[e-med] RCA: Faire enfin fonctionner l'argent du sida

-----Message d'origine-----
Envoyé : mardi 20 janvier 2009 21:01

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE: Faire enfin fonctionner l'argent du sida

BANGUI, 20 janvier (IRIN) - Fonds non décaissés, médicaments gaspillés,
décentralisation des soins retardée : après des années passées à tenter de
faire marcher l'argent du sida, la République centrafricaine (RCA) se dit
aujourd'hui enfin prête à répondre aux attentes désespérées des patients
infectés par le VIH.

Ces patients étaient remplis d'espoir lorsqu'en 2003, puis 2004, le Fonds
mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a décidé
d'octroyer à la RCA deux subventions d'un montant total de 40 millions de
dollars sur cinq ans pour lutter contre le VIH/SIDA dans le pays d'Afrique
centrale le plus touché par l'épidémie, avec un taux de prévalence estimé
par les autorités à 6,2 pour cent. Mais leurs espoirs ont vite été déçus.

Confronté à de gros problèmes dans la mise en ouvre des programmes dans un
pays dévasté par des années de conflits où les structures nationales ont été
affaiblies, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD),
choisi par le Fonds mondial comme principal bénéficiaire de ses subventions
en RCA, a tardé à mettre en ouvre les programmes, a reconnu Abdoulaye
Bagnou, coordonnateur de la cellule de gestion des programmes du Fonds
mondial au PNUD, à Bangui, depuis 2008.

Le PNUD « n'a pas su prendre la mesure du problème. Il y a eu des déficits,
il faut être honnête et le reconnaître », a-t-il dit à IRIN/PlusNews.

L'un des principaux obstacles auxquels la cellule de gestion des
financements du Fonds mondial a été confrontée est la faiblesse du système
national de santé, a expliqué M. Bagnou. « On a dû s'appuyer sur un système
de santé qui était insuffisant. Le système d'information sanitaire ne
fonctionnait pas, donc on n'avait pas de maîtrise du nombre de malades ou de
l'état des stocks. Il y avait un cadre national pour le protocole
thérapeutique mais les médecins ne le connaissait pas et prescrivaient ce
qu'ils voulaient », a-t-il noté.

« On nous demandait de faire du [Michael] Schumacher avec un véhicule qui
n'avançait pas », a-t-il dit. « Il a fallu continuer à rouler tout en
réparant la voiture ».

Reconnaître les difficultés

Face à ces problèmes dont personne ne nie l'existence, la cellule de
gestion du PNUD aurait au moins dû reconnaître ses difficultés, or pendant
longtemps, « elle a nié le problème et a essayé de le masquer », a dit un
responsable du ministère de la Santé, qui a requis l'anonymat.

Il aurait également fallu partager les informations avec la partie
nationale, a estimé Yacinthe Wodobode, coordinatrice nationale du Comité
national de lutte contre le VIH/SIDA (CNLS).

« Pendant longtemps, le PNUD a joué en solo, sans concertation et en niant
le rôle du CCM [instance de coordination des financements Fonds mondial dans
le pays] », a-t-elle dit à IRIN/PlusNews. « Il ne tenait pas compte de
l'expression des besoins nationaux par le ministère de la Santé ».

Des erreurs que plusieurs acteurs de la lutte contre le sida sur le
terrain, y compris le PNUD, ont reconnu, certains de ces acteurs soulignant
que les questions de conflits d'intérêt avaient aussi joué un rôle dans ces
tensions entre le PNUD et le gouvernement, la gestion de telles masses
d'argent attisant les convoitises.

Quoi qu'il en soit, les conséquences ont été catastrophiques pour les
patients.

« On a eu des ruptures de traitement, y compris pédiatriques, des
médicaments détruits parce qu'ils étaient périmés. Des malades se
présentaient dans les centres et ils étaient rejetés parce qu'il n'y avait
pas les bonnes molécules, on leur disait de les acheter eux-mêmes », s'est
souvenu Christian Miangué, président du Réseau national centrafricain des
personnes vivant avec le VIH (RECAPEV).

