[e-med] Que faut-il attendre de l'extension accordée par l'OMC aux pays les moins avancés à propos de la protection intellectuelle des médicaments?

(Remerciements à CR pour la traduction de cet article.CB)

Que faut-il attendre de l'extension accordée par l'OMC aux pays les moins
avancés à propos de la protection intellectuelle des médicaments?

Le 2 août 2013

De Catherine Saez, à Intellectual Property Watch IPW

http://www.ip-watch.org/author/catherine/

L'extension récente accordée par l'OMC aux PMA leur accordant 8 années
supplémentaires pour mettre en place les conditions de la protection
intellectuelle a jeté la confusion avec la clause parallèle accordée par
le même OMC donnant jusqu'en 2016 à ces pays pour ce faire. Afin
d'éclairer un peu la situation, on a demandé à de nombreux experts de
donner leur interprétation du sujet.

L'extension de juin 2013
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0CCwQFjAA
&url=http%3A%2F%2Fwww.wto.org%2Fenglish%2Ftratop_e%2Ftrips_e%2Fta_docs_e%2F
7_1_ipc64_e.pdf&ei=BezWUfKlBaWr0AXnvoDICg&usg=AFQjCNFEiHyvAN316y6mo5y4ogvTz
yFJpQ&sig2=xmzq2ozaSyz3f5pXSLaK>
donne aux PMA jusqu'en 2021 pour mettre en place la réglementation de la
PI. Cette clause évite l'obligation faite aux PMA de suivre les conditions
des ADPIC, sauf sur l'article 3 (traitement national), l'article 4 (le
traitement de la nation la mieux favorisée, et l'article 5 (accords
multilatéraux sur l'acquisition ou la maintenance de la protection (*IPW,
WTO/TRIPS, 12 juin 2013
http://www.ip-watch.org/2013/06/12/ldcs-obtain-new-waiver-on-ip-obligations
-at-wto-take-it-as-a-limited-victory/)

Comme la nouvelle extension s'applique à tous les ADPIC, on peut
considérer quelle s'applique à tous les produits, dont les médicaments.

Cependant, il existe aussi une extension particulière pour les
médicaments. La déclaration interministérielle de
Dohahttp://www.wto.org/english/thewto_e/minist_e/min01_e/mindecl_trips_e.ht
m
relative aux ADPIC et à la santé publique stipule que les PMA ne sont pas
obligés, à propos des médicaments, de mettre en place ou de respecter les
clauses 5 (brevets) et 7 (protection d'informations non divulguées) de la
Partie II (normes en matière de disponibilité, étendue et emploi des
droits de la PI) des ADPIC ou de respecter les droits couverts par ces
sections jusqu'au 1er janvier 2016

Le point de vue de l'industrie
Sara Koch, porte-paroles et chef de la communication d'Interpharma, une
association suisse, a déclaré:
"Interpharma soutien sans réserve la position de IFPMA (Association
Internationale des Fabricants de Médicaments)".

La première fois que la question a été soulevée en 2011, IFPMA soutenait
le principe d'une extension sur la base que ce qui était demandé était un
délai limité dans le temps, a-t-elle déclaré à Intellectual Property Watch
IPW. La déclaration de 2011 de IFPMA reflète l'importance accordée à la
mise en place des ADPIC et souligne qu'une telle extension doit être
employée pour aligner les mises en place dans tous les domaines de la
technologie, pour rendre l'approche consistante.

Le point de vue des défenseurs

Pour Ellen T Hoen, précédemment directrice de la Communauté des Brevets de
Médicaments, et ancienne directrice de la campagne d'accès aux médicaments
essentiels à Médecins Sans Frontières, ces deux clauses vont en parallèle.
Cette situation inhabituelle peut d'ailleurs se révéler plus favorable aux
PMA, a-t-elle déclaré à IPW.

Ce que les PMA vont sans doute faire sera de demander une extension pour
la protection des données et des médicaments proches du délai de 2016,
dit-elle. Ils pourraient demander un délai plus lointain que 2021 pour les
médicaments par exemple, jusqu'au moment où on leur reconnaîtra le statut
de pays en développement, ce qu'ils ont essayé d'obtenir à propos de tous
les ADPIC.

