ONITSHA, 18 avril 2007 (IRIN) - Le mois dernier, des agents de la NAFDAC, lorganisme nigérian en charge de la lutte contre les faux médicaments, ont fait une descente dans le marché de Bridge Head, à Onitsha, une localité du sud-est du pays, pour traquer les revendeurs de médicaments contrefaits.
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Thomas Léro TCHASSAO
Coordonnateur
www.cpeact.org
MONDE: Les autorités intensifient la lutte contre la contrefaçon de médicaments
Près de 15 pour cent des médicaments vendus au Nigeria sont contrefaits et dans certaines villes du pays la prévalence peut atteindre 30 pour cent
ONITSHA, 18 avril 2007 (IRIN)
Le mois dernier, des agents de la NAFDAC, lorganisme nigérian en charge de la lutte contre les faux médicaments, ont fait une descente dans le marché de Bridge Head, à Onitsha, une localité du sud-est du pays, pour traquer les revendeurs de médicaments contrefaits.
Pendant que les équipes des agents de la NAFDAC (National Agency for Food and Drug Administration and Control) visitaient les magasins, à la recherche de médicaments contrefaits ou de mauvaise qualité, tous les accès au marché étaient gardés par des soldats et policiers armés.
Pour la NAFDAC, ce marché, un labyrinthe de petites boutiques et de ruelles, est le cur du trafic de faux médicaments au Nigeria.
Le 6 mars, la NAFDAC a fait fermer le marché avec laide de centaines de soldats et de policiers. Cette décision est lune des plus sévères jamais prises par cet organisme dans la lutte contre le commerce mortel, mais très florissant, des faux médicaments au Nigeria, a déclaré Dora Akunyili, 52 ans, professeur de pharmacie et directrice de la NAFDAC.
Pendant les quatre semaines qua duré le siège, plus de 80 camions chargés de médicaments contrefaits ont été saisis, ont affirmé des responsables de lorganisme.
« Le marché dOnitsha est lendroit où sécoule la plupart des faux médicaments au Nigeria » a dit Mme Akunyili à IRIN. « Si ce marché nexistait pas, il y aurait moins de cinq pour cent de médicaments contrefaits » mis en vente.
Actuellement, la moyenne nationale se situe à 15 pour cent, alors quà Onitsha, une ville de plus dun million dhabitants, on enregistre une moyenne de 30 pour cent, a-t-elle poursuivi, en citant une étude menée conjointement par la NAFDAC et lOrganisation mondiale de la Santé (OMS).
Un trafic nuisible à la santé
Les Nations Unies, qui célébraient le 7 avril la Journée mondiale de la santé, ont choisi cette année le thème de la sécurité sanitaire internationale pour exhorter les gouvernements, les organisations et les entreprises à investir dans la santé.
Selon lOMS, le commerce des médicaments contrefaits est un problème qui prend de plus en plus dampleur dans le monde, notamment dans les pays en développement, et qui fait des milliers de morts chaque année.
Ainsi, lincidence de ce commerce va de un pour cent, dans les pays développés, à plus de 10 pour cent dans les régions pauvres du monde, la prévalence étant plus forte dans les pays où le contrôle réglementaire est faible.
Toutefois, lorganisation note que dans de nombreux pays africains, ainsi que dans certaines régions dAsie et dAmérique latine, 30 pour cent des médicaments mis en vente sont des médicaments contrefaits.
Mme Akunyili a rappelé que lorsquelle a été nommée à la tête de la NAFDAC par le président nigérian Olusegun Obasanjo, près de 68 pour cent des médicaments mis en vente au Nigeria étaient des médicaments non enregistrés, et plus de 41 pour cent étaient contrefaits ou de qualité inférieure.
En sattaquant à ce problème, elle a été confrontée à de sérieuses difficultés, inhérentes au marché chaotique des médicaments, et au cartel criminel très organisé des faussaires.
Un réseau bien implanté
La distribution de produits pharmaceutiques au Nigeria sest développée dans le cadre dun système de marché contrôlé par des commerçants du marché traditionnel.
