23 Decembre 2008
Progrès lors de la réunion sur la préparation en cas de grippe pandémique,
même si les question de propriété intellectuelle restent à résoudre
http://www.ip-watch.org/weblog/index.php?cat=2
Posted by Catherine Saez @ 1:00 pm
Par Kaitlin Mara
Des avancées significatives ont été réalisées lors de la réunion
intergouvernementale sur la préparation en cas de grippe pandémique
organisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au début du mois de
décembre : les délégations présentes ont essayé avec succès de contenter les
opinions divergentes des États membres sur le besoin d’un accès aux virus et
aux matériels biologiques apparentés ainsi qu’aux vaccins et autres
avantages.
Cependant certaines questions conflictuelles comme les droits de propriété
intellectuelles ou les définitions restent à résoudre. Les délégués comptent
sur un travail intersessions informel pour faciliter la recherche de
consensus lorsque la réunion reprendra, en mai prochain.
Le texte de compromis sur l’échange des virus et des avantages « reconnaît
l’engagement des États membres à partager équitablement le virus H5N1 et les
autres souches grippales pouvant être à l’origine d’une pandémie ainsi que
les avantages, en considérant ceux-ci comme des éléments tout aussi
importants de l’action collective en faveur de la santé publique mondiale ».
La formulation de ce principe a été considérée comme un succès capital
résultant de la réunion intergouvernementale sur la préparation en cas de
grippe pandémique qui s’est tenue du 8 au 13 décembre.
Des versions précédentes de cette formulation avaient engendré des
discussions sur un Cadre « volontaire », opposé à un Cadre « obligatoire »,
sans parvenir à un consensus. Mais des débats informels entre des États
membres clés, les États-Unis et l’Indonésie notamment, ont abouti à une
formulation acceptée par les différentes parties et largement saluée comme
l’une des avancées majeures de cette réunion.
L’Indonésie, avec le soutien d’autres pays en développement et de plusieurs
organisations non-gouvernementales, estime que ses droits de propriété
intellectuelle sur les souches de virus découvertes sur son territoire
national l’autorisent à poser des conditions quant à leur utilisation. En
échange de son « don » de souches de virus de grippe aviaire aux
laboratoires de recherche et aux fabricants de vaccins, l’Indonésie
considère être en droit d’obtenir la garantie que les vaccins élaborés grâce
à ses souches seront partagés à des prix abordables. D’autres pays ont,
quant à eux, déclaré que l’échange de virus est nécessaire, en particulier
lorsque les pays n’ont pas la capacité de développer eux-mêmes le vaccin.
Ce lien entre le virus et l’échange des avantages est à l’origine de la
discorde entre les États-Unis et l’Indonésie, comme l’a expliqué Abdulsalam
Nasidi, responsable de la santé publique au Nigeria.
La formulation de l’engagement a représenté « un pas en avant », a renchéri
un autre délégué. Mais, selon ce dernier, les questions entourant les droits
de propriété intellectuelle « restent à résoudre ». Leur résolution sera
complexe étant donné que les deux points de vue les concernant sont
totalement opposés.
Les questions de la propriété intellectuelle restent à résoudre
La propriété intellectuelle est « un autre sujet sensible », a déclaré
Widjaja Lukito, conseiller du ministre indonésien pour la politique publique
et la santé, car il s’agit là d’un sujet « trop vaste » pour être traité
lors de cette réunion. Il a tout de même indiqué que trouver une conclusion
à la notion d’échange des avantages était la première des priorités et
qu’arriver à un compromis dans ce sens représentait un progrès significatif.
Cette réunion a essentiellement « évité [les questions relatives à la
propriété intellectuelle] par connaissance de la controverse qu’elles
suscitent », a déclaré le délégué d’un pays développé. La question devra
toutefois être soulevée dans un Accord type sur le transfert de matériels
traitant des mouvements de matériels biologiques, qui représente un
aboutissement majeur de cette réunion intergouvernementale, mais qui reste à
finaliser, comme l’a souligné le délégué.
Les questions de propriété intellectuelle centrales aux yeux des États
membres portent sur les matériels devant faire l’objet d’un brevet (le virus
dans son ensemble, une partie du virus, les technologies ou les autres
produits pouvant être développés à partir du virus ou d’une partie du virus)
et sur les avantages qu’un pays d’où provient le virus ou qu’un chercheur
peut tirer de leur possession, a expliqué Jane Halton (Australie), élue à la
Présidence de la réunion, au cours de la session plénière du 12 décembre au
matin. Comme elle l’a fait remarquer, des points de détails restent encore à
clarifier avant de formuler quoi que ce soit en matière de propriété
intellectuelle.
« Les questions restantes sont tellement essentielles », a regretté un
délégué des États-Unis au cours de la session plénière. « On se demande même
si ce forum est bien approprié aux questions de propriété intellectuelle ».
Un délégué brésilien a quant à lui affirmé que « ce forum est le bon » avant
de rappeler aux participants de la session plénière qu’une stratégie
mondiale pour la santé publique, l’innovation et la propriété intellectuelle
avait été approuvée plus tôt cette année, modifiant ainsi le mandat de
l’OMS. Le délégué a de plus déclaré : « le Brésil réaffirme sa volonté de
débattre de tout ce qui entoure la santé publique à l’OMS ».
Il se pourrait, comme l’a avancé M. Nasidi après la dernière session
plénière, que « la propriété intellectuelle ne soit pas le problème le plus
important ». Si l’on pouvait s’accorder sur le fait que les fabricants de
vaccins concèdent des licences gratuites à tous les pays capables de
produire des vaccins, particulièrement dans le contexte d’une pandémie et
dans le but de sauver des vies, alors la priorité se reporte sur la santé
publique, sans que l’on ait à remettre en question la possession de droits
de propriété intellectuelle ».
