CORNE DE L'AFRIQUE: Sécheresse et VIH - un cocktail explosif
NAIROBI, 31 juillet (IRIN) - Tandis que les organisations humanitaires
s'efforcent de fournir des vivres à plus de 11,6 millions d'affamés dans
la Corne de l'Afrique, les experts craignent les conséquences plus vastes
que risque d'engendrer le manque de vivres, notamment sur la santé des
personnes sous traitement VIH.
Voici quelques-unes des répercussions possibles de la sécheresse sur les
personnes atteintes du VIH et sur les efforts de prévention :
Insécurité alimentaire - Pour conserver le même poids et le même niveau
d'activité physique, les personnes séropositives asymptomatiques doivent
dépenser 10 pour cent d'énergie en plus, selon l'organisation mondiale de
la santé (OMS) [
http://www.who.int/nutrition/publications/hivaids/9241591196/fr/index.html
] . Ce pourcentage peut s'élever à 20-30 pour cent chez les adultes
symptomatiques et atteindre 50 à 100 pour cent chez les enfants
séropositifs présentant une perte de poids.
Le manque de nourriture est un obstacle communément admis à l'efficacité
de la thérapie antirétrovirale (ARV) ; une étude menée en Ouganda, en 2010
a notamment révélé que les ARV aiguisaient l'appétit des patients
interrogés. Ces derniers ont également rapporté qu'un manque de nourriture
augmentait les effets secondaires des ARV (notamment les maux de tête, les
douleurs abdominales, les vertiges, les tremblements, la baisse d'énergie,
les évanouissements et la tachycardie).
De nombreux participants ont dit souhaiter interrompre le traitement ARV
ou le reporter jusqu'à ce qu'ils aient les moyens de suivre un régime
alimentaire plus riche. Or, les recherches ont montré que le taux de
survie des patients atteints du VIH était bien meilleur lorsque la
thérapie ARV était commencée [
http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?reportid=84810 ] rapidement.
Les mères séropositives peuvent en outre se trouver contraintes de nourrir
leurs bébés d'un mélange de lait maternel et d'aliments solides, quand
ceux-ci devraient idéalement être nourris exclusivement au lait maternel [
http://www.who.int/child_adolescent_health/topics/prevention_care/child/nutrition/hivif/fr/index.html
] pour réduire le risque de transmission du VIH.
Accès à l'eau salubre - Les communautés pastorales se trouvent souvent
contraintes de boire la même eau que leur bétail, ce qui les expose
davantage au risque de contracter des maladies hydriques.
Or, les personnes séropositives ont plus de difficulté à résister aux
maladies diarrhéiques, aux affections dermatologiques et autres infections
opportunistes, et à s'en remettre.
En outre, les personnes atteintes du VIH risquent d'être trop faibles pour
parcourir de longues distances à pied pour aller chercher de l'eau et la
transporter jusqu'à leur domicile ; les foyers dirigés par des personnes
âgées ou des enfants orphelins du VIH risquent également de ne pas pouvoir
avoir d'accès à l'eau salubre.
Selon les recommandations des Nations Unies, chaque personne devrait
utiliser 20 à 50 litres d'eau chaque jour pour boire, cuisiner et se
laver.
Violences sexuelles - Dans bon nombre de régions de la Corne de l'Afrique,
ce sont les femmes qui effectuent la majorité des tâches ménagères ; ce
sont elles, par exemple, qui vont chercher l'eau et ramasser du bois. Or,
les femmes et les filles parcourent de longues distances à pied pour aller
chercher de l'eau et risquent d'être agressées sexuellement en chemin.
Pour les réfugiées qui se déplacent à pied ou en stop de la Somalie au
Kenya voisin, le risque de viol est bien réel. Le 12 juillet,
l'organisation non gouvernementale (ONG) CARE International [
http://www.carefrance.org/index.php?page=actu&id=21092 ] a rapporté qu'au
camp de réfugiés de Dadaab, au Kenya (où quelque 3 500 Somaliens arrivent
chaque jour), le nombre de cas déclarés de violences sexuelles et liées au
sexe avait augmenté, pour passer de 75 entre janvier et juin 2010 à 358 au
cours de la même période, en 2011.
