Marché noir de médicaments : Le cri de détresse des pharmaciens
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Les officines de pharmacie souffrent de la concurrence déloyale du marché
noir. Les organisations professionnelles ne cessent de lancer un appel pour
préserver la santé des populations et l'industrie pharmaceutique.
Le maillage du territoire national en officine de pharmacie s'accélère à un
rythme sans précédent. L'écrasante majorité des chefs lieu de communautés
rurales sont dotés d'une pharmacie. À Dakar, les pharmacies fleurissent.
Aujourd'hui, on dénombre 725 officines de pharmacie à travers le Sénégal. Le
secteur ne se porte pas mal. Rien que les officines du privé ont un chiffre
d'affaires tournant autour de 70. milliards de francs Cfa.
Toute cette manne ne fait pas perdre de vue les pharmacies. Leurs
inquiétudes deviennent de plus en plus grandes. Le marché noir parallèle
constitue aux yeux des opérateurs une sérieuse menace pour la survie des
officines. D'ailleurs, selon le président de la section B des pharmaciens,
Moussa Sène, 4 pharmaciens ont quitté la ville de Touba à cause de ce
phénomène. « Je connais 4 pharmaciens qui ont quitté Touba pour aller s'installer ailleurs à cause du marché noir.
Pourtant il y a un potentiel dans cette ville », révèle le président de la
section, Moussa Sène. Les responsables des organisations professionnelles et
syndicales déplorent le développement de marchés plongeant ainsi les
officines dans une rude concurrence qui a fait naître à raison des
inquiétudes chez les pharmaciens.
Selon ces derniers, ce marché hypothèque lourdement la survie des officines.
« Le marché parallèle de vente de médicaments est un phénomène inquiétant.
Non seulement il se développe de plus en plus, mais nous constatons qu'il y
a aussi des bastions qui pratiquent illégalement la vente des médicaments
alors qu'il y a des officines officiellement autorisées à l'exercer. »,
proteste Mamadou Diade, président de l'ordre des pharmaciens du Sénégal. Les
organisations professionnelles s'investissent autant qu'il se peut pour
combattre cette vente illicite en menant des campagnes d'information et de
sensibilisation pour attirer l'attention des populations.
Mais pour la plupart des pharmaciens interrogés c'est seul l'Etat qui peut
mettre fin à la commercialisation illicite des produits pharmaceutiques. Et
ceci en faisant respecter les lois. « Les textes sont clairs. Ce sont les
pharmaciens qui sont autorisés à vendre les médicaments.
Tous ceux qui exercent dans cette activité manifestent un signe de défi à l'autorité
de l'Etat. Nous combattons le phénomène, mais c'est l'Etat qui est
interpellé », souligne le président de l'ordre. L'application de la loi dans
toute sa rigueur au-delà de la protection de la santé des populations va
ouvrir la porte au marché du travail aux jeunes diplômés du département de
pharmacie de la Faculté de Médecine de l'Université Cheikh Anta Diop de
Dakar. L'explosion du marché noir ne favorise ni l'ouverture des officines
ni le recrutement des diplômés. Car, rien ne garantit la génération d'un
chiffre d'affaires pour embaucher des sortants du département de pharmacie.
« Le chômage des jeunes diplômés est un problème réel. Parce que nous n'avons
pas une seule filière qui marche.
Lorsqu'un diplômé sort, il dit qu'il a fait biologie et normalement il se
dit qu'il peut ouvrir un laboratoire d'analyse, après avoir fait deux
certificats de spécialisation. Au bout du compte, il se rend compte que l'investissement
est trop lourd. Les gens se ruent alors dans les officines. Il y a un décret
définissant le nombre d'officine par habitants, si ce nombre est atteint les
jeunes rencontrent des difficultés pour s'insérer. Si la part du marché
illicite est éradiquée celle-ci reviendrait aux jeunes diplômés. On peut
même retrouver deux pharmacies sans qu'il ait une concurrence », indique
Constance Badji Faye. Il est urgent de lutter contre le fléau pour préserver
la santé des populations et assurer l'insertion des diplômés dont la
formation a coûté cher à l'Etat.
Les médicaments contrefaits : Le mal prend de l'aile
La contrefaçon est devenue une véritable menace pour les industries
pharmaceutiques et la santé publique. Le phénomène est observé partout à
travers le monde.
Au Sénégal, une étude vient de montrer que le marché noir des médicaments
oscille entre 11, 4, milliards, et 15, 2 milliards de dollars par an.
La contrefaçon prend une proportion alarmante dans le domaine
pharmaceutique. Le fléau est observé aussi bien dans les pays industriels
que les pays en voie de développement. Les opportunités offertes par l'Internet
semblent donner des ailes aux contrefacteurs.
Aujourd'hui il est difficile de mettre un terme à cette pratique illicite.
Néanmoins, les Etats ont un rôle important à jouer pour atténuer les effets
néfastes qu'engendre le phénomène. « La contrefaçon est un problème mondial
dans le domaine de la pharmacie. On ne peut pas tout contrôler. Il faut
contrôler ce qui est contrôlable. Il faut choisir une filière pour avoir une
traçabilité des médicaments sur le marché », préconise, le président de la
section B, Moussa Sène. `
Pour ce faire, les Etats ont intérêt à mettre les gros moyens pour préserver
la santé des populations et de l'industrie pharmaceutique. Une étude de l'Agence
américaine pour le développement Usaid et de la Pharmacopée des Etats-Unis
(Usp) indique que le marché noir des médicaments du Sénégal se chiffre entre
11, 4 et 15, 2 millions de dollars par an.
Le document renseigne également que 26 % des patients font recours au marché
noir pour l'achat des médicaments vendus dans le marché noir. Les pauvres,
les personnes âgées, les personnes à faibles revenus tel est le profil de la
clientèle du marché illégal.
Et lors de cet atelier sous-régional sur la contrefaçon, le ministre de la
santé et de la prévention médicale a demandé au secteur privé et au
consommateur de s'impliquer dans la lutte contre le fléau. Pour 2006, le
gouvernement du Sénégal a injecté un montant de 25 millions pour lutter
contre les médicaments contrefaits. L'éradication de ce trafic impose un
renforcement des moyens de contrôle dans les frontières, et la
sensibilisation des populations sur les effets pervers de ces médicaments.
( Sud quotidien 12 octobre 2006)
(À Suivre)
Dossier réalisé par Idrissa SANE