Accord type de transfert de matériels et définitions
Le 13 décembre, à l’issue de la réunion, le délégué d’un grand pays en voie
de développement a prévenu qu’il ne fallait pas tomber dans un « optimisme
irréaliste ». En effet, même si le travail actuel s’avère positif, des défis
restent à relever, en particulier celui de l’applicabilité du Cadre sur
lesquels les délégués sont tombés d’accord aux entités n’appartenant pas au
Réseau OMS d’institutions et de centres de recherches qui pourraient
recevoir des matériels biologiques PIP. Un mécanisme inclus dans l’Accord
type sur le transfert de matériels serait alors nécessaire, alors que ce
dernier reste à finaliser.
La difficulté liée à la finalisation de l’Accord type sur le transfert de
matériels réside principalement dans l’élaboration d’une définition
consensuelle des « matériels PIP » concernés par cet accord. Celle-ci est en
effet essentielle pour déterminer le champ d’application de nombreuses
clauses contenues dans le Cadre de préparation en cas de grippe pandémique,
dont l’Accord type sur le transfert de matériels fait partie. Les États-Unis
font pression en faveur d’une définition plus restreinte de ces matériels
qui, par exemple, exclurait les protéines contenues dans le virus et
d’autres parties du virus, les informations sur la séquence du gène, les
cellules et parties de celles-ci, les anticorps et les protéines issues du
virus, dans l’objectif de s’orienter vers une définition centrée sur des
virus grippaux « de type sauvage » et les isolats de ces virus.
La perspective des États-Unis, selon une source, est de maintenir
l’attention sur la santé publique et non pas sur les politiques. Une
définition plus large risque d’encourager les débats sur la propriété
intellectuelle. Les États-Unis estiment que leur proposition représente la
définition minimum nécessaire pour atteindre des objectifs de santé publique
et que celle-ci pourrait permettre de parvenir à un consensus.
Les autres États membres redoutent qu’une définition moins étendue réduise
le champ d’application du résultat de la réunion intergouvernementale, quel
qu’il soit. Un délégué indonésien a déclaré que la définition des matériels
biologiques devrait correspondre à l’usage réel de ces matériels au cœur du
développement technologique. Un échantillon de sang infecté, par exemple,
contient du matériel biologique utile, en plus d’un virus de type sauvage.
C’est pourquoi, toujours selon le délégué, la définition devrait englober ce
type de matériel dans son ensemble.
Le délégué d’un grand pays en développement a exprimé ses inquiétudes quant
au fait que la réduction de la définition entraînerait une faille juridique
permettant de contourner les obligations liées au Cadre de préparation
final, si celui-ci fait mention de cette définition.
Une discussion a également été menée pour déterminer si les institutions,
les organisations et les entités fournissant ou recevant des matériels
biologiques au travers du Cadre pourraient prétendre à des droits de
propriété intellectuelle sur ces matériels. Lors de la session plénière, les
États-Unis ont déclaré vouloir s’assurer que l’Accord type sur le transfert
de matériels n’aura aucun effet sur « les obligations ou les restrictions »
liées aux droits de propriété intellectuelle. Le Brésil est lui aussi
intervenu pour demander la garantie que des droits de propriété
intellectuelle ne seraient pas réclamés sur les matériels biologiques
partagés au sein du Réseau OMS.
Le Nigeria a indiqué qu’il était en mesure d’accepter la mise en place de
droits de propriété intellectuelle dans le cas où des licences hors-droits
seraient disponibles pour les pays en voie de développement « à tout moment
(…) pour l’utilisation des produits et les processus qui découlent (…) des
matériels biologiques » partagés dans le contexte du Cadre de préparation en
cas de grippe pandémique.
L’Accord type sur le transfert de matériels est un accord contraignant
annexé à un cadre non-contraignant de recommandations, comme l’a expliqué un
participant. Ceci vient ajouter un élément contradictoire à la négociation
et signifie que des aspects du Cadre qui ne sont pas mentionnés dans
l’Accord type n’auront qu’un poids réduit, comme l’a fait remarquer un autre
participant.
Il a été décidé lors de la session plénière finale de suspendre la réunion
intergouvernementale et de la reporter au mois de mai 2009 pour qu’elle
coïncide avec la prochaine Assemblée mondiale de la santé. Le rapport final
d’avancement de la réunion fait état des aboutissements de la réunion
intergouvernementale et de deux groupes de travail au regard du texte de la
Présidence, qui est un projet de Cadre de préparation en cas de grippe
pandémique pour l’échange des virus grippaux et l’accès aux vaccins et
autres avantages. Un ensemble de principes directeurs pour ce cadre, dont
l’une des notions clés repose sur l’échange des virus et des avantages, est
également en voie de finalisation.
Au même moment, plusieurs mesures techniques ont été demandées au Directeur
général pour préparer la reprise de la réunion : le développement d’un
système de suivi des virus ; la préparation d’une terminologie de référence
pour le Réseau OMS des centres collaborateurs OMS sur la grippe, les
laboratoires OMS de référence H5, les laboratoires essentiels de
réglementation et les centres nationaux de la grippe ; la préparation d’une
version révisée de la partie technique de l’Accord type sur le transfert de
matériels ; la mise au point d’un rapport d’identification des besoins et
des priorités ( y compris les solutions financières) concernant les
avantages prévus par le Cadre de préparation en cas de grippe pandémique.
Traduit de l’anglais par Fanny Mourguet