Tuberculose : le nombre de cas dans le monde se stabilise après le
regain des années Covid
L’incidence de la maladie est en baisse de 8,3 % par rapport aux
chiffres de 2015, mais reste loin de l’objectif initialement fixé de
diviser par deux le nombre de malades d’ici à 2025.
Par Delphine Roucaute
Publié le 29 octobre 2024 à 17h02, modifié le 17 janvier 2025 à 12h44
Un médecin examine un patient atteint de tuberculose résistante aux
médicaments, à l’hôpital de pneumologie de Hanoï, au Vietnam, le 2
avril 2024. NHAC NGUYEN/AFP
C’est un bilan en demi-teinte que dresse l’Organisation mondiale de la
santé (OMS) dans son rapport annuel sur la tuberculose, publié mardi
29 octobre. Les ambitieux objectifs fixés en 2015 par l’agence
onusienne sont encore loin d’être atteints, mais des progrès ont
néanmoins été enregistrés en 2023, après plusieurs années de hausse,
accélérée par la pandémie de Covid-19. En effet, le nombre de
personnes développant la maladie a commencé à se stabiliser, avec 10,8
millions de cas dans le monde en 2023, contre 10,7 millions en 2022.
En tenant compte de la croissance de la population mondiale, le taux
d’incidence reste stable, à 134 nouveaux cas pour 100 000 habitants.
Ce taux est en baisse de 8,3 % par rapport aux chiffres de 2015, ce
qui est très loin de remplir l’objectif initialement fixé,
c’est-à-dire un nombre de malades divisé par deux d’ici à 2025.
« Bien qu’il soit encourageant de constater certaines tendances
positives dans notre lutte contre la tuberculose, nous devons faire
face à une dure réalité : malgré nos efforts, nous ne faisons que
piétiner, sans parvenir à faire des progrès significatifs vers notre
objectif d’éradication de la tuberculose », a commenté Cassandra
Kelly-Cirino, directrice exécutive de l’Union internationale contre la
tuberculose et les maladies respiratoires (UICTMR). La tuberculose est
ainsi redevenue, après quatre années de pandémie de Covid-19, la
maladie infectieuse la plus meurtrière au monde. En 2023, 1,25 million
de personnes sont mortes de cette infection, niveau néanmoins plus bas
que lors de la période prépandémique (1,34 million en 2019).
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pandémie de Covid-19, l’ONU cherche à revitaliser le combat
Ces progrès sont en grande partie dus aux avancées faites dans le
développement d’outils de diagnostic et de nouveaux traitements – en
particulier contre les bactéries multirésistantes –, qui restent les
nerfs de la guerre dans cette lutte contre la maladie. La tuberculose
est causée par une bactérie, la Mycobacterium tuberculosis, aussi
appelée bacille de Koch, qui se transmet par voie aérienne et atteint
la plupart du temps les poumons, mais peut aussi infecter d’autres
organes.
Cas de tuberculose multirésistante
Si on estime que près d’un quart de la population mondiale est infecté
par cette bactérie, seulement 10 % de ces personnes touchées
développent la maladie, la plupart du temps en raison d’une
immunodépression, comme les personnes atteintes du VIH, ou ayant de
mauvaises conditions de vie (dénutrition, tabagisme, diabète). La
plupart des cas de tuberculose sont enregistrés dans une trentaine de
pays en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. Plus particulièrement,
cinq pays représentent à eux seuls plus de la moitié (56 %) du fardeau
mondial : l’Inde (26 %), l’Indonésie (10 %), la Chine (6,8 %), les
Philippines (6,8 %) et le Pakistan (6,3 %).
Sur les près de 11 millions de cas estimés dans le monde, seuls 8,2
millions ont été réellement diagnostiqués, en nette progression par
rapport à la période prépandémique – le plus bas niveau fut atteint en
2020, avec seulement 5,8 millions de diagnostics. Des « millions
manquants », selon les experts, qui s’expliquent par des difficultés
d’accès aux soins. Or, sans diagnostic, pas de traitement. Si une
tuberculose non traitée entraîne la mort du malade dans un cas sur
deux, le traitement recommandé par l’OMS – des antibiotiques pris
pendant quatre à six mois – permet de sauver 85 % des patients. La
prise en charge précoce augmente les chances de survie.
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de cas non diagnostiqués compromettent les efforts de lutte
Un des défis posés par la maladie est la part grandissante de cas de
tuberculose multirésistante, c’est-à-dire due à une souche bactérienne
ne réagissant pas à l’isoniazide et à la rifampicine, les deux
antibiotiques considérés comme les plus efficaces en première
intention. En 2023, ils représentaient près de 4 % des cas totaux,
soit 400 000 personnes. Mais, en 2023, seuls 175 923 malades atteints
de ces formes résistantes ont reçu un traitement adéquat, soit moins
de la moitié. Depuis 2018, l’OMS a recommandé des traitements plus ou
moins longs selon la souche en question, à prendre par voie orale en
grande majorité. Des chercheurs travaillent également sur la prise
d’antibiotiques de manière préventive, notamment pour empêcher le
développement de la maladie chez les enfants, qui représentent 12 %
des cas.
« Il n’y a plus d’excuses, nous possédons les outils et les
connaissances nécessaires pour éradiquer cette maladie que l’on peut
prévenir et guérir. Il est temps que nous fassions preuve d’audace et
que nous reconnaissions que notre stratégie actuelle ne donne pas les
résultats escomptés », estime Mme Kelly-Cirino. L’UICTMR appelle ainsi
les dirigeants mondiaux et les donateurs à augmenter leurs dons de
manière significative et à respecter leur engagement à mettre fin à la
tuberculose. Seuls 26 % des fonds nécessaires ont pour l’instant été
engagés, sur un objectif de 22 milliards de dollars par an d’ici à
2027.