S�n�gal: Entretien avec...le Dr Mamadou Ndiad� et le Dr Aboubakrine Sarr pharmaciens
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Le Soleil (Dakar)
9 Mai 2007
Publi� sur le web le 9 Mai 2007
Entretien r�alis� par Ma�mouna Gueye
Dr Mamadou Ndiad� (Pr�sident de l'Ordre des pharmaciens) et Dr Aboubakrine Sarr (Pr�sident du Syndicat des pharmaciens) : � Dire que des pharmaciens ne sont pas impliqu�s dans le march� illicite du m�dicament est une contrev�rit� �.
L�gislation, formation des pharmaciens, p�nalisation du d�lit de vente illicite de m�dicament, int�gration des pharmaciens dans les programmes de sant�, n�cessit� pour les professionnels du m�dicament de se rapprocher des populations. Les pr�sidents de l'Ordre des pharmaciens et du Syndicat des pharmaciens priv�s du S�n�gal abordent, entre autres aspects, tous ces th�mes dans cette interview crois�e dans laquelle ils reconnaissent tous les deux que des pharmaciens sont bel et bien impliqu�s dans le march� illicite du m�dicament.
Vos premi�res journ�es pharmaceutiques avaient pour objectif de r�fl�chir sur l'avenir de la pharmacie au S�n�gal, selon vous comment se dessine cet avenir ?
Dr Ndiad� : Toute organisation, toute communaut�, toute profession doit penser � son avenir qui consiste � diagnostiquer la situation et � trouver des solutions. Je pense que la profession pharmaceutique est confront�e � un certain nombre de difficult�s dont l'une des plus cruciales est la vente illicite de m�dicaments. Ce seul sujet pourrait suffire pour poser la question de l'avenir de la pharmacie. Il y a aussi le partenariat entre le secteur public et le secteur priv� pharmacien. C'est une question qui se pose et � laquelle nous sommes en train de trouver des solutions qui conditionnent l'avenir de la pharmacie. Il y a aussi la formation des pharmaciens au niveau de l'universit� o� s'op�rent actuellement des mutations dans le sens de l'am�lioration de la formation des futurs pharmaciens qui sont l'avenir de la profession. Il y a �galement les textes qui doivent �voluer parce que ce sont eux qui conditionnent l'�volution de la pharmacie. Parmi eux, certains sont obsol�tes, d'autres m�ritent d'�tre am�lior�s et il y a, avec l'�volution actuelle, la n�cessit� d'en cr�er d'autres. Toutes ces raisons m�ritent que nos journ�es soient consacr�es � l'avenir de la pharmacie au S�n�gal.
Dr Sarr : L'avenir de la pratique officinale, c'est de faire en sorte que nos textes soient en phase avec la r�alit� du m�dicament ou de la politique m�dicamenteuse. Les textes sont d�suets. Ils datent de 1954. J'en veux pour preuve les sanctions qui sont vraiment d�risoires par rapport aux fautes commises.
L'autre aspect est que le pharmacien tr�s sollicit� par les populations doit renforcer ses capacit�s manageriales et au-del� �tre au diapason de toutes les informations par rapport aux pathologies. Cela suppose une formation continue, un enseignement post-universitaire qui va prendre en compte la prise en charge m�dicamenteuse avec les nouvelles mol�cules, les crit�res de dispensation des produits, les posologies, les effets secondaires que cr�ent les produits. Il faudrait aussi que le pharmacien commence � sortir de l'officine pour aller porter la bonne information aux populations. C'est une nouvelle approche que nous allons promouvoir. Par rapport � cela, l'int�gration des pharmaciens dans les programmes de sant� pourrait faciliter les choses. Le pharmacien du troisi�me mill�naire est un type nouveau qui est dans le priv�, mais qui verse dans un partenariat avec le public pour davantage approcher les populations et � qui l'on garantit une s�curisation de sa profession.
S'agissant des textes, concr�tement qu'est-ce vous projetez de modifier ?
Dr Ndiad� : Je pense surtout aux textes qui datent de la p�riode avant ind�pendance. L'exemple que je donne concerne la p�nalisation des d�lits de vente illicite de m�dicaments. Nous voyons des peines qui sont sans commune mesure avec la gravit� des fautes commises. Pour �tre plus actuel par rapport � l'installation des officines, il faut des crit�res qui doivent �voluer avec les besoins des populations. Donc, il y a des textes qu'il faut n�cessairement r�adapter, m�me par rapport au fonctionnement de l'Ordre des pharmaciens. Il y a une �volution du nombre de pharmaciens ; les textes �crits il y a trente ans, ne sont plus adapt�s au contexte de la population actuelle de pharmaciens. Ainsi, plusieurs motifs justifient la n�cessit� actuelle de r�viser les textes, d'en changer et d'en cr�er d'autres pour s'adapter � la r�alit� actuelle.
