[vous ave peut-être entendu parlé de l'action de la papaye fermentée sur le sida ? rappelez-vous la réunion des Ordres des pharmaciens francophones à Pharmagora 2004 en présence du Pr. L. M. ... et bien rien n'est prouvé.CB]
Agence française de sécurité alimentaire
LE DIRECTEUR GÉNÉRAL
23, avenue du Général de Gaulle
BP 19, 94701Maisons-Alfort cedex
Tel 01 49 77 13 50
Fax 01 49 77 90 05
http://www.afssa.fr/Object.asp?IdObj=28026&Pge=0&CCH=050206234230:26:4&c
wSID=F63845F98BCE479FBB7B4947F766A953&AID=0
Maisons-Alfort, le 22 décembre 2004
AVIS de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments relatif
aux justificatifs concernant la composition d’un complément alimentaire
à base d’extrait de papaye fermentée et les différentes allégations de
santé mettant en avant l’action anti-âge
Par courrier reçu le 9 juin 2004, l’Agence française de sécurité
sanitaire des aliments (Afssa) a été saisie le 7 juin 2004 par la
Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes d’une demande d’évaluation des justificatifs
concernant la composition d’un complément alimentaire à base d’extrait
de papaye fermentée et les différentes allégations de santé revendiquant
une action anti-âge.
La demande porte sur un complément alimentaire contenant de la papaye
fermentée (Fermented papaya preparation : FPP).
Le FPP est obtenu par fermentation alcoolique de longue durée (8 à 10
mois) de la pulpe de papaye (Carica papaya L.) non OGM après addition de
dextrose et de Saccharomyces rouxii ATCC 14679. Le produit brut obtenu
subit ensuite une dessiccation complète et le produit final consiste en
une poudre blanche de granulométrie contrôlée et définie, dépourvue de
papaïne. Il contient pour 100 g, 97,7 g de glucides, majoritairement des
oligosides, 0,3 g de protéines (une liste d’acides aminés est fournie),
3 vitamines (B6, B9 et niacine) et 6 minéraux (calcium, magnésium,
potassium, fer, cuivre, zinc). Le pétitionnaire indique que des
principes actifs complexes concourant aux propriétés du FPP sont en
cours d’étude pour une détermination de leur nature exacte et de leurs
fonctions. Le pétitionnaire indique que si la pulpe de papaye présente,
à l’état naturel, des propriétés anti-oxydantes, le processus de
fermentation permet d’obtenir des propriétés immuno-stimulatrices et de
potentialiser ses actions antioxydantes.
Ainsi, le FPP revendique différentes allégations de santé notamment, une
action antioxydante (lutte contre les effets des radicaux libres à
l’origine de nombreuses pathologies : cancers, maladies
cardiovasculaires, diabètes, dégénérescence cérébrale, sida…), une
action dermatologique et anti-âge (prévention du vieillissement accéléré
de la peau) et une action sur les défenses naturelles de l’organisme. Le
produit est présenté sous forme de sachets de 3 g. Le niveau de
consommation quotidienne préconisé par le pétitionnaire varie suivant
l’effet revendiqué : 1 à 3 sachets pour l’action anti-oxydante, 1 sachet
pour l’action dermatologique et 2 sachets pour l’action sur les défenses
naturelles de l’organisme.
Après consultation du Comité d’experts spécialisé « Nutrition humaine »
réuni le 21 octobre 2004, l’Afssa rend l’avis suivant :
En ce qui concerne le mode d’obtention et la composition du produit
Considérant que les quantités de matières premières, notamment pulpe de
papaye, dextrose et Saccharomyces rouxii, mises en œuvre ne sont pas
indiquées ; que le produit obtenu, le FPP, n’est pas un produit de
fermentation mais un simple produit brut obtenu après fermentation et
par conséquent de composition très complexe ; que pour répondre à la
définition des produits de fermentation, il aurait dû subir des étapes
de fractionnement et de purification selon, par exemple, les indications
de la Pharmacopée européenne ;
Considérant que si la papaye verte et la levure Saccharomyces rouxii
disposent d’un recul de consommation et d’utilisation dans les pays de
l’Union européenne avant 1997, aucun élément du dossier ne permet de
s’assurer que le procédé de fabrication utilisé est également courant et
qu’il ne s’agit pas d’un procédé de biotechnologie ; que dans
l’affirmative le produit devrait être considéré comme un nouvel aliment
et évalué comme tel dans le cadre de la procédure fixée par le règlement
européen (CE 258/97), d’autant plus que le recul de consommation dans
les pays de l’Union européenne est réduit (2 ans) ;
Considérant que la composition initiale de la pulpe de papaye n’est pas
mentionnée dans le dossier et qu’il n’apparaît pas de correspondances
quantitatives et qualitatives entre la pulpe et la poudre sèche issue du
processus de fermentation ; que par conséquent, la présence initiale de
vitamines A, C et E dans la pulpe ne peut être attestée ;
Considérant que les composés majoritaires du FPP sont des oligosides ;
que la part des hydrates de carbones et des fibres ne dépasserait pas 80
% des composés présents dans la papaye1 ; que la présence de 97,7 %
