EDITORIAL
Ouvertures
Pharmacorruption
http://www.prescrire.org/fr/3/31/49149/0/NewsDetails.aspx
Quel point commun entre les procès faits en 2013 en
Chine à des firmes pharmaceutiques, et l¹influence des
firmes sur les politiques du médicament dans le monde ?
Au moins un mot, celui de corruption, dès lors que l¹on
respecte le sens de ce mot.
Corruption de médecins en Chine. Depuis
quelques années, une politique anti-corruption déter-
minée est menée en Chine (1). Plusieurs firmes phar-
maceutiques, notamment GSK, Lilly, Novartis et Sanofi,
ont ainsi été accusées de corruption, terme juridique
qualifiant ici par exemple l¹achat de prescriptions déguisé
en ³frais de recherche² (1,2).
Corruption institutionnelle mondiale. Le Centre
d¹éthique de l¹université d¹Harvard (États-Unis d¹Amé-
rique) a publié ³Corruption institutionnelle et politique
pharmaceutique² (3). Seize auteurs y décrivent différents
aspects de la corruption institutionnelle des politiques
pharmaceutiques et des pratiques médicales, au sens
où celles-ci sont détournées de leurs objectifs et de
leurs valeurs d¹intérêt général par l¹intérêt particulier
des firmes pharmaceutiques (3).
« En conséquence, les soignants peuvent penser qu¹ils
utilisent une information fiable pour appuyer des pratiques
solides, alors qu¹en fait ils s¹appuient sur une information
biaisée pour prescrire des médicaments qui ne sont pas
nécessaires ou dangereux, ou plus chers que des médi-
caments équivalents » (3).
Plusieurs ouvrages très documentés publiés en 2013
vont dans le même sens (4à6).
Trop de proximité entre régulateurs et firmes.
Une autre analyse universitaire a montré qu¹au fil des
années s¹est développée une culture commune entre les
personnes travaillant pour les firmes et celles travaillant
pour l¹agence étatsunienne du médicament (FDA). Ces
dernières sont devenues ³pro-industrie², partageant les
conceptions des firmes (ce qui est dénommé ³capture de
régulation²), notamment en admettant qu¹« il faut faire un
compromis entre innovation et sécurité » (7).
Au total, « les organisations politiques de l¹industrie
pharmaceutique mondiale sont arrivées à fixer les termes
de la discussion sur la façon dont les firmes doivent être
régulées » (7).
Un antidote. Les firmes ont réussi à imposer leurs
intérêts et leurs valeurs au détriment des politiques
pharmaceutiques et des pratiques médicales. Plus que
jamais, penser et agir dans l¹intérêt premier des patients
est l¹antidote indispensable à la corruption dans le
domaine de la santé.
©Prescrire
Extraits de la veille documentaire Prescrire.
1- ³GSK, bribery and the China conundrum² Scrip Intelligence 26
juillet 2013 : 20.
2- ³Accusations de corruption contre Novartis en Chine² Dépêche ATS du
17 septembre 2013 : 1 page.
3- Rodwin MA et coll. ³Institutional corruption and pharmaceutical policy²
J Law Med Ethics 2013 ; 41 (3) : 544-746.
4- Goldacre B ³Bad pharma - How drug companies mislead doctors and
harm patients² Faber & Faber, New York 2013 : 448 pages.
5- Borch-Jacobsen M et coll. ³Big pharma - Une industrie toute-puissante
qui joue avec notre santé² Les Arènes, Paris 2013 : 528 pages.
6- Gøtzsche PC ³Deadly medicines and organised crime : how big
pharma has corrupted healthcare² Radcliffe, 2013 : 320 pages.
7- Carpenter D ³Corrosive capture ? The dueling forces of autonomy and
industry influence in FDA pharmaceutical regulation² 2013 : 30 pages.