Bien que ces commerçants naient aucune formation en matière de distribution et de stockage de médicaments, les grandes sociétés pharmaceutiques ont été amenées à se servir deux comme canaux de distribution en raison de leur efficacité, a déclaré Mme Akunyili.
« Ils ont un système de distribution fantastique, capable découler en lespace de trois jours nimporte quel médicament partout dans le pays », a fait remarquer Mme Akunyili.
Le commerce des faux médicaments utilise le même système de distribution pour ses produits, a-t-elle affirmé.
La NAFDAC a découvert en Inde, au Pakistan et en Chine, les sources à partir desquelles les faussaires nigérians sapprovisionnent en médicaments. La chaîne de distribution couvre une bonne partie de lAfrique de lOuest et du Centre.
Dans le passé, les autorités ghanéennes avaient interdit les importations de médicaments du Nigeria, parce quelles craignaient que les médicaments provenant dEtats voisins ne répondent pas aux normes.
Sous la houlette de Mme Akunyili, la NAFDAC a lancé en 2002 un programme denregistrement et de certification de tous les médicaments en vente au Nigeria. Cette initiative a abouti à la fermeture de grands marchés de produits pharmaceutiques dans les villes dAba (Sud) et de Kano (Nord) et lefficacité de cette mesure a amené dautres marchés, dont celui dOnitsha, à se conformer à la réglementation.
La campagne sest soldée par plusieurs condamnations prononcées à lencontre de faussaires et a permis la destruction de médicaments de mauvaise qualité dun montant supérieur à 60 millions de dollars, selon la NAFDAC.
La riposte des trafiquants
Le succès de cette campagne a également déclenché des vagues de représailles de la part de puissants réseaux de trafiquants qui contrôlent ce commerce illicite.
Plusieurs bureaux de la NAFDAC à travers le pays ont été incendiés et saccagés, y compris le siège administratif et le laboratoire situés à Lagos, la capitale économique.
Mme Akunyili a elle-même échappé de peu à un attentat en 2003, lorsque des inconnus ont ouvert le feu sur son véhicule et quune balle lui est passée très près de la tête.
Peu de temps après, plusieurs faussaires présumés dOnitsha ont été arrêtés par la police et accusés dêtre les auteurs de cette tentative dassassinat. Au bout de deux années de détention, ils ont été libérés à la faveur de détails techniques juridiques, ce qui a eu pour effet denhardir les faussaires, ont affirmé les responsables de la NAFDAC.
En juin 2006, quand des agents de la NAFDAC se sont rendus au marché de Bridge Head avec un groupe de policiers pour y effectuer une inspection de routine, ils ont été attaqués et chassés par des commerçants du marché qui ont ensuite mis le feu à six de leurs véhicules.
« Cet incident nous a fait comprendre que chaque fois que nous cherchons à assainir le marché dOnitsha, nous devons mobiliser larmée et la police », a déclaré Mme Akunyili. Cest ce qui a été fait le mois dernier, avec la fermeture du marché.
Un nouveau système
La NAFDAC envisage de contrôler tous les commerçants du marché, afin de déterminer les médicaments faux, de qualité inférieure ou non enregistrés, et de les supprimer. Mais pour lorganisme, il sera difficile à terme de gagner la guerre contre les médicaments de contrefaçon, tant quil ny aura pas une réforme du système de commercialisation des médicaments en vigueur actuellement.
« Le commerce [de médicaments] est si bien implanté quil est difficile de léliminer sans proposer une alternative », a affirmé Mme Akunyili. Mais le souhait de son organisme est de les supprimer progressivement, a-t-elle dit.
Des projets sont à létude pour la construction de supermarchés du médicament gérés par des professionnels agréés qui sinspireront des méthodes des revendeurs de médicaments contrefaits pour mettre en place un autre réseau national de distribution de médicaments.
« Ce qui va changer, cest la création dun environnement approprié pour le stockage des médicaments, qui sera géré par des professionnels soumis à une règlementation moins contraignante » a dit Mme Akunyili.