d’oligosides dans le FPP est donc sujette à caution et qu’il s’avère
nécessaire d’identifier clairement leur provenance : sont-ils issus de
la pulpe de papaye ou proviennent-ils de constituants particuliers des
parois cellulaires de la levure, dont la biomasse s’accumule dans le
milieu de fermentation ? ; que le profil moléculaire (taille
moléculaire, principaux branchements des glycanes, etc.) de ces
oligosides n’est pas non plus précisé ;
En ce qui concerne des remarques générales relatives aux informations
fournies par le pétitionnaire
Considérant que le dossier présenté par le pétitionnaire semble être
plus proche d’un document de vulgarisation en direction du grand public
que d’un dossier scientifique étayé ; que de fait, les données
scientifiques fournies par le pétitionnaire sont diluées dans un grand
nombre de pages inutiles et de notions de base relatives au système
anti-oxydant, au vieillissement ou au système immunitaire sans qu’aucune
démonstration de l’implication du FPP ne soit apportée ;
Considérant qu’un grand nombre d’études fournies à l’appui des
allégations est issu de journaux difficilement consultables ou de
résumés de communication à des congrès et que ces travaux n’ont pas
donné lieu à des publications scientifiques majeures ;
Considérant qu’en raison de la composition très complexe du FPP, il est
possible que soient présents de nombreux métabolites dont les identités
chimiques méritent d’être définies ; que les effets de ces composés ne
peuvent que se superposer les uns aux autres, sans qu’aucun effet ne
puisse être imputé de manière spécifique à un composé ;
Considérant que toutes les études présentées ne font pas clairement état
des caractéristiques du produit utilisé puisque l’on ne sait pas s’il
s’agit du FPP ou d’un autre produit résultant d’une autre méthode de
fermentation de la papaye ; que les protocoles mis en œuvre ne sont pas
décrits pour la plupart des études ; qu’aucun résultat chiffré n’est
proposé, si ce n’est quelques valeurs provenant de tests statistiques ;
Considérant que les allégations proposées par le pétitionnaire sont
regroupées sous le terme générique « recommandations » laissant penser
qu’il s’agit de conseils d’ordre médical ; que cette situation est
d’autant plus contestable que ces assertions sont attribuables à des
personnalités scientifiques de réputation nationale et internationale ;
Considérant qu’aucun composé anti-oxydant connu n’a été mis en évidence
dans le FPP et que par conséquent les actions anti-oxydantes et
immuno-régulatrices revendiquées doivent être reliées à d’autres types
de molécules ;
Considérant que le pétitionnaire ne fournit pas de données de vigilance
concernant le produit, en particulier sur le niveau de FPP consommé en
Europe et en France ; que des données sur le recul d’utilisation du FPP
au Japon (10 ans) auraient pu être présentées afin de confirmer ou
d’infirmer l’innocuité supposée du FPP ;
En ce qui concerne les aspects relatifs à la justification de
l’allégation « action anti-oxydante »
Considérant que la démonstration de l’action anti-oxydante du FPP porte
sur des études conduites chez des sujets alcooliques ; que si les
données font état de quelques effets potentiels, ceux-ci ne sont pas
suffisamment convaincants dans la mesure où les études sont conduites
selon des protocoles très particuliers :
- chez des sujets alcooliques consommant environ 150 g/jour d’alcool, la
consommation de 18 g de FPP (soit le double de la dose recommandée par
le pétitionnaire) conduit à une normalisation de la viscosité sanguine,
une réduction de la glutathion plasmatique, mais est sans effet sur la
réduction de l’agrégation plaquettaire observée,
- dans deux autres études, le FPP est capable de prévenir la réduction
de la superoxyde dismutase et la réduction de l’absorption de la
cobalamine consécutives à la consommation d’alcool ;
Considérant qu’un outil, la « Rosace du stress oxydant », permettant de
réaliser un bilan complet du stress oxydant chez un patient est énoncé
dans le dossier ; que cet outil permet la visualisation de la présence
d’un stress oxydant sur la base d’un ensemble de critères nutritionnels
(statut nutritionnel en différents minéraux et vitamines anti-oxydants)
et de paramètres du système anti-oxydant (glutathion réduit, glutathion
peroxydase, superoxyde dismutase, etc.) ; que cet outil aurait pu être
utilisé dans le cadre d’une étude clinique afin de tester l’efficacité
revendiquée du FPP ;
En ce qui concerne les aspects relatifs à la justification de
l’allégation « action dermatologique »
Considérant que l’action dermatologique du FPP n’est pas étayée et que
cette action supposée ne constitue qu’une dérive des études in vivo et
in vitro sur les effets anti-oxydants ; que des études convaincantes
portant sur les effets du FPP sur le vieillissement cutané sont à
apporter, d’autant plus qu’il s’agit d’une consommation par voie orale ;
En ce qui concerne les aspects relatifs à la justification de
