Résistants au sida, un espoir pour la recherche
http://www.humanite.fr/18_07_2011-résistants-au-sida-un-espoir-pour-la-recherche-476553
Séropositifs depuis de nombreuses années, les « HIV contrôleurs »
parviennent 
à maintenir le virus 
en sommeil 
dans leur
organisme. 
Un mystère 
qui constitue 
une piste
sérieuse pour la recherche, alors que Rome accueille jusquà demain une
conférence anti-sida.
Un jour de 2003, à lhôpital du Kremlin-Bicêtre à Paris, une patiente
séropositive depuis treize ans interrogeait son médecin : « Suis-je
vraiment infectée ? » Par cette question un peu provocante, cette femme ne
savait sans doute pas quelle déclencherait une prise de conscience
importante dans le milieu de la recherche.
Infectée depuis 1990 par le virus du sida, son système immunitaire
semblait en effet particulièrement résister à la maladie. À chaque bilan,
les deux indicateurs de mesure de son évolution, les CD4 et la charge
virale, restaient stables. Son médecin, le professeur Jean-François
Delfraissy, aujourdhui directeur de lAgence nationale de la recherche
contre le sida (ANRS), décidait alors de mobiliser son équipe au
Kremlin-Bicêtre. Objectif : trouver dautres patients infectés depuis plus
de dix ans et nayant jamais eu besoin de prendre de traitements
antirétroviraux. « Nous nous sommes rendu compte quils étaient rares »,
raconte Olivier Lambotte, immunologiste à Bicêtre. Au final, moins de 1 %
de lensemble des patients séropositifs suivis à lhôpital.
Leur singularité, toutefois, attise la curiosité des chercheurs. Pourquoi
99 % des malades du sida meurent sils ne sont pas traités et moins de 1 %
ne développent pas la maladie ? Des équipes françaises, mais aussi
américaines et espagnoles, tentent alors de comprendre le mécanisme du
système immunitaire de ces hommes et femmes que lon appelle désormais les
« HIV contrôleurs ». Des cas exceptionnels, certes, mais qui ne datent pas
dhier, puisque dès les débuts de lépidémie, voici trente ans, certains
séropositifs restaient en bonne santé de nombreuses années. Ils étaient
alors qualifiés d« asymptomatiques à long terme » ou de « porteurs sains
». Leurs trajectoires ont dailleurs commencé à être étudiées dès le
milieu des années 1990. Mais il a fallu attendre 2006 pour quun
observatoire national des patients « HIV contrôleurs » soit
créé. Puis juillet 2009 pour quune « cohorte », cest-à-dire un
vaste essai thérapeutique, suive de près 150 dentre eux. Aujourdhui, ils
représentent « un enjeu majeur de la recherche sur le VIH », affirme
Olivier Lambotte, qui coordonne lessai financé par lANRS.
Dès lors, que nous apprend le suivi de ces patients un peu particuliers ?
Tout dabord, quils ont une prédisposition génétique grâce à un gène
appelé HLA à identifier plus rapidement le virus dans lorganisme.
Quils bénéficient aussi de cellules tueuses, appelées CD8, qui ont la
capacité déliminer les fameuses cellules CD4 infectées par le virus.
Enfin, cest surtout du côté de limmunité innée, territoire de recherche
à conquérir, que les chercheurs sorientent aujourdhui.
Mais ces espoirs thérapeutiques ne doivent cependant pas masquer la
réalité du vécu de ces patients dexception. Car, cette lutte permanente
du système immunitaire contre le virus a un coût sanitaire pour eux :
inflammations chroniques, fatigue, risques de cancer, risques
cardio-vasculaires
Professeure en psychologie sociale de la santé, Marie
Préau est responsable scientifique dune étude « qualité de
vie » en cours de réalisation pour lANRS. Elle témoigne dun état
général loin dêtre idyllique. Dabord, parce quêtre
« contrôleur » ne signifie pas que létat est immuable. Un
ralentissement de la vitesse de la maladie ne les protège pas forcément à
vie. Ensuite, il est souvent difficile de trouver sa place quand on est
séropositif et « contrôleur ». Certains, comme Maxime (voir ci-contre),
parlent même dune sorte de « double peine » : à lexclusion sociale vécue
comme tous les séropositifs, au travail notamment, sajoute parfois un
rejet par les séropositifs sous traitement qui jugent assez mal la «
chance » de ces hommes et femmes. Sans parler des cas de dépression ou de
syndrome du survivant...
Longtemps, la majorité de ces « résistants » sont restés silencieux. Non
reconnus, invisibles, rejetés. « Ils ont pourtant beaucoup de choses à
nous apprendre. Dun point de vue scientifique, bien sûr, mais aussi dun
point de vue humain. Car leur choix de participer à un essai thérapeutique
est parfaitement altruiste. Ils sont très motivés pour aider la recherche
», confie Olivier Lambotte.