Politique du médicament : de bonnes mesures annoncées, à compléter, et
surtout à faire appliquer
http://www.prescrire.org/fr/3/31/47021/0/NewsDetails.aspx
Les responsables politiques ont aujourdhui la responsabilité de ne pas
décevoir lespoir quils ont alimenté. Mieux, ils ont une opportunité
historique pour conduire un changement de cap dans la politique du
médicament, en France et en Europe, au bénéfice premier des patients.
Laffaire Mediator° a suscité en France une vaste remise en cause de la
politique du médicament. Plusieurs organismes et institutions officiels
ont ouvert un débat destiné à proposer des améliorations de cette
politique.
Dès le 8 mars 2011, Prescrire a proposé 57 recommandations pour
réorienter la politique du médicament au bénéfice des patients. Les
recommandations finales de la mission de lAssemblée nationale, de la
mission auprès du Président de la République, de lInspection générale des
affaires sociales (IGAS) dune part, et des Assises du médicament dautre
part, recoupent une grande partie de ces recommandations.
Le ministre de la santé a repris une part importante des propositions des
Assises, également recommandées par dautres missions, ce qui doit être
salué.
Cependant, plusieurs points essentiels ne figurent pas dans les mesures
proposées :
- le développement dune recherche clinique publique forte. D'une
part, il n'est pas cohérent de laisser les firmes fournir lessentiel des
données d'évaluation clinique de leurs médicaments : cela les place dans
un conflit d'intérêts majeur. Dautre part, ce financement par les firmes
entretient de nombreux liens dintérêts entre elles et les experts. À
terme, cette évaluation doit être assurée principalement par les pouvoirs
publics ;
- laccès public aux données dévaluation clinique et de
pharmacovigilance, indispensable pour la transparence des décisions et la
possibilité d'expertises plurielles en dehors des agences officielles ;
- le renforcement du système public de pharmacovigilance ;
- une évolution du métier et de la rémunération des pharmaciens
d'officine leur permettant dassurer vraiment leur mission de soignant
professionnel du médicament, bien placé dans le circuit des soins pour
éviter de nombreux effets indésirables des médicaments.
Plusieurs points sont à préciser :
- les registres de liens dintérêts ("Sunshine Act à la française")
doivent être interrogeables aussi par nom de soignant et non seulement par
nom de firme ;
- le développement des vigilances et la formation des soignants dans
ces domaines doivent inclure aussi les pratiques (erreurs liées aux soins)
et pas seulement les effets indésirables des produits de santé ;
- la transparence ne se marchande pas : les vidéos des différentes
commissions doivent être intégrales, et non réservées aux "enjeux
sanitaires" : le médicament est par définition toujours un enjeu
sanitaire.
Prescrire évaluera lampleur des réformes sur les faits, et notamment à
court terme leur traduction sans affadissement dans la loi annoncée. C'est
un préalable pour que ce soit un réel pas vers un meilleur accès pour tous
à des soins de qualité. À court terme également, la France doit s'assurer
que ses représentants à l'Agence européenne du médicament sont bien à même
de porter les changements indispensables.
Prescrire garde son indépendance et continuera dévaluer avec exigence la
balance bénéfices-risques des médicaments et le progrès thérapeutique
quils apportent éventuellement, ainsi que les décisions des agences et
des responsables politiques.
Les différentes missions politiques et les Assises du médicament ont
montré que la société française était prête à de profonds changements dans
le domaine du médicament.
Les responsables politiques ont aujourdhui la responsabilité de ne pas
décevoir lespoir quils ont alimenté. Mieux, ils ont une opportunité
historique pour conduire un changement de cap dans la politique du
médicament, en France et en Europe, au bénéfice premier des patients.
©Prescrire 24 juin 2011