Dr Sarr : Au-del� des sanctions disciplinaires, nous voulons qu'on en arrive � dire que les comptes du pharmacien sont bloqu�s, qu'on lui fasse des sanctions p�cuniaires qu'on va reverser � l'Ordre des pharmaciens pour son fonctionnement ou � la Direction de la pharmacie. Nous allons r�fl�chir autour de tout cela pour que la sanction soit plus coercitive et plus dissuasive. Le syndicat s'est engag� dans cette dynamique pour convaincre les pharmaciens qui s'adonnent � cette pratique d'arr�ter.
Justement concernant le march� illicite des m�dicaments, quel r�le jouent v�ritablement l'Ordre et le Syndicat des pharmaciens pour �radiquer ce ph�nom�ne ?
Dr Ndiad� : Le r�le de l'Ordre est d'attirer le respect par les pharmaciens de leurs obligations professionnelles, ensuite de d�fendre l'honneur et l'ind�pendance de la profession qui consiste � sauvegarder l'ensemble de ce qui lui appartient. La vente, la dispensation des m�dicaments est du ressort du pharmacien. Toute autre personne qui s'adonne � cela est sens� faire de l'exercice ill�gal. Donc, l'Ordre a pour mission de prot�ger ce monopole, de lutter contre cet exercice ill�gal de la pharmacie. Aussi bien les m�dicaments de la rue que la contrefa�on contribuent au d�veloppement de ce march� parall�le. C'est pour cette raison que l'Ordre des pharmaciens a le devoir et l'obligation de lutter contre ces deux ph�nom�nes en relation bien s�r avec l'autorit� qu'est le ministre de la Sant�. Dans les d�tails, l'ordre veille � ce que les pharmaciens ne soient pas impliqu�s dans le march� parall�le, � la limite de les sanctionner s'ils sont impliqu�s dans ce march� parall�le, de trouver des voies et moyens de sensibilisation des populations sur les dangers de ce march� par l'usage de m�dicaments contrefaits et enfin interpeller les autorit�s et les accompagner dans la lutte contre ce march� parall�le.
Dr Sarr : Par rapport au march� illicite du m�dicament nous l'avons tourn� dans tous les sens. Nous avons interpell� toux ceux qui devaient l'�tre pour en parler. Parce qu'au-del� de l'aspect m�dical, il y a un aspect social qui revient au pharmacien. Il devait interpeller l'autorit�, sensibiliser les populations. Mais, je crois que quand nous avons commenc� � le faire, certains ont pens� que nous agissons pour des raisons p�cuniaires. Or, nous sommes avant tout des agents de sant� publique avec comme r�le de dispenser le m�dicament parce que nous connaissons le m�dicament et le danger qu'il peut constituer. Nous nous devons de sensibiliser les populations et d'interpeller l'autorit�. Nous sommes un syndicat qui est sens� d�fendre les int�r�ts mat�riels et moraux de ses membres. Mais, au-del� de cet aspect, nous exer�ons une profession lib�rale qui exige une protection de l'Etat au moyen de ses d�partements minist�riels.
Egalement, nous sommes des agents de sant� publique. Nous sommes une profession lib�rale de sant� publique, mais � caract�re commercial. Nous payons nos imp�ts, nous nous acquittons de la patente, donc il y a un certain nombre de droits comme la protection que nous attendons des d�partements minist�riels nous concernant directement. Etant agent de sant� publique, nous devons apporter notre pierre quant � la constitution d'une bonne sant� publique. Mais l� o� le b�t blesse, c'est quand on interpelle l'autorit�. Par exemple pour le calcul du prix du m�dicament, les minist�res de la Sant�, des Finances et du Commerce interviennent. Cela veut dire que tous ces trois minist�res devaient d�fendre le m�dicament et par ricochet le pharmacien.
Il y a aussi le minist�re de l'Int�rieur et celui de la Justice qui constituent une plaque tournante de notre lutte. Le minist�re de l'Int�rieur, par exemple, doit demander � tous les gouverneurs de r�gions de mettre en place des comit�s r�gionaux de lutte et de trouver avec l'appui des pharmaciens et d'autres partenaires les moyens pour les rendre fonctionnels et de proc�der � des descentes p�riodiques sur le terrain, � des saisies massives. Nous, � notre niveau, nous allons faire des propositions de modification de loi pour rendre coercitive les sanctions. L�, le minist�re de la Justice pourrait nous aider. Tout cela pour dire que c'est un ensemble qui doit lutter autour du march� illicite des m�dicaments pour que r�ellement prenne fin ce fl�au, parce que ce qu'ils font c'est d�fier l'Etat.
