[e-med] (2)Consultation sur le Plan Stratégique OMS Politique et médicaments essentiels

Chers collègues,

on voudrais partager avec vous nos réflexions, dans le cadre de la
Consultation sur le draft de la WHO Medicines Strategy 2008-2013.

Cher Directeur,

Tout d'abord, nous aimerions remercier l'OMS de nous donner l'opportunité
d'apporter des commentaires à la stratégie médicaments de l'OMS 2008-2013.
Ci-dessous veuillez trouver les commentaires préparés en réponse à la liste
des questions que vous avez adressées.

1. Êtes-vous d'accord avec notre analyse du commerce global et des manques
dans le secteur pharmaceutique ?

Ce document est très important et nous apprécions le fait que l'accent soit
porté sur le problème de qualité, qui constitue une faiblesse majeure des
systèmes de santé dans un grand nombre de pays à faibles ou moyens revenus et
qui par la circulation de médicaments contrefaits et sous standard, a des
conséquences sous estimées pour l'individu et la santé publique des
populations démunies. Cependant nous suggérons que « les médicaments sous
standard » soient clairement cités comme une menace aussi importante pour la
santé publique que les « médicaments contrefaits ». Sinon, une tendance
dangereuse pourrait apparaître dans le public en général et aussi chez
certains de ceux à l'origine des politiques pharmaceutiques, de sous estimer
les dangers des sous standards, dont l'impact néfaste est cépendant énorme,
plus encore que les contrefaçons, dans les populations vulnérables.

2. Êtes-vous d'accord avec les grandes lignes de la stratégie et les
activités prioritaires identifiées ?

Sur un plan général oui. Cependant nous aimerions apporter quelques
commentaires spécifiques et remarques :

- - En remarque très générale, nous suggérons fortement que le terme «
accès aux médicaments essentiels » soit systématiquement remplacé par
l'expression « accès aux médicaments essentiels de qualité ». Nous sommes
persuadés que la qualité doit être abordée de façon transversale. Elle
concerne tous les aspects des politiques pharmaceutiques: le fait de le
mentionner systématiquement, pourrait aider à la construction d'une approche
orientée vers la qualité du médicament au sein des personnes et des
institutions à l'origine des politiques pharmaceutiques.

- - Concernant le besoin de renforcement des systèmes de réglementations
pharmaceutiques des pays à faibles revenus (p. 9), nous aimerions faire
remarquer qu'alors que le renforcement des autorités de réglementation
pharmaceutique des pays à ressources limités est une tâche à long terme, la
reconnaissance du travail des agences de référence peut être considérée comme
un moyen pour alléger le travail des agences de réglementation pharmaceutique
des pays en voie de développement et pour contribuer à une amélioration
rapide de la qualité des médicaments circulant dans ces pays ; cela pourrait
aider aussi à rationaliser l'utilisation des ressources en évitant les
duplications non nécessaires des efforts. En d'autres termes, nous aimerions
que l'OMS encourage clairement un échange transparent des informations
techniques pas seulement entre la préqualification de l'OMS et les autorités
de réglementation pharmaceutique du Sud mais aussi entre la préqualification
de l'OMS et les autorités de réglementation pharmaceutique du Nord, ainsi
qu'entre les autorités de réglementation pharmaceutique du Nord et du Sud.

- - Concernant le troisième paragraphe, à la page 10 (à propos de
l'analyse et la comparaison des prix, un sujet repris d'ailleurs dans
plusieurs parties du document), nous pensons que parler de prix sans
clairement lier prix et qualité peut sérieusement abuser et même mener à
l'approvisionnement de sources non préqualifiées plutôt que des sources
prequalifiées. Donc nous suggérons qu'à chaque fois que les prix des
médicaments sont discutés comme un critère de sélection de
l'approvisionnement, il soit bien clarifier qu'on ne peut comparer des prix
que « de médicaments dont la qualité a été vérifiée de façon équivalente ».

- - Nous pensons également que toute réflexion sur les prix des
médicaments doit intégrer l'impact de la date limite de la mise en
application des accords ADPIC fixée par l'OMC en 2005 pour les pays en voie
de développement : pour les « vieux » médicaments essentiels, vous pouvez
toujours comparer le prix des médicaments innovant aux prix des génériques
préqualifiés, mais les nouveaux médicaments essentiels, eux, ne seront peut
être pas disponibles en tant que génériques de qualité pendant plusieurs
années. Donc, dans le scénario post 2005, toutes analyses des politiques
d'approvisionnement et de prix devront prendre en compte les aspects de
propriété intellectuelle et -surtout- la possibilité d'utiliser les
exceptions prévues par les ADPIC, à partir des tout premiers stades.

- - Concernant la préqualification de l'OMS (page 11), nous nous
demandons si elle ne pourrait pas être étendue à la famille des médicaments
anti-infectieux dans sa globalité, car notre expérience montre que
l'approvisionnement en médicaments anti-infectieux, et tout spécialement pour
les formes injectables, est souvent un challenge majeur dans des contextes
aux ressources limitées, dû au manque de sources ou la traçabilité des
origines peut être assurée et pour lesquelles la qualité a été vérifiée. Ceci
constitue clairement un danger pour l'individu et pour la santé publique (à
cause de l'émergence des résistances). Ainsi, étendre la préqualification de
l'OMS à ces médicaments (et petit à petit à d'autres groupes de médicaments
essentiels) serait en ligne avec une approche santé publique.

