Mamadou Ndiade, président de l'ordre des pharmaciens : « Le marché noir est
une menace pour le secteur de la pharmacie »
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Le président de l'ordre des pharmaciens du Sénégal, Mamadou Ndiade a fait
savoir que les officines sont conformes aux recommandations sur l'introduction
ou la suspension d'un médicament. Au cours de l'entretien, le président a
jeté un regard sans complaisance sur les maux du secteur.
Aujourd'hui le critère de distance entre deux pharmacies n'est plus respecté
à Dakar, est-ce que cela ne posera pas à la longue des problèmes ?
La création d'officine obéit à un décret. Les critères de populations et
accessoirement les critères de distances ne sont pas écrits, mais ils sont
énoncés par décret. Ce qu'il faut comprendre, c'est que la profession
pharmaceutique organisée doit obéir à un certain nombre de règles. D'où la
nécessité d'édicter des règles pour une organisation judicieuse qui respecte
les besoins de santé publique, et assurer la rentabilité et le bon
fonctionnement du secteur. Des critères ont été édictés. Ils permettent
aujourd'hui de repartir sur l'ensemble du territoire du Sénégal, les
officines de telle manière qu'il ait une accessibilité géographique
conséquente du médicament sans qu'on ait l'impression d'une concurrence ou l'installation
anarchique des pharmacies. Ces critères posent des problèmes du fait que
Dakar est la ville la plus sollicitée. Cela cause un encombrement par
rapport aux localités. L'ordre est là pour gérer tout cela avec le ministère
de la santé. Nous veillons toujours pour qu'il ait un texte qui réglemente l'installation
des officines.
Quels sont les problèmes du secteur ?
Le problème majeur c'est l'installation. Lorsqu'un jeune pharmacien sort
avec son diplôme, c'est naturel qu'il envisage d'exercer son métier. La
première issue, c'est l'installation d'officine. Ils rencontrent d'énormes
difficultés. Nous sommes en train de nous atteler en relation avec le
ministère de la santé pour organiser ces installations.
Mais le problème majeur, c'est le marché parallèle qui impose aux officines
officiellement autorisées dans la vente des médicaments, une concurrence
déloyale. C'est un problème majeur. Le marché parallèle non seulement se
développe de plus en plus, mais nous constatons qu'il y a aussi des bastions
qui exercent illégalement la vente des médicaments. Il n'y a aucune mesure
contre Keur Sérigne Bi. Nous voyons un peu partout des sites parallèles de
vente des médicaments. Nous nous battons pour combattre le fléau, les
autorités sont également interpellées.
Comment les pharmaciens perçoivent-ils aujourd'hui l'application de l'initiative
de Bamako ?
Le principe de l'initiative de Bamako, c'est la promotion des médicaments
pour permettre un recouvrement de coût auprès des établissements publics
notamment les dispensaires. Sur ce plan, je n'ai rien à dire parce que je
pense que c'est un système qui complète le secteur public. Dès le départ,
les pharmaciens ont montré leurs inquiétudes par rapport aux dérives qui
peuvent arriver. L'initiative ne pose pas de problème si elle est appliquée
correctement telle qu'elle est édictée dans le texte.
Comment percevez-vous l'introduction des génériques ?
L'introduction des médicaments génériques entre dans le cadre d'une
meilleure accessibilité des médicaments aux populations. Les pharmaciens ont
ce souci. Celui de rendre disponible les médicaments sur le plan
géographique et sur le plan financier. Les génériques constituent une
alternative crédible à l'accès financier aux médicaments. C'est pourquoi les
pharmaciens s'attèlent à promouvoir ces médicaments génériques qui
constituent une solution pour l'accès aux médicaments aux populations. Même
dans le secteur privé nous nous sommes battus pour avoir accès aux
médicaments essentiels qui sont délivrés par la pharmacie nationale.
Certains médicaments sont retirés de la vente pour certaines maladies ; les
nouveaux produits sont plus efficaces que les anciens ; est-ce qu'il a un
réajustement qui se fait dans les pharmacies ?
Le système pharmaceutique sénégalais est l'un des plus performant en
Afrique. Parce que nous veillons à la sécurité des populations. Dès qu'un
médicament est interdit dans un autre pays, les mesures sont prises pour le
retirer de la vente au Sénégal. À chaque fois qu'il y a une suspension nous
prenons toutes les mesures qui s'imposent.
Quelles sont les conclusions de votre dernière Assemblée générale ?
C'est La sécurité des officines qui a été à l'ordre du jour de la dernière
assemblée générale. Comme vous l'avez constaté ces derniers jours, les
pharmaciens ont fait l'objet de braquage et d'attaque. C'est un phénomène
inquiétant et qui est en train de prendre de l'ampleur. Nous avons réfléchi
sur les mesures à prendre et d'interpeller les autorités pour assurer
davantage la sécurité des officines. Le deuxième point était axé sur l'arrêté
portant l'ouverture des officines et sur la garde autour des officines. Nous
avons fait l'état des lieux pour une application intelligente de ce texte.
Malgré les réticences des pharmaciens, nous constatons qu'il y a un
consensus qui est en train de se développer pour formaliser les horaires d'ouverture
et d'assurer une garde.
Pourquoi les médicaments sont toujours chers ?
Je comprends bien le réflexe du consommateur. Le médicament est cher par
rapport aux revenus de l'écrasante majorité des populations. Ce qu'il faut
reconnaître est que le médicament est un produit qui a un coût. Ce sont les
populations qui le subissent ce coup. Mais je pense avec la promotion des
génériques aujourd'hui nous pouvons dire qu'au Sénégal comparé avec les
autres pays, que nous avons un système de politique des prix, le plus
accessible. Même par rapport au niveau de vie des populations, les prix sont
élevés. Les officines de pharmacie de concert avec les pouvoirs publics s'attellent
à mettre en place un système de meilleure accessibilité financière aux
populations. C'est un souci permanent de rendre la disponibilité financière
des médicaments. Les pharmaciens sont dans des dispositions d'aider le
pouvoir public à pérenniser la gratuité de ces Arv. Lors du Forum
pharmaceutique de Dakar, nous avons fait une déclaration pour renoncer à
toute marge bénéficiaire concernant les Arv.
Propos recueillis par Idrissa Sané