Les PMA pourront choisir la protection des médicaments ou non, dit-elle.
Ils sont nombreux à avoir une législation des brevets dans leurs livres,
mais ce que le paragraphe 7 de la déclaration de Doha a fait, à très large
échelle, est de permettre aux PMA de ne pas mettre en place les brevets
qu'ils ont.

Or les pays, sur une échelle plus large qu'on ne le croit en général, ont
utilisé cette facilité dans leurs achats de tous les instants, notamment
pour les ARV, dit-elle aussi.

Le paragraphe 7 donne la garantie aux fabricants de génériques qu'ils sont
légalement autorisés à fournir ces produits. La nouvelle extension vient
simplement conforter les mesures importantes couvertes par le paragraphe
7, ajoute-t-elle. Cependant, en attendant le jour où les PMA produiront
leurs médicaments, ils dépendront des productions et des exportations de
génériques moins chers venant d'ailleurs, principalement de pays en
développement qui sont tenus de respecter la protection des brevets.

Alors, obtenir une licence de ces brevets, par exemple via la Communauté
des Brevets, reste un élément important. Il est aussi crucial que les pays
accordent des licences obligatoires pour garantir que les produits
fabriqués dans le cadre de ces licences puissent être exportés vers
d'autres pays comme les PMA qui ont besoin de pouvoir accéder à ces
produits, ajoute-t-elle.

Il faut encore bien regarder si les PMA vont anticiper l'emploi de cet
espace légal qui vient de leur être accordé pour réviser et amender leurs
législations des brevets et dessiner leur législation sur la PI, pas
seulement pour les brevets, pour bien refléter leur niveau de
développement technologique et leurs besoins en santé.

Le point de vue des universitaires

Pour le Prof. Fred Abbott, de la Faculté du Droit de l'Université de
Floride, si on se trouve face à plusieurs décisions sur des sujets qui se
chevauchent, on doit se demander quelle est la relation légale qui les lie.

Nonobstant le communiqué de presse de l'UE du 11 juin 2013, il est clair
que la nouvelle extension ne représente pas une obligation de mettre en
place l'obligation légale prévue par l'OMC pour les PMA qui empêche de
revenir sur la législation de la propriété intellectuelle et sur ses
règles (sauf à propos du traitement national et de la nation la plus
favorisée, a-t-il déclaré à IPW.

Selon le communiqué de presse de l'UE, la décision du 11 juin 2013
n'affecte pas la période de transition des brevets de médicaments, qui a
été accordée en 2002; les PMA n'ont pas à protéger ces brevets avant 2016.
Cependant, la décision du 11 juin 2013 couvre les brevets, et il est
difficile de comprendre pourquoi on demanderait aux PMA de prévoir une
protection des brevets de médicaments (ou pour tous autres produits) dès
2016 alors que l'extension est valable pour tous les produits jusqu'au 1er
juillet 2021.

Comme la décision du 11 juin 2013 autorise les PMA à éviter les niveaux de
protection existants, ils peuvent choisir de réduire les niveaux existants
de protection des brevets jusqu'au 1er juillet 2021, y compris pour les
médicaments, a-t-il ajouté.

La décision du 11 juin 2013 précise qu'elle ne porte pas préjudice à
l'extension accordée par les ADPIC le 27 juin 2002. Il ajoute que le mot
"préjudice" a un sens négatif ou péjoratif, indiquant des effets
secondaires. Aussi, la décision du 11 juin 2013 ne doit pas réduire les
droits accordés aux PMA par la décision de 2002. La décision du 27 juin
2002 stipule clairement que les brevets accordés par des PMA pour protéger
des médicaments et des données, n'ont pas besoin d'être respectés.

En particulier, à la lumière de déclarations comme celle faite par l'UE le
11 juin 2013, il est bon de confirmer le droit des PMA en accord avec la
réglementation de l'OMC de ne pas mettre en place les protections des
brevets des médicaments et des données réglementaires. Les PMA devront
évaluer si ils leur est nécessaire de demander une extension spécifique
supplémentaire à la décision des ADPIC du 27 juin 2002, déclare Abbott.
Lancer cette évaluation doit commencer très bientôt.