En outre, comme suggéré ci-dessus, l'échange d'informations entre la
préqualification de l'OMS et les autorités de réglementation pharmaceutique
des pays à réglementation contraignante devrait être encouragé et mis en
oeuvre (comme cela s'est déjà produit avec les autorités pharmaceutiques des
États-Unis et du Canada mais pour les ARV seulement.)

- - Comme déjà mentionné, nous aimerions qu'en plus des contrefaçons
(IMPACT) les sous-standards soient aussi ciblés spécifiquement par l'OMS,
dans le but d'adopter une approche santé publique forte et cohérente (à la
fois les sous-standards et les contrefaçons peuvent tuer !), plutôt qu'une
approche contrefaçon uniquement (qui pourrait finir par être trop orientée
propriété intellectuelle).

- - En parlant « preuves et informations pour les politiques médicaments
» (page 15), nous aimerions insister sur la pertinence de l'information
publique et transparente sur les évaluations de qualité (sites de
fabrication, principe actif et produit fini), et sur les brevets des
médicaments.

3. Manquent-ils des activités importantes ou des grandes lignes stratégiques
?

- - À notre opinion, il faudrait plus insister sur le rôle et les
responsabilités des bailleurs, qui peuvent et devraient faire plus dans le
but de mettre en place des politiques d'approvisionnement pharmaceutique
basées sur des évaluations qualité cohérentes et adaptées. Ce point est
mentionné à la page 15 mais pas par exemple en page 5 du document (« menaces
»). Nous sommes persuadés qu'il existe un risque que les bailleurs optent
pour les politiques d'approvisionnement donnant la priorité au prix le plus
bas plutôt qu'à la vérification de la qualité, ce qui affaiblirait le pouvoir
politique d'outils très importants, comme celui de la préqualification de
l'OMS (en plus d'être directement dangereux pour la santé publique)

- - Nous pensons que l'accès financier à des médicaments de qualité doit
être clairement affirmé comme une grande ligne stratégique : en d'autres
termes, le droit pour les pauvres à recevoir des médicaments essentiels et
vitaux gratuitement, comme c'est le cas dans les pays riches à travers les
systèmes de solidarité sociale, doit être un objectif en soi (« les pauvres
ne doivent pas payer pour des médicaments essentiels »), et des activités
spécifiques devraient être développées pour atteindre cet objectif.

- - En ce qui concerne le thème entrecroisé « accès à des médicaments (de
qualité) » nous aimerions insister sur le besoin de suivre avec attention les
conséquences de la mise en application des accords ADPIC post 2005 : pour la
plupart des nouveaux médicaments essentiels, probablement sous brevets dans
des pays comme l'Inde, les pays à faibles ressources seront « forcés » de
renoncer aux nouveaux médicaments et/ou à adopter les vieux protocoles (ex. :
ART basé sur la Stavudine), à cause du manque d'accès aux nouveaux
médicaments. En ligne avec la motion 2008 WHA, l'OMS devrait contrôler que
les mécanismes structuraux sont mis en oeuvre pour assurer l'accès des
nouveaux médicaments aux populations vulnérables, sur une base régulière et
non exceptionnelle (au cas par cas).

Sur le même sujet, nous pensons que des activités spécifiques devraient être
mises en place pour préparer les pays à faible revenu à la mise en
application des accords ADPIC, à la date limite 2 016.

- - En remarque mineure, nous aimerions faire remarquer que la promotion
à l'usage rationnel devrait être de plus en plus intégrée aux autres sujets.
En fait, des facteurs liés aux contextes spécifiques, comme le manque
d'accessibilité financière aux médicaments, peut aussi avoir un impact sur
(le manque) d'usage rational des médicaments, et ils devraient être
considérés comme un prérequis majeur à la mise en oeuvre totale de l'usage
rationnel.

4. Dans le cas où nous devrions définir des priorités en raison de limitation
de ressources, quel(s) élément(s) de la stratégie considéreriez-vous comme
une priorité mineure pour l'OMS ?

En fait nous trouvons plus facile de définir les priorités majeures plutôt
que mineures. À notre avis, dans une approche de santé publique, les deux
priorités majeures sont :

a) le renforcement global des standards de qualité adaptés, pour éviter que
les doubles standards continuent à exister pour les populations vulnérables ;

b) la réalisation de l'accès financier total des médicaments essentiels de
qualité aux individus et aux familles, dans les pays à revenu faible et
moyenne.

Merci pour votre attention, cordialement,

Raffaella Ravinetto
Pharmacien, Prince Leopold Institute of Tropical Medicine, Antwerp

Daniel Vandenbergh
Pharmacien, AEDES, Bruxelles

Jean-Michel Caudron
Pharmacien, Health cy, Paris

Jacques Pinel
Pharmacien, Bruxelles