[e-med] Point sur les médicaments douteux au Nord Kivu, notre reaction

POINT SUR LE MAIL DU 25 MAI 2009 PORTANT « FAUX MEDICAMENTS AU NORD-KIVU »

1) Compréhension de la notion dans le commun des mortels au Nord Kivu

Au Nord Kivu un nombre non moins important de gens, des fois même les
prescripteurs médecins ou infirmiers, considèrent en général comme bons
medicaments ceux fabriqués en Europe ou en Amerique, et ceux communément
appelés « made in india » ou fabriqué en inde ou en Asie en géneral comme
moins efficace, douteux, piratés etc.
C’est une mauvaise compréhension car l’efficacité du médicament n’est pas
toujours liée à son origine nationale (pays) ou continentale (Asie,
Afrique), mais plutôt à la crédibilité de son fabricant ou à l’intention de
gain sordide de son falsificateur. Ce dernier peut être son propre
fabricant, un répartiteur, un distributeur ou le détaillant.
Notons aussi que on désigne couramment par pharmaciens toute personne, même
non diplômé en pharmacie, qui vend les médicaments. Donc il faut nuancer ce
que l’auteur du mail avait déclaré.

2) Formes de piratage, falsification, corruption des médicaments couramment
rencontrées au Nord Kivu :

Dans nos inspections de routine, les formes ci-dessous sont observées :
• Changement des dates de péremption,
• Imitation frauduleuse des articles de conditionnement
• Piratage des noms de marques déposés autorisées
• Remplacement des formes (cas des cés coûteux par ceux de même forme
géométrique mais moins coûteuse)
• ect
Après la rencontre de ces genres de constats l’inspection pharmaceutique a
systématisé depuis deux ans un « contrôle de qualité macroscopique » des
médicaments. Il se fait par échantillonnage, avec une fiche élaborée à ce
propos. Grâce à ceci des médicaments ont été retirés des établissements et
détruits si on les rencontre.
Avec les sensibilisations lors des supervisions dans le secteur, le
phénomène a sensiblement baissé, les opérateurs craignant être découvert et
sanctionné par nos services.
Le phénomène n’est pas aussi alarmant tel que l’on a décrié, car la capacité
de l’inspection pharmaceutique est sûrement de découvrir ces faux,
sanctionner les concernés pour les décourager, les détruire ; tout pour
protéger la santé de la population, et c’est ce que nous faisons sans
complaisance.

3) Vérité sur les établissements de vente en gros de médicaments fermés

Tel que on l’a balancé dernièrement sur mail et sûrement après avoir suivi
les médias, trois dépôts ont été fermés par nous à Goma pour les raisons
suivantes.
Nous avons mis en place un outil d’inspection des bonnes pratiques de
stockage (BPS) de médicaments que nous avons testé d’abord dans le secteur
de gros, entre mars et avril et mis en application en Mai 2009
L’inspection des BPS suivi des recommandations a abouti à la fermeture de
certains dépôts pharmaceutiques, d’abord privées et se poursuivra après
évaluation aux entrepôts des ONGs et AGENCES des NU qui n’auront pas
satisfait aux conditions minimales des BPS.
Les dépôts pharmaceutiques fermés ne l’ont pas étés pour vente des produits
périmés ou falsifiés tel que le dernier mail le relate, mais pour non
respect des minimums des BPS des médicaments.

4) Prix des médicaments :

Comme dans bien d’autres villes du pays et d’autres Etats Africains, je
présume, les prix des médicaments dans le marché ne sont fortement
réglementés avec une politique adaptée. Ainsi il y a un libertinage dans sa
fixation par les opérateurs de vente des médicaments. Un rapport de l’étude
des prix des médicaments en RDC auquel nous avons participé, a été réalisé
sur financement de l’OMS AFRO.
En général, les médicaments génériques ou en génériques de marque coûtent
moins cher que leurs spécialités d’origine. Ceci est lié bien sûr au fait
que, après expiration de son brevet, une spécialité anciennement brevetée
tombe dans le domaine public et peut être fabriquée par n’importe quel
fabricant qui lui attribuera un nom. Ce générique coûtera moins cher car il
n’est plus soumis aux mêmes investissements pour la recherche et
développement ou le marketing, etc.
Donc si le générique made in india, africa, ou europe, coûte de loin moins
cher que sa spécialité, cela ne veut pas dire nécessairement que cette
différence de prix reflète la qualité.
La quasi présence des médicaments moins chers dans les pharmacies est liée
aussi au fait que les opérateurs choisissent ceux qui correspondent au
pouvoir d’achat des populations surtout du Nord Kivu, soumises à des
affrontements armés et à insécurités chroniques les appauvrissant
d’avantage.

5) Performance de l’inspection pharmaceutique :

L’inspection de routine se fait en déployant tous nos efforts dans les
limites des moyens de la division de la santé. Au regard des qualifications
des opérateurs dans ce secteur, on mène aussi des grands efforts dans la
sensibilisation sur la réglementation pharmaceutique, la gestion,
conservation, etc. Mais il faut un appui représentatif du pouvoir politique
de l’inspection en moyens conséquents, pour bien réussir. Avec la crise,
certains services, comme l’ANR (agence congolais de renseignement) chargé de
sécurité se mêle illégalement dans ce qu’ils appellent contrôle qualité des
médicaments, avec pure tracasserie. La justice aussi, ne nous appuie pas
comme il se devrait. Or avec les moyens dont dispose la Division de la Santé
on ne sait pas bien mener l’inspection à notre satisfaction, dans tous ses
aspects

6) Conclusion :

La lutte contre les faux médicaments doit être multisectorielle et
mondialement coordonnée ; ni l’europe, l’amerique, asie,ni l’afrique ne peut
se prévaloir l’ayant échappé.
Nous encourageons donc la société civile de s’y impliquer aussi comme nous
le disons toujours chez nous. Mais celle-ci devra bien collaborer avec nous
pour une action efficace, sans émotions ni tapageuse.
Par-dessus tout c’est le pouvoir politique qui doit mettre du paquet, un peu
comme on a appuyée la police nationale ces dernières années en RD CONGO.

Merci à tous

Phcien François M.R.TSHITENGE
Pharmacien Inspecteur Provincial du Nord Kivu et
Président de la Commission Approvisionnement Logistique
Inspection Provinciale de la Santé Nord Kivu(IPS), RD CONGO
145,Avenue rond-point,Commune de Goma,Ville de Goma(derière l'Hopital
géneral Provincial de Réference de Goma)
Tél:+243(0)81 69 95 713
Couriel: fmrtshimal@yahoo.fr; ipsp_nk@yahoo.fr