[e-med] Tuberculose, sida et paludisme dans le monde : que fait la France de François Hollande ?

Communiqué de presse interassociatif

Paris, 24 mars 2013 - Journée mondiale contre la tuberculose
Act Up-Paris - AIDES - Global Health Advocates - Oxfam France -
Solthis - Solidarité sida

Tuberculose, sida et paludisme dans le monde : que fait la France
de François Hollande ?

En 2013, la tuberculose va tuer 1,4 million de personnes dans le
monde. Parmi elles, 450 000 personnes seront séropositives : la
tuberculose est la principale cause de décès lié au VIH/sida. Alors
que 1,2 milliard d'euros en plus par an suffiraient à l'enrayer(1),
le manque de financement alimente le développement de la pandémie,
en particulier ses formes multi-résistantes qui ont frappé près de
650 000 malades l'année dernière.

Face à cette épidémie qui tue plus de 4000 personnes par jour la
France a choisi la stratégie de l'inaction. A l'approche de la journée mondiale de lutte contre la tuberculose, nos associations s'inquiètent de la politique de solidarité internationale menée par la France depuis le 15 mai 2012 en matière de coopération internationale et de lutte contre les trois grandes pandémies : tuberculose, sida et paludisme.

Pendant des années, nos associations ont lutté pour l'augmentation des moyens accordés à la prévention et à la prise en charge de ces maladies. Nous attendions du nouveau gouvernement un accroissement des moyens financiers et une volonté politique sans faille. Après 11 mois au pouvoir, la situation est loin d'être encourageante.

Suite à des mois de dialogue et de concertation avec les administrations concernées, nous sommes inquiets des orientations qui sont contraires aux annonces faites par le Président de la République l'été dernier, et réitérées lors des Assises du développement, notamment pour la mise en place et l'attribution de la taxe sur les transactions financières(2).

Ces inquiétudes reposent sur les constats suivants :

1- Les moyens financiers manquent cruellement alors que nous faisons face à une résurgence de formes multi-résistantes de tuberculose en sein même de l'Europe(3). Dans le même temps, le gouvernement français ne s'est pas donné les moyens fiscaux et budgétaires d'assurer l'augmentation nécessaire à l'ensemble des actions de solidarité internationale. La crise financière ne peut justifier de telles décisions.

2- La restriction des budgets accordés à la solidarité internationale mène inévitablement à une concurrence entre les secteurs : faut-il plus de moyens sur la santé, ou sur l'écologie, ou sur l'éducation ? Cette concurrence est dangereuse car ces interventions sont complémentaires et interdépendantes.

3- Dans le champ même de la santé, l'opposition entre la lutte contre les trois pandémies et une approche de santé plus transversale, telle que la mise en place d'une couverture santé universelle, n'a nullement lieu d'être. Il est évident que les deux approches sont nécessaires et complémentaires. La lutte contre les trois grandes pandémies a directement eu des effets positifs et visibles sur la santé des populations en général, et le renforcement des systèmes de santé contribue à pérenniser ces acquis(4).

4- Dans le champ même de la lutte contre les trois pandémies, nos interlocuteurs établissent une nouvelle concurrence entre le canal multilatéral (financement du Fonds mondial de lutte contre le Sida, le Paludisme et la Tuberculose) et le bilatéral (financement de projet dans un pays donné, projet souvent porté par des ONG françaises, dont les nôtres). Là encore, cette concurrence n'a pas de sens. Multilatéral et bilatéral ont chacun leur intérêt et leurs limites ; il est donc indispensable d'accroître le soutien aux deux, pour qu'ils soient complémentaires.

Dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement, la France et la communauté internationale s'étaient engagées à atteindre l'accès universel à la prévention et aux traitements contre les trois grandes pandémies pour 2010. Aujourd'hui, trois ans plus tard, 15 000 personnes meurent chaque jour du sida, de la tuberculose et du paludisme.

Au moment où M. Cameron annonce l'atteinte des 0,7% du PIB pour l'aide publique au développement britannique, M. Hollande doit rattraper le retard pris par son prédécesseur, et mettre en place une politique volontariste en matière de solidarité internationale.

Notes aux éditeurs

Bonjour Céline,

Merci
de nous avoir fait partager ce plaidoyer.

Vous avez raison d'insister sur le fait que les bailleurs doivent
respecter leurs engagements, notamment au travers des 0,7%. Il faut
aussi je crois rappeler que les engagements des dirigeants africains
doivent être tenus, notamment les accords d'Abuja (15%), ceci étant
tout à fait possible en Afrique sub-saharienne en comprimant les
inégalités sociales qui ne cessent de se développer et qui sont
une menace interne forte à l'équilibre même des sociétés
africaines. Et sur ce chapitre, il est souhaitable que la bonne
gouvernance et la lutte contre la corruption soient renforcées pour
créer un cadre propice à la correcte exécution des politiques de
santé; tous ces aspects sont liés et ne doivent pas être
dissociés. C'est comme un contrat global.

Pour ce qui concerne les stratégies verticales versus les stratégies
horizontales, plusieurs questions émergent.

1. Pourquoi sélectionner trois pathologies sur le fonds mondial, et pas quatre (avec les hépatites, également reconnue comme priorité de santé publique) ou cinq ou plus.

2. Quels sont les avantages opérationnels d'avoir ces systèmes
verticaux, plutôt que d'avoir des systèmes totalement intégrés,

3. Quels sont les surcoûts financiers ou administratifs que cela
engendre d'avoir des systèmes parallèles.

Personne ne remet en question l'importance cruciale du combat contre ces trois
pathologies qui reste entier, mais les critiques portent plutôt sur
l'approche retenue. Un pays comme Cuba par exemple n'a pas de système
vertical, et avec un socle de soins primaires très efficace a il
me semble des résultats assez probants dans la lutte contre le VIH.

Peut-on raisonnablement attendre de très bons résultats dans la
prévention sur les trois pathologies citées si le système de santé
primaire n'est pas correct, surtout avec du personnel insuffisant et
mal formé.

Ce questionnement est partagé par beaucoup d'acteurs, venant de multiples
disciplines, y compris de personnes qui ont beaucoup travaillé sur
le VIH. Même Oxfam France qui s'est jointe à votre plaidoyer a
soulevé des questions intéressantes dans un récent article :

http://www.oxfamfrance.org/Vers-des-politiques-de-sante,1571

Il y a en Afrique de nombreux professionnels de santé très compétents.
Beaucoup se plaignent régulièrement de ne pas assez être entendus
ou même écoutés, à juste titre. C'est très difficile pour eux
d'émettre des critiques sur des systèmes principalement pilotés de
l'extérieur, ce qui n'est pas bon ni pour l'émancipation ni même
pour la mise en application des politiques.

Je pense qu'en Afrique on fait des choses trop compliquées et qu'il
faut tendre vers la simplicité, meilleur garant d'une santé pour
tous. Sans vouloir me fait l'apotre du système cubain, a t-on
véritablement fait des études comparatives sur l'efficacité des
différents systèmes et la capacité des sociétés africaines à
s'approprier des systèmes tout de même complexes.

Je que le débat est ouvert et qu'il ne faut pas craindre
l'altérité, l'objectif devant être d'offrir une qualité de soins
la plus élevée possible à l'ensemble des populations en Afrique.

Merci pour ce partage qui pousse à la discussion et à très bientôt,

Bertrand Livinec