l’allégation « action sur les défenses naturelles de l’organisme »
Considérant que des fractionnements successifs par ultrafiltration ont
été réalisés sur le FPP ; que les fractions obtenues, fraction de bas
poids moléculaire (LBN) et fraction de poids moléculaire élevé (HBN),
ont été testées afin de déterminer les éventuelles actions de chacune
d’entre elles :
- les fractions LBN et HBN sont capables d’augmenter la quantité de NO,
mais avec des cinétiques différentes et non explicitées par le
pétitionnaire,
- la fraction HBN contient d’importantes quantités de
lipo-polysaccharides constitutifs de la membrane bactérienne, composés
connus pour leurs capacités à stimuler la prolifération des lymphocytes
et à induire la sécrétion de TNFa in vitro ;
Considérant que le FPP est présenté comme capable de stimuler la
synthèse d’interférons a et g ; que toutefois, aucune donnée n’est
fournie sur le protocole d’étude mis en œuvre ni sur les résultats
chiffrés ;
Considérant que l’effet du FPP a été testé sur la réponse à la
vaccination anti-grippale chez des sujets sains de plus de 65 ans
recrutés à Jérusalem et à New York ; que chez les sujets recrutés à
Jérusalem, la production d’anticorps contre les virus de la grippe est
supérieure chez les sujets recevant du FPP (6 g/jour pendant 3 semaines)
à celle observée chez les témoins recevant du glucose ; qu’aucune
différence n’est observée chez les sujets recrutés à New York ; que
cette différence mise en évidence entre les deux populations serait liée
à leur statut nutritionnel, notamment une consommation de compléments
alimentaires à base d’anti-oxydants plus courante dans les populations
New Yorkaises ; que ce paramètre aurait dû constituer un critère
d’exclusion de l’étude ;
Considérant que chez des sujets atteints de Sida et recevant ou non une
tri-thérapie anti-virale, la consommation de 18 g/jour de FPP conduit à
une régression de l’apparition d’infections opportunistes (zona,
pneumopathies, diarrhées, etc.), à une augmentation du contenu en
hémoglobine des hématies et du nombre de CD4, et à une prise de poids ;
que toutefois, le traitement anti-viral n’est pas clairement précisé et
qu’un groupe témoin non consommateur de FPP n’a pas été pris en compte
dans ces études ;
Considérant que les actions du FPP sur les systèmes anti-oxydant et
immunitaire sont paradoxales : le FPP agirait comme un « éboueur de
radicaux libres » capable de débarrasser l’organisme des espèces
réactives de l’oxygène (O2•-, OH• ou NO•), mais agirait également comme
un « régulateur » de la réponse immunitaire cellulaire en induisant une
surproduction de ces mêmes radicaux libres par les macrophages, dans le
but de détruire les cellules et organismes indésirables ; qu’il est, en
effet, très peu probable, sur le plan biologique, que le FPP ait la
capacité de distinguer parmi des entités moléculaires de même nature
celles qui sont prédestinées à être « mauvaises » et celles prédestinées
à être « bonnes »,
L’Afssa indique que seuls quelques résultats obtenus via des études in
vitro ou in vivo montrent des effets antioxydants et immuno-stimulants
potentiels du FPP. De plus, en l’absence de données précises sur la
composition et le ou les principe(s) actif(s) du produit, et surtout
d’études cliniques consistantes, ces résultats sont difficilement
interprétables. Les trois allégations revendiquées par le FPP ne peuvent
donc être considérées comme fondées, d’autant plus qu’elles sont
excessives et souvent orientées sur des pathologies nécessitant en
premier lieu des traitements ayant fait la preuve d’une efficacité
reconnue. L’allégation plus générale « action anti-âge » qui est
supposée découler de la validation des 3 principales allégations n’est
pas de ce fait étayée. De manière plus générale, aucune allégation ne
saurait être acceptée pour un mélange aussi complexe, pour lequel aucun
composé chimique constitutif pouvant exercer une propriété biologique
n’est identifié ou dosé.
L’Afssa souligne également l’insuffisance du dossier soumis à
l’évaluation eu égard à de nombreux points :
- le procédé de fabrication du FPP (standardisation, quantités de pulpe,
de levures et de dextrose mises en œuvre),
- les compositions comparées de la pulpe de papaye fraîche et du FPP
(quantité exacte d’osides) et la nature des composés à l’origine des
effets revendiqués par le FPP, notamment le profil moléculaire et
l’origine (pulpe de papaye ou biomasse de Saccharomyces rouxii) des
osides présents dans le FPP,
- les données sur l’innocuité de la consommation de FPP au regard du
recul d’utilisation au Japon.
Enfin, l’Afssa estime que l’exploitation de recommandations de
personnalités scientifiques, décriée dans le cadre de la promotion de
produits pharmaceutiques, n’est pas non plus acceptable pour les denrées
alimentaires.
Martin HIRSCH
1 Heimo Scherz et Friedrich Senser – Food Composition and Nutrition
Tables ; Medpharm, Stuttgart 1994