Maintenant, au-del� du march� illicite des m�dicaments, il y a la contrefa�on qui en est un d�membrement. Mais elle est plus grave. Le march� illicite peut �tre consid�r� comme tout achat qui ne r�pond pas aux conditions de production, d'importation, d'exportation et de dispensation au public des produits. Par contre, le m�dicament contrefait est un m�dicament d�lib�r�ment et frauduleusement �tiquet�, donc qui ne r�pond pas aux normes de pr�paration. Cela veut dire que le principe actif, l'�l�ment qui agit comme m�dicament peut �tre faux, sous dos� ou m�me pas dos� et extr�mement dangereux, donc, c'est d�lib�r� et frauduleux. C'est d�lictuel ! Il faut aller dans le sens de criminaliser ce d�lit. Il faut elever les peines � un niveau tel que la contrefa�on puisse �tre consid�r�e comme un crime Et je m'appuie sur une d�claration de l'Oms qui disait que la contrefa�on constitue la deuxi�me source de revenus du crime organis� derri�re les drogues. Aujourd'hui, tout le monde conna�t les statistiques au niveau mondial. Puisqu'on n'ena pas beaucoup pour le moment, il va falloir prendre d'ores et d�j� le taureau par les cornes, parce qu'� laisser faire, on arrivera � un moment o� l'on ne pourra plus r�gler le probl�me parce qu'ils auront acquis une force, des tentacules un peu partout dans les sph�res de l'Etat de sorte qu'on ne pourra plus les abattre. Les populations ont droit � une protection surtout quand cette derni�re touche leur sant�.
Mais certains pharmaciens font partie int�grante de ce march� illicite de vente des m�dicaments, qu'en dites vous ?
Dr Ndiad� : Il y a malheureusement dans toute communaut� une mauvaise graine. Et la profession pharmaceutique en conna�t. Heureusement que c'est une infime minorit�. C'est pour cela qu'� travers ses chambres disciplinaires l'ordre veille constamment � r�primer ces pharmaciens en les dissuadant de s'impliquer dans ce march� parall�le.
Dr Sarr : Justement quand je parle de march� illicite, je ne fais pas de distinction entre ceux qui sont du m�tier et les autres. Jusque-l� je vous parle de ceux-l� qui pratiquent le march� illicite des m�dicaments. Dire que des pharmaciens ne sont pas impliqu�s dans ce r�seau, c'est une contrev�rit�, m�me s'ils sont en petit nombre. Tous ceux qui pratiquent le march� illicite du m�dicament doivent avoir en face d'eux les forces r�pressives de l'Etat, que ce soit un pharmacien, un marabout, un homme d'Etat...
Au-del� de cette juridiction civile au niveau de laquelle nous demandons des sanctions plus coercitives, s'il s'agit d'un pharmacien, il y a ce qu'on appelle les chambres disciplinaires o� il y a eu des ouvertures d'information par rapport � certains d�lits commis par des confr�res pour statuer sur leurs cas. L� encore, nous sommes en train de voir comment rendre beaucoup plus coercitives les sanctions. Et la sanction peut �tre un bl�me, une interdiction temporaire ou d�finitive de l'exercice de la profession. Si on arrive � criminaliser cet acte, Il devra aussi faire face � la juridiction civile.
Et est-ce qu'il est arriv� que des pharmaciens soient sanctionn�s ?
Dr Ndiad� : Oui ! Il y a eu des sanctions. Nous avons eu aussi � donner des avertissements, � bl�mer des pharmaciens, � leur interdire d'exercer pendant un certain nombre d'ann�es. L'Ordre a m�me le pouvoir de radier. Malheureusement, nous sommes limit�s dans la diffusion de ces informations.
Dr Sarr : Oui ! Il y en a beaucoup. Mais, nous avons une profession dans laquelle les textes refusent que ceux-l� qui sont sanctionn�s soient publi�s dans le journal officiel. Au moment o� je vous parle, les chambres ont sanctionn� des confr�res qui font l'objet d'interdiction temporaire d'exercice dans la pharmacie. L�, je vous apprends que c'est le pharmacien qui est sanctionn�, mais l'officine reste ouverte au public, parce que le souci du l�gislateur, c'est de r�pondre aux besoins des populations. En ce moment, l'officine fait son r�le d'espace de sant�. Le pharmacien n'est plus tenu de rester dans l'officine. Il n'a plus droit aux commandes. Et les sanctions prennent une partie des revenus. Il y a aussi des sanctions p�cuniaires qui lui sont appliqu�es. Mais, nous sommes en train de voir comment faire �voluer les textes.
