[réponse à un message e-med de Ermus Musama diffusé en janvier 2005 et que
nous avons pour mémoire rappelé au bas du message.CB]
Cher Ermus,
Je suis bien servi à la suite de la lecture de votre
note. Au cameroun, la seule stratégie gouvernementale
à souvent été la manière forte, c'est-à-dire de donner
les injonctions aux vendeurs illicites et de passer
quelques jours après pour les chasser des lieux de
vente, en ramassant leurs produits. Le résultat, tout
le monde le connaît. C'est que l'activité est toujours
présente dans le paysage urbain des villes et villages
du Cameroun.
Il est essentiel, et je suis d'avis avec vous, de
mener des recherches approfondies afin de déboucher
sur des axes d'interventions. Des actions pilotes
peuvent alors être testées dans l'optique de
distinguer celles qui marchent des autres. Ce n'est
qu'ainsi que le combat peut être mener.
Juste pour ajouter de l'huile à votre moulin, je peux
presque affirmer que la prolifération des centres de
santé de proximité (sous la forme de GIC, ONG, etc)est
un facteur à prendre en compte dans la multiplication
des points de vente illicite.
Il ne saurait avoir de guerre lorsque les pharmaciens
n'auront pas compris que la vente illicite des
médicaments appartient au domaine du complexe etque
pour tenter une opération,il vaudrait mieux
s'informer, savoir les mécanismes de fonctionnement et
bien d'autres paramètres.
Sur ce je vais vous dire bon courage. Je suis disposé
à partager votre lecture du phénomène.
Je travaille dans le domaine de la recherche-action.
Je suis basé à dans la ville de Douala où je suis
coordinateur assistant au projet de sécurité urbaine
dénommé Douala Plus Sûre. Je suis enseignant vacataire
à l'Université de Yaoundé I, département de
Géographie.
Cordialement
Claude Albert
Meutchehé Ngomsi
Géographe urbaniste
meutcheheng@yahoo.fr
----- Message d'origine -----
Envoyé : mercredi 12 janvier 2005 15:58
éviter
Lutte contre la vente illicite des médicaments : erreurs a éviter
Lors des premières journées pharmaceutiques(du 09 au 11 décembre 2005) de
l'ordre national des Pharmaciens du Cameroun auxquelles j'ai participé sur
invitation du Président de l'ordre et de quelques confrères pharmaciens, une
idée avait été lancée durant le débat selon laquelle un projet serait
financé par la banque mondiale dans le but d'encadrer les vendeurs illicites
des médicaments (médicaments de gazon). J'ai donné mon point de vue à
certains en disant qu'à Kinshasa, Ndelo et collaborateurs (Professeur NDELO
est titulaire du cours de toxicologie générale, expérimentale et clinique
aux Facultés de Kinshasa, Lubumbashi, Mbuji-Mayi et Kisantu) ont encadré les
vendeurs illicites. Ils ont eu comme résultat l'aggravation du phénomène car
ces gens se sont appelés carrément des pharmaciens et en conséquence se
permettaient tout.
Une deuxième erreur fut ce projet piloté par le Pharmacien MBUYU MUTEBA,
directeur du Programme national de lutte contre les Toxicomanies au
ministère de la santé de la RDC(des Toxicologues, qui savent mieux le danger
des médicaments). Ce projet devrait racheter les médicaments vendus dans la
rue et re-orienter les vendeurs à d'autres occupations commerciales, à la
vente d'autres articles. Ces vendeurs ont passé la main à d'autres , et ont
continué à financer le marché illicite qui, par conséquent, s'est amplifié.
Aux confrères camerounais, j'ai posé cette question : avez-vous une étude
fouillée et documentée qui montre la nuisibilité des médicaments de la rue
et surtout des morts d'homme ? On sait que telle personne est morte à la
suite d'une prise d'un de ces médicaments ; n'est-ce pas un accident ?
Avez-vous ?, avons-nous, de manière suivie et systématique, par des
recherches au laboratoire, constaté le danger et la nuisibilité de ces
médicaments ?
Au Mali, à Bamako, lors du Forum pharmaceutique du mois de juin 2005, je
vous présenterai nos résultats d'une enquête menée auprès des familles
endeuillées d'une part et dans les dossiers médicaux d'autres part où j'ai
recherché combien de fois les médicaments sont incriminés. Dans aucun deuil
j'ai vu le médicament être incriminé. Quand un médicament ne marche pas, on
ne change pas le lieu d'achat, on ne recherche pas le conseil du spécialiste
mais on change carrément de molécule, souvent sur le conseil de son médecin
personnel.
J'ai aimé la discussion des pharmaciens camerounais qui ont fini par
constaté que les bonnes spécialités (les mêmes que nous avons dans les
officines) sont souvent détenus par ces vendeurs illicites, et que parfois
les pharmaciens eux-mêmes allaient acheter (en urgence bien sûr, et je le
souligne comme ils l'ont également souligné) des médicaments de la rue.
Kinshasa connaît bien ce phénomène, ZAPAIN, un générique de Nimesulide avait
connu une sérieuse rupture de stock chez l'importateur et les grossistes, le
marché illicite était le seul à le fournir à tous.
Notre étude révèle qu'il n'y a pas de corrélation entre l'état de pauvreté
ou encore le niveau d'instruction et le fait d'acheter des médicaments de la
rue. J'explore d'autres facteurs (nous les discuterons à BAMAKO) comme les
deux que je viens de citer ci-haut ou encore l'influence du Médecin
personnel. Un professeur de la faculté de Pharmacie (je ne doute pas qu'il
soit instruit ou capable d'acheter chez un pharmacien) cherchait le
Diprosalic chez le pharmacien de la pharmacie basée à l'Université de
Kinshasa.et comme il ne l'a pas trouvé, il s'est adressé à ceux qui
pouvaient le lui donner : les vendeurs illicites. Je termine en disant que
la dernière erreur à éviter est celle de faire cette lutte sans un vrai plan
de combat (plan annuel, plan triennal, plan quinquennal) bien élaboré,
soutenu et même testé. L'Unesco lutte contre la vente illicite des biens
culturels, elle a des plans et des moyens et est soutenue par ceux qui ont
le pouvoir, certains gouvernements luttent contre la vente illicite des
hydrocarbures(nous connaissons les chiffres des morts d'hommes), ils ont
plans et moyens. Dans ces 2 cas, il y a également le soutien d'une partie de
la population. Notre lutte contre la vente illicite des médicaments n'a pas
de vrai plan (j'ai été à DAKAR, à COTONOU, à YAOUNDE, et je suis maintenant
à Kinshasa) ni des moyens conséquents. Et je crains que , sans le soutien du
politique et des populations, cela devienne un folklore.
Ermus MUSAMA
Pharmacien
KINSHASA
Remerciements à Monsieur NGNINGAHA Augustin, de nationalité camerounaise,
(Etudiant) Pharmacien stagiaire en dernière année, Faculté de Pharmacie à
Université de Kinshasa, pour sa participation aux enquêtes.