[e-med] Sénégal: les pharmaciens dénonce les brebis galeuses de leur profession...

Sénégal: Constance FAYE BADJI : 'Quand une pharmacie de garde n'ouvre pas,
le client peut porter plainte'

Wal Fadjri (Dakar)
3 Avril 2006
Publié sur le web le 4 Avril 2006
Elh Saidou Nourou DIA

Les pharmaciens sont divisés par la question de la garde de nuit ou du
week-end. Une question qui, de l'avis de la présidente du Syndicat des
pharmaciens privés du Sénégal (Spps), Mme Constance Faye Badji, ne devait
pas constituer une source de discorde d'autant qu'il s'agit d'une question
de santé publique. Dans l'entretien qu'elle nous a accordé, elle déplore
l'attitude des autorités qui leur font payer des taxes alors que la loi leur
interdit de faire recours à toute forme de publicité et parle de la lutte
contre le marché illicite de médicaments.

D'où provient la discorde autour de la garde les week-end et jours de fête ?
Le système de garde a toujours existé. Par consensus, nous avions ainsi
décidé de mettre sur pied un système de garde de nuit. C'est lorsque nous
avons voulu instaurer un système de garde de jour que des blocages sont
apparus et nous avons laissé tomber. Maintenant, chacun ouvre quand il veut
et les autres ferment s'ils n'ont pas envie de travailler.

Pourquoi cette sorte d'anarchie ?
C'est parce qu'il subsiste un vide juridique nous empêchant de dire quoi que
ce soit. Tant qu'il y a un vide juridique, on ne peut rien dire. Maintenant,
si l'arrêté d'application est là, les gens seront obligés de respecter le
système. Il y en a qui, quand ils sont de garde, ne prennent pas parce que
se disant que la pharmacie qui se trouve à côté de l'hôpital ouvre 24h/24,
par conséquent, ils n'ont pas besoin d'ouvrir. Ce qui n'est pas bien ! Parce
que même des poursuites pénales peuvent survenir. Si un client se présente
devant une pharmacie qui est de garde et qui n'est pas ouverte, il peut
porter plainte. Et la sanction qui s'en suivra, ne sera pas disciplinaire,
mais pénale.

Mais qu'est-ce qui empêche vos confrères de respecter ce système ?
Ils disent qu'en tant que pharmaciens, nous sommes dans une profession
libérale et de ce fait, on ne peut pas dire à quelqu'un qu'il doit ouvrir à
telle heure et fermer à une telle autre. C'est ce qu'ils avancent comme
argument principal.

Argument fondé non ?
Il n'est pas fondé dans la mesure où il y a un arrêté qui définit cela.
L'arrêté dit clairement qu'il faut ouvrir de telle à telle heure et à partir
d'une telle autre heure, il faut que certains observent la garde et les
autres pharmaciens doivent fermer. Eux, ils disent que c'est illégal parce
que dans le décret, on n'a pas parlé d'heures d'ouverture et de fermeture,
mais de système de garde. Or, s'il doit y avoir un système de garde, il va
falloir que les pharmacies ferment pour que la garde puisse commencer. Ce
n'est vraiment pas fondé si l'on s'en tient à cet argument. Maintenant, ils
parlent de santé publique en disant que le médicament doit être accessible
aux populations et que l'on ne doit pas les faire marcher pour acheter leur
médicament. Mais, s'ils le disent pour le dimanche, je ne vois pas pourquoi
ils ne le disent pas pour la nuit. Parce qu'en matière de santé publique, il
n'y a ni jour ni nuit.

Et quelle est la position de votre ministère de tutelle dans cette affaire?
Le ministre de la Santé nous demande de trouver un consensus autour de la
question. En ce moment, le syndicat est en train d'initier des réunions
sectorielles pour parler aux gens et voir comment on pourrait définir un
planning qui va arranger chaque secteur. Parce que chaque secteur présente
une spécificité. Pour chaque secteur, nous dirons qu'il faut avoir des
gardes de nuit qui seront éloignées. Car, la périodicité des gardes est
assez courte et c'est un peu difficile pour une officine d'être de garde
pendant toute une semaine. Il n'est pas facile de tenir une officine ouverte
pendant toute une semaine et pour tout le mois. On va donc allonger la garde
pour les nuits mais, pour le dimanche, on va étoffer. C'est-à-dire que nous
essayerons de faire en sorte qu'il y ait plus de pharmacies qui assurent la
garde pendant les dimanches. Dans chaque secteur, nous allons rencontrer des
pharmaciens qui sont contre l'arrêté et nous tenterons de les convaincre par
ces argu ments qui ne visent qu'à organiser notre profession. Pour donner
une belle image de notre profession, nous nous devons de l'organiser. Toutes
les professions sont organisées et une corporation qui n'est pas organisé,
est vouée à une mort certaine. Surtout que nous avons d'autres combats à
mener, notamment contre le marché illicite des médicaments. Mais nous devons
réussir le pari de l'organisation de notre profession pour amener les
autorités à nous écouter.

Au-delà du conflit interne lié à la question de garde et du marché illicite
des médicaments, quels sont les autres problèmes auxquels vous êtes
confrontés ?
Le véritable problème est lié à la fiscalité. La taxe sur la publicité est
un combat de longue date, mais il est resté jusqu'ici sans impact. Nous
avons écrit au maire de Dakar, Pape Diop, mais c'est sans suite. En fait,
dans notre correspondance, nous avons essayé de lui expliquer que nous,
pharmaciens, n'avons pas le droit de faire de la publicité. Jamais un
pharmacien n'est allé démarcher un client ou payer des pages de publicité à
la télé ou ailleurs. C'est interdit dans notre profession. Mais, nous sommes
tenus de mettre des enseignes. La loi nous l'oblige pour signaler la
pharmacie! Ce qui n'a rien à voir avec la publicité. Ainsi donc, nous
pensons que pour la croix qui permet de localiser une pharmacie, ne doit
être taxée. Nous n'avons pas encore obtenu gain de cause parce qu'ils nous
considèrent comme des commerçants et oublient l'aspect santé publique. Le
pire, c'est que chaque commune a sa propre tarification. Ce que nous ne
comprenons pas d'ailleurs. Au moment où certaines mairies taxent le mètre
carré à 15 000 F, les autres le font à 30 000 F, etc. Des mairies taxent
également la croix alors que d'autres en font fi. C'est une affaire qu'il
faut vraiment prendre en charge.

Le combat continue, mais nous avons pu obtenir des autorités l'installation
d'un Comité de lutte contre la vente illicite de médicaments au niveau de
chaque gouvernance. Mais il faudrait que ces comités soient fonctionnels. Il
y en a quand même qui se sont réunis. Des actions ponctuelles ont été menées
et ont entraîné quelques saisies. Seulement, à notre avis, il faut des
actions d'envergure pour mieux lutter contre le fléau. La répression, c'est
l'Etat. C'est à lui de prendre en charge cette question.

Seulement, le marché illicite, c'est parfois vous qui l'alimentez.
C'est malheureusement vrai. Ce sont les brebis galeuses de la profession.
Nous l'avons déploré, car c'est ce qui rend difficile notre travail.