[e-med] Loi sur le médicament : trop peu de progrès (France)

[Le 19 décembre, l'Assemblée a voté, en lecture définitive, le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Cette Loi réforme le dispositif de sécurité sanitaire à la suite de l'affaire du Médiator. Il crée, en particulier, de nouvelles règles et obligations de déontologie, modifie le dispositif d'autorisation de mise sur le marché des médicaments (AMM), redéfinit le système de pharmacovigilance et substitue l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).
Pour en savoir plus http://www.assemblee-nationale.tv/chaines.html?media=3106
Ci-dessous le point de vu de la Revue Prescrire.CB]

Revue Prescrire
Loi sur le médicament : trop peu de progrès
http://www.prescrire.org/fr/3/31/47644/0/NewsDetails.aspx
20 décembre 2011

Le vaste débat lancé en 2011 en France sur le médicament, au décours des
révélations sur le désastre Mediator°, a laissé espérer de nombreux
changements. Mais la loi finalement votée, malgré certaines avancées,
s'avère en net retrait par rapport à diverses recommandations officielles,
et ne vise pas assez l'intérêt premier des patients.

Le désastre Mediator° a été l’occasion d’un vaste débat en France en 2011
sur le médicament. Les missions de l'Inspection générale des affaires
sociales (IGAS), du Sénat, de l'Assemblée nationale, la mission auprès du
président de la République, les Assises du médicament, etc., ont montré que
la France était en attente de changements très importants dans les règles et
les pratiques relatives au médicament. Et que l’Europe a grand besoin aussi
du même vaste changement.

Le projet de loi du gouvernement n’a retenu qu’une faible part des
recommandations faites par les différentes instances citées plus haut, et
s'est concentré quasi exclusivement sur l’agence du médicament et ses
relations avec les firmes. Une partie de la loi se borne à faire remonter au
niveau législatif des règles déjà inscrites au niveau réglementaire ou à
transposer des mesures issues de la directive européenne sur la
pharmacovigilance.

On y trouve quelques avancées en termes de transparence et de gestion des
liens d’intérêts, de transparence des processus d’expertise et de décision,
d’encadrement des dispositifs médicaux et d'études post- autorisation de
mise sur le marché (AMM). Mais pratiquement pas d’avancée sur la comparaison
des médicaments avec les traitements de référence notamment avant AMM, rien
sur le financement public d’une recherche clinique permettant un fort
développement d’une expertise indépendante, rien sur la formation des
soignants en pharmacovigilance et en pharmacologie clinique, etc.

En seconde lecture au Parlement, les députés ont beaucoup affaibli le texte
voté par les sénateurs et notamment supprimé les mesures qui auraient mieux
permis aux victimes de médicaments d'être reconnues et prises en charge :
présomption de responsabilité, actions de groupe. Le texte voté par les
députés en seconde lecture est en recul même par rapport au texte qu'ils
avaient voté en première lecture. C'est le cas par exemple de l'article
prévoyant une comparaison des médicaments pour pouvoir être remboursés, qui
est devenu très flou.

Avec des milliers de morts dus aux médicaments chaque année, et bien plus
encore de victimes d'effets indésirables graves, avec une consommation de
médicaments parmi les plus élevées du monde, la France a bien un problème
avec le médicament, très largement au-delà du désastre Mediator°. Ce
problème ne sera pas résolu par la nouvelle loi française sur le médicament.

Il reste beaucoup à faire. Les débats ouverts en 2011 en France sur le
médicament montrent que d'autres avancées nécessaires sont à portée de main,
en mettant au cœur des préoccupations la recherche de progrès et de
protection pour les patients.

En pratique, beaucoup dépendra de la détermination de l’agence du médicament
et de son encadrement à tenir le cap à long terme. Beaucoup tiendra aussi au
comportement des soignants et des patients face aux médicaments. Pour tous,
Prescrire poursuivra son action d'information et de formation indépendante
de référence, au service avant tout de l’intérêt des patients.

©Prescrire 20 décembre 2011