui
apparaissent, en utilisant entre autres des licences ouvertes pour ces
produits émergents.
6. Les compagnies pharmaceutiques et les universités devraient reconnaître
que le système de la PI ne permet pas de répondre au besoin de médicaments
novateurs et adaptés aux maladies des pays en développement. Ils devraient
soutenir les PDP en leur offrant leur expertise et en leur permettant
daccéder à des bibliothèques de composés chimiques, tout en poursuivant
lexpansion des centres de recherche indépendants ou développés en
partenariat qui sattaquent aux maladies négligées. Ils devront coopérer
dès le départ avec les sociétés de médicaments génériques, les entreprises
de biotechnologie et le corps universitaire, de façon à partager certains
des coûts générés par la R&D, et accélérer lapparition de nouveaux produits
efficaces.