« Le Fonds mondial disait qu'il fallait d'abord évaluer la situation réelle
avant de prendre des décisions », a ajouté Gaston Kossimatchi, secrétaire
général du RECAPEV. « La main qui donne est celle qui est forte, mais la
réalité, c'est que nous sommes dans un pays d'urgence et qu'il faut
s'adapter ».

Un avenir plus dégagé

Toutes ces défaillances, la cellule de gestion du Fonds mondial au PNUD les
a reconnues, mais a noté qu'elles avaient été redressées au cours des
derniers mois. « On a décaissé 17 millions de dollars en neuf mois, ce qui
veut dire qu'en renforçant les capacités, on peut obtenir des résultats », a
dit M. Bagnou, plaidant en faveur d'un « appui continu à la partie nationale
».

Le CCM, trop faible, a été remanié et renforcé. Des personnels ont été
formés en 2008, grâce à un soutien technique et financier du gouvernement
américain, afin que le CNLS puisse prendre le relais dans la gestion des
financements du Fonds mondial, suite à la décision de l'organisme
international de désigner en novembre 2008 le CNLS comme bénéficiaire
principal d'une nouvelle subvention VIH/SIDA de près de 44 millions de
dollars sur cinq ans.

La coordination des efforts devrait également s'améliorer avec
l'intégration de différents partenaires dans le dispositif national, rendue
possible grâce à ce nouveau financement.

Par ailleurs, la mise en place par les Nations Unies en 2007 d'un fonds
d'urgence, devenu depuis 2008 le Common humanitarian fund (CHF), a également
permis à plusieurs organisations de venir travailler dans le pays en les
aidant à surmonter certains obstacles, comme la difficulté de convaincre les
bailleurs de financer les coûts logistiques de leurs opérations - des coûts
élevés en RCA en raison des difficultés d'acheminement de l'aide.

Ces fonds ont permis de commencer à mettre en place des projets VIH/SIDA
dans plusieurs zones du pays où l'épidémie requiert une attention
particulière. « C'est dans le nord du pays que les taux de prévalence sont
les plus élevés, mais c'est aussi dans cette zone qu'il y a le moins de
services : dans cette mesure, le sida peut être considéré comme une urgence
», a noté Nicolas Rost, qui s'occupe du fonds CHF pour le Bureau des Nations
Unies pour la coordination humanitaire (OCHA) en RCA.

La RCA se dit aujourd'hui non seulement prête à relever le défi de la lutte
contre le sida mais aussi capable de le faire, avec le soutien de la
communauté internationale, bien que cette dernière soit encore peu
représentée dans le pays en dépit des besoins immenses, ont déploré
plusieurs acteurs sur le terrain.

Il y a quelques années, « Le pays sortait d'un conflit, il n'était pas
prêt, mais la situation a changé », a estimé Mme Wodobode. « De jeunes
médecins, statisticiens, attendent d'être intégrés dans la lutte contre le
sida. Dire qu'ils ne pouvaient pas le faire avant, oui, dire qu'ils ne
pourront jamais, non ! »

« Il faut accepter de déléguer les responsabilités et de renforcer les
structures », a-t-elle plaidé. « [Le Fonds mondial] avait peur que les
autorités ou les gestionnaires se servent [dans les fonds du sida], mais
tout est une question de suivi et d'évaluation. Avec un bon système, ce
problème ne se pose pas ».

ail/[ENDS]

© IRIN. Tous droits réservés.

[Cet article vous est envoyé par IRIN, le service de nouvelles et d'analyses
humanitaires du Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires
Humanitaires (OCHA). Les opinons exprimées dans les articles d'IRIN ne
reflètent pas nécessairement le point de vue des Nations Unies ou de ses
Etats membres. Toute reproduction ou republication à des fins non
commerciales est autorisée, à condition de mentionner la source IRIN.
Dispositions et conditions d'utilisation:
http://www.irinnews.org/copyright.aspx

Principaux donateurs d'IRIN: Australie, Canada, Danemark, CE, Japon,
Pays-Bas, Norvège, Suède, Suisse, Royaume-Uni, Etats-Unis. Pour plus
d'informations sur les donateurs: http://www.irinnews.org/donors.aspx