Vous parlez de l'int�gration des pharmaciens dans les programmes de sant�, comment doit-elle se faire ?
Dr Ndiad� : Le pharmacien est un agent de sant� � part enti�re. Et les programmes de sant� ont un volet-m�dicaments extr�mement important. Je crois que les pharmaciens qui se sentaient plus ou moins exclus de ces programmes sont en train de reprendre leur place naturelle. Et c'est heureux que nous ayons l'�cho favorable des autorit�s du minist�re de la Sant�. Je pense que l'int�gration des pharmaciens dans ces programmes ne sera que b�n�fique, parce qu'on sait que le secteur priv� joue un r�le important dans la sant� des populations. Donc, il est tout � fait naturel que les pharmaciens revendiquent leur place, notamment le volet-m�dicaments dans les programmes de sant�. Et je pense que les conclusions des journ�es pharmaceutiques d�montreront une convergence de vue entre les pharmaciens et le minist�re de la Sant�.
Dr Sarr : Nous voulons une implication d�s le d�but : dans l'�laboration, la discussion et l'adoption jusqu'� la recherche de financement pour le d�roulement des projets de programmes. Je soutiens l'implication des pharmaciens pour la bonne et simple raison que tous les programmes de sant� ont pour d�nominateur commun l'usage du m�dicament. Dans ce cas, les professionnels du m�dicament doivent �tre associ�s.
Vous �voquez la proximit� des pharmaciens avec les populations, est-ce qu'il n y a pas l� une tentative pour les pharmaciens de prendre la place des m�decins ?
Dr Ndiad� : Non ! La proximit�, c'est en terme de dispensation des m�dicaments dont le pharmacien d�tient le monopole et le recours des populations � un agent de sant� qui a une certaine qualification par rapport aux maladies. Il peut prendre en charge certaines pr�occupations des populations, l'orienter, compl�ter le dispositif m�dical, en somme faire jouer � cet agent de sant� qui a une formation de haut niveau son r�le. Il n'est pas question de concurrence, mais il s'agit d'une compl�mentarit�. Et le pharmacien s'occupe de la dispensation des m�dicaments et autour de ce concept, il y a plusieurs aspects.
Dr Sarr : Du tout ! Nous sommes compl�mentaires. Quand nous parlons de proximit� des pharmaciens avec les populations, c'est notre devoir d'abord d'approcher ces derni�res parce que le m�decin prescripteur peut �tre � une distance, mais celui qui dispense les m�dicaments doit �tre tr�s proche. Mais, au-del� de la dispensation du m�dicament, il y a le fait que nous avons aussi un devoir de conseil, d'orientation, d'information. Ce qui permet de rendre service aux autorit�s gr�ce � cette proximit� avec les populations.
Maintenant, puisqu'il y a des structures sanitaires publiques dans les diff�rentes localit�s, il faut qu'il y ait des structures priv�es de dispensation de m�dicaments pour r�pondre aux besoins des prescripteurs pour le b�n�fice des populations. C'est cela qui explique un certain maillage que nous cherchons � mettre en place par rapport aux pharmacies. Mieux, on ne s'est pas limit� aux pharmacies, nous avons ce qu'on appelle les d�p�ts priv�s de m�dicaments g�r�s et entretenus par des pharmaciens et dans lesquels le pharmacien met un agent qui est sous sa responsabilit�. Donc, nous n'avons nullement l'intention de nous substituer � nos confr�res m�decins.
Et dans cette relation de compl�mentarit�, quels sont les actes m�dicaux l�gaux que peut faire le pharmacien dans son officine ?
Dr Ndiad� : Le pharmacien est form� pour pouvoir intervenir en cas d'extr�me urgence. Mais les actes m�dicaux en tant que tels n'appartiennent pas au pharmacien qui est un conseiller pour le m�dicament, un dispensateur de m�dicament. Et dans ce cadre, il y a plusieurs �tapes. Soit le malade est satisfait par la pharmacie, soit il se r�f�re � la structure sanitaire appropri�e
Dr Sarr : La question est pertinente. Au cours de notre cursus universitaire, nous avons fait ce qu'on appelle les soins infirmiers. Seulement, nous ne les avons pas appris pour les pratiquer quotidiennement, mais pour que de fa�on urgente qu'on puisse r�agir et apporter les premiers soins. Si dans la zone, dans un rayon d'un kilom�tre par exemple, il y a une structure sanitaire publique ou priv�e, il n'y a pas de raison que nous fassions des actes m�dicaux. Donc, cela veut dire quelque part qu'il est interdit aux pharmaciens d'ex�cuter des actes m�dicaux.