[e-med] Pour la 1ère fois, suivi des mutations de résistance des patients VIH+ africains

Une équipe française retrace pour la première fois l'évolution de patients
VIH+ africains porteurs de résistances, avec des résultats mitigés

WASHINGTON, 1er juin 2007 (APM) - Des chercheurs français rapportent les
premiers résultats, en demi-teinte, de l'effet des résistances aux anti-VIH
sur l'évolution de patients africains, dans une étude franco-ivoirienne
parue dans Aids.

Les résistances primaires aux antirétroviraux demeurent rares en Afrique, où
l'accès au traitement, loin d'être universel avec une couverture de 28% des
personnes qui en auraient besoin, est plus récent que dans les pays
industrialisés.

Il semble toutefois acquis que leur prévalence augmente dans le futur,
soulignant le besoin d'une meilleure disponibilité des traitements de
deuxième ligne. Or leur prix dans ces pays demeure dix fois plus élevé que
pour ceux de première intention, plus concurrencés par les génériques.

Catherine Seyler, de l'Institut de santé publique, d'épidémiologie et de
développement (Isped, Inserm U593) de Bordeaux, et ses collègues ont mené
une étude, la première à ce jour, afin d'évaluer l'impact de résistances aux
anti-VIH sur le devenir clinique et immunologique de patients africains.

Il s'agissait en l'occurrence de patients de Côte d'Ivoire, pays où l'Agence
nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) a lancé
ses premières études africaines dans les années 1990, rappelle-t-on.

Ce travail a porté sur 106 patients, déjà traités depuis environ trois ans
lors de l'inclusion dans cette étude menée entre 2004 et 2006, "période
politique difficile" pour le pays livré à une guerre civile entre forces
gouvernementales au sud et les rebelles au nord, rappelle à l'APM Catherine
Seyler.

Il s'agit là d'une des raisons pour lesquelles, parmi les 44 personnes
présentant une charge virale détectable à l'inclusion, seules dix, porteuses
de résistances aux anti-VIH, ont pu bénéficier d'un changement de
traitement, explique-t-elle.

Parmi ces 44 patients, 23 présentaient au moins une mutation majeure, la
plus fréquente étant la M184V du gène codant pour la polymérase, conférant
une résistance à l'analogue nucléosidique lamivudine.

Au terme d'un suivi de 20 mois, les chercheurs ont comparé ces patients aux
21 dont la charge virale était détectable sans mutation majeure, et aux 62
dont elle était indétectable lors de l'inclusion.

Très nuancés, leurs résultats montrent que la présence de mutations n'est
pas statistiquement associée à un risque accru de morbidité ou de mortalité.
L'incidence d'évènements classant sida ou de décès était ainsi de 79% en cas
de charge virale indétectable, contre 69% chez ceux porteurs de mutations.

L'effet était moins neutre quant au taux de CD4, qui enregistrait des gains
respectifs de 129 et 3 cellules/mm3 entre l'inclusion et le dernier test
enregistré, soit environ deux ans. En cas de charge virale détectable sans
mutations, la hausse était de 51 cellules/mm3.

Comparée aux personnes à charge virale indétectable, la présence de
mutations est associée à une multiplication par 4,39 du risque d'échec
immunologique, défini par un taux de CD4 inférieur à 200 cellules/mm3.

Ces résistances, "globalement pas très bonnes", sont liées à une moins bonne
évolution du patient, commente Catherine Seyler. "L'aspect positif, c'est
que malgré cela, la plupart sont toujours vivants après 20 mois de suivi", à
l'exception d'une personne.

UN RISQUE D'ACCUMULER LES RESISTANCES

Demeure le risque, chez les patients maintenus sous des traitements
suboptimaux en raison de résistances, d'en accumuler d'autres, indique la
chercheuse. Ces nouvelles mutations pourraient dès lors compromettre les
résultats des traitements de deuxième ligne, lorsque le patient pourrait
enfin en bénéficier.

Conséquence d'une situation "où les patients auraient le droit d'échouer et
d'accumuler des résistances à grande échelle", la prévalence de résistances
primaires, celles déjà présentes dans le virus contaminant le partenaire
sexuel VIH-, augmenterait, considèrent dans un éditorial Marc Vekemans, de
l'institut de médecine tropicale d'Anvers (Belgique), et ses collègues.

Cela "compromettrait les interventions de prévention de la transmission
maternelle du VIH et limiterait l'efficacité de traitements simples et peu
coûteux pour les générations à venir", poursuivent-ils.

Outre le problème de l'accès aux anti-VIH de deuxième intention, se pose
également celui des tests biologiques, rappelle Catherine Seyler. L'examen
clinique prime en Afrique, suivi, dans un ordre croissant de rareté et de
prix, par les mesures de taux de CD4, de charge virale et les tests de
résistance, quasi-inexistants sur le continent.

Il semble difficile de généraliser ces résultats à l'ensemble des patients
africains, la Côte d'Ivoire étant, malgré ses troubles politiques, "plutôt
mieux lotie" que d'autres pays, considère Catherine Seyler. Plus de la
moitié des patients de l'étude (58%) étaient ainsi sous antiprotéase, classe
thérapeutique rare en Afrique.

La lutte contre le sida en Côte d'Ivoire fait l'objet de plusieurs aides,
dont celles du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le
paludisme, du programme américain PEPFAR, du réseau de jumelage hospitalier
Esther et d'études de l'ANRS, rappelle la chercheuse.

Autre étude française menée en Côte d'Ivoire, TRIVACAN a consisté à évaluer
l'efficacité d'un traitement alterné, avec l'espoir d'en réduire les effets
indésirables et le coût tout en maintenant son efficacité

Après l'arrêt du bras guidé par le taux de CD4 en raison d'une morbidité
accrue, des résultats relatifs à un traitement interrompu puis repris à
période fixes devraient être présentés fin juillet à Sydney (Australie) à la
conférence de l'International AIDS Society (IAS), a indiqué Catherine
Seyler.

(Aids, vol.21, n°9, p.1157-1164 et p.1205-1206)

rl/eh/APM