Selon CARE, les femmes (dont bon nombre voyagent seules avec leurs
enfants) sont particulièrement en danger pendant qu'elles se déplacent. La
surpopulation observée dans les camps de réfugiés compromet également le
bon fonctionnement des mécanismes de protection habituels.
Enfin, s'il est possible de recevoir une prophylaxie post-exposition dans
des camps tels que celui de Dadaab, les populations ne sont pas bien
informées à ce sujet et bon nombre de viols ne sont pas déclarés.
Rapports sexuels transactionnels - En situation d'urgence humanitaire, des
femmes prêtes à tout pour survivre ont souvent recours à des moyens
désespérés afin d'obtenir de quoi manger pour elles-mêmes et leurs
familles.
Une étude menée en 2007 par l'Overseas Development Institute dans la
région toujours aride de Turkana, au nord-est du Kenya, a ainsi révélé que
les effets de la sécheresse amenaient bon nombre de jeunes femmes et
d'orphelins à vendre leur corps pour survivre.
Une fois loin de leurs familles et de leurs communautés, il est plus
facile aux habitants de Turkana partis en grand nombre s'installer
ailleurs (généralement dans d'autres zones urbaines et semi-urbaines)
d'avoir des rapports sexuels transactionnels, selon les conclusions de
l'étude.
S'il n'est pas facile de se procurer des préservatifs, ou si ceux-ci ne
sont pas utilisés régulièrement, les rapports sexuels transactionnels
augmentent le risque de contracter le VIH.
Migrations - Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM)
[
http://www.iom.int/jahia/Jahia/media/all-speeches/cache/offonce/lang/fr?entryId=25445
] , «les migrations ne sont pas en soi un risque pour la santé, mais les
conditions entourant le processus migratoire peuvent entraîner un
accroissement de la vulnérabilité aux problèmes de santé. Cela est
particulièrement vrai pour les personnes qui migrent de manière
involontaire en fuyant les catastrophes et les crises humanitaires, ou qui
se retrouvent dans des situations irrégulières ou dans des circonstances
où elles sont exploitées. »
Selon l'OIM, bon nombre de facteurs sous-jacents à l'origine des
migrations (notamment la répartition inégale des ressources et
l'instabilité socioéconomique) augmentent également le risque de
contraction du VIH auquel sont exposés les migrants et leurs familles.
Les femmes immigrées sont particulièrement exposées au risque d'être
exploitées sexuellement ou contraintes de consentir à des rapports sexuels
en échange de nourriture ou d'un abri, ou même d'être forcées par des
policiers sans scrupules à avoir des rapports sexuels sous peine d'être
arrêtées ou expulsées.
Chez les personnes sous traitement, un déplacement soudain risque
également de compromettre l'observance des traitements, car la
stigmatisation peut dissuader les personnes atteintes d'aller se faire
soigner dans des centres de santé qu'elles ne connaissent pas.
Accès aux services VIH - Alors que plusieurs millions de personnes
risquent de mourir de faim, les services de santé limités assurés dans la
Corne de l'Afrique fonctionnent au maximum de leurs capacités, et les
travailleurs de la santé, débordés, risquent de ne pas pouvoir consacrer
autant de temps qu'il le faudrait aux personnes atteintes du VIH.
Nombre de personnes atteintes du VIH dépendent également des réseaux de
soutien ; or, en situation d'urgence, ceux-ci peuvent éclater lorsque
leurs membres se déplacent en quête de nourriture, ou succombent à la faim
ou aux maladies. Les réseaux de soins à domicile risquent également de
s'effondrer ou d'être affaiblis par les effets de la sécheresse.
Les réfugiés clandestins [
http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?reportid=88916 ] risquent de
ne pas avoir accès aux services de santé, notamment aux services VIH ; en
effet, nombre d'entre eux ne souhaitent pas être inscrits sur les
registres des hôpitaux nationaux de crainte d'être découverts et expulsés.
Dans le pays d'accueil, la barrière de la langue empêche également les
réfugiés d'obtenir des informations essentielles sur la prévention, les
soins et le traitement du VIH/SIDA.
kr/mw-mg/og
[FIN]
Cet article en ligne:
http://www.irinnews.org/reportfrench.aspx?ReportID=93379
Nouveau film sur le Burundi: Tourner la page du passé?
http://www.irinnews.org/film/?id=4512
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