Encore quelques réflexions concernant le dernier mail sur le sujet du
paiement par le patient pour des soins essentiels.
* La plupart des projets est financé par des gouvernements ou groupes de
gens responsables. Ce n'est pas que les gouvernements du pays en question
qui peuvent être responsables.
Dans mon expérience ces projets durent parfois des décades, permettant à
fournir des soins à des gens dans le besoin. C'est une des expressions de
solidarité internationale qui a sauvé beaucoup de vies et qui continue à
faire cela. La réalité est que plusieurs bailleurs de fonds - et en
particulier les nouvelles initiatives comme le Fonds mondial- offrent une
possibilité de financement sur 5 à 10 ans, ce qui n'est pas négligeable en
vue des besoins et en vue de l'incertitude de la contribution de certains
gouvernements (cfr. promesse d'Abuja etc). En fait la perspective d'avoir
des fonds internationaux en quantité suffisantes et sur une période assez
intéressante n'a jamais été si prometteuse que ces jours-ci.
Certainement le fait est que certains voudraient faire marche arrière et
ré-installer l'adagio que des pays à bas revenus ne peuvent pas se
permettre des soins de santé essentiels. Où est-ce que l'aide au
développement classique nous a mené ces dernières décades?
Certainement c'est aussi aux techniciens de la santé et la société civile
de garder la pression pour les choses s'améliorent et qu'on garde les
promesses. Donc plutôt que penser et repenser aux raisons pour ne pas
arrêter une pratique de paiement qui maintenant a été déclarée nocive (même
par l'OMS et la Banque mondiale!), mettons nos énergies à l'implémentation
de services de soins accessibles et abordables.
* Il est utile de se rappeler que les gouvernements dépensent l'argent de
leur citoyens et/ou contribuables.
C'est pour cela que des bailleurs de fonds et agences internationaux
doivent être 'accountable' sur leur choix envers leur contributeurs (et
leur bénéficiaires). Donc le choix d'utiliser des fonds pour la santé sans
s'assurer que ses soins de santé sont accessible à tous et surtout à ceux
qui en ont le plus besoin, est un point d'attention et de critique
particulière. Des parlementaires au Royaume-Uni et aux Etats-Unis ont
demandé des assurances à leurs gouvernements sur ce point, beaucoup
d'individus et la société civile en Europe insistent sur ce point de
gratuité des soins essentiels. Nos donateurs nous demandent des comptes,
comme ONG et n'accepteront pas qu'on exclut des malades ou qu'on risque
d'appauvrir des patients.
Donc tout comme les citoyens ou individus qui contribuent directement ou
indirectement à un financement de projet dans un autre pays, voudraient que
leur argent est utilisé de manière efficace et équitable, apportant un
bénéfice à ceux qui en ont le plus besoin, les citoyens de pays africains
pourraient également demander cette même bonne utilisation (prioritaire)
pour la santé de sa population. Heureusement qu'il y a des organisations
comme RAME et d'autres qui parlent des droits des patients et de
l'importance d'utiliser des fonds (de n'importe quelle origine) de manière
efficace et équitable. Mais on a besoin d'autres, pour faire entendre cette
voix, trop négligée.
* Dans la discussion, un premier point important est de ne pas faire payer
des patients ce qui déjà a été payé par d'autres sources. Pour des intrants
déjà subventionnés et d'autres fonds dédiés à fournir des soins
essentiels (comme par le fonds mondial et d'autres), il n'est pas éthique
et pas responsable de les faire payer une deuxième fois par le patient.
Surtout quand on sait que les barrières financières par ces paiements
mettent en péril l'efficacité de l'intervention.
* Un deuxième pas est de s'assurer que les intrants gratuits ne sont pas
enfermés dans des structures de santé inaccessibles et/ou à risque de
s'appauvrir d'avantage. Sinon, les médicaments vont se périmer sur les
étagères car financièrement pas accessibles, même si déjà subventionnés.
Les structures de santé vont rester vide de patients, car très peu entre
eux peuvent se payer les contributions demandés.
Pour cela bien sûr les frais de fonctionnement de ces structures
(personnel, maintenance, matériel renouvelable) doivent être financés par
quelqu'un d'autre que le patient. C'est ça exactement l'opportunité offerte
par le fonds globale par exemple. Ils sont prêts à financer ces frais, car
il se réalisent que sinon on arrivera pas à atteindre les objectifs d'accès
universel. Mais actuellement trop peu de demandes de pays incluent ceci.
Il faut saisir cette opportunité et démontrer que les services de santé
existants ont une contribution importante à atteindre les objectifs de
santé. Sinon le risque est réel que les financements internationaux vont
laisser de coté les systèmes publics existants; de fait dans la situation
actuelle dans beaucoup de pays ces systèmes de santé sont un canal très peu
efficace à canaliser des fonds vers les populations et une amélioration de
leur santé.
Certainement, on peut choisir de continuer à fonctionner avec les moyens
locaux, mais si la contribution du patient est maintenue dans des zones de
pauvreté très prévalente, ceci implique une contribution très restreinte à
la santé publique de la population et donc limite fortement sa pertinence.
* Une intervention pérenne mais à efficacité limitée semble peu utile en
termes d'impact sur la santé de la population. Et c'est ça dont on parle
actuellement si on parle des grands objectifs du millénaire.
Tout d'abord on parle d'efficacité, après seulement comment continuer
l'intervention et assurer les moyens pour sa continuité. Il serait utile
d'utiliser peut-être plutôt le terme de continuité ou pérennité des
financements (nationaux et internationaux).
Dans le fonds du débat, je reste avec l'impression qu'on donne priorité à
préserver des institutions peut-être pérennes (et profitables pour
certains) mais peu efficaces pour la population, plutôt que d'apporter des
changements pour améliorer des systèmes qui actuellement ne répondent pas
aux besoins de leur population. Si c'est le cas, toute l'évidence et toute
documentation sur l'impact nocif des paiements par le patients et sur la
faisabilité de passer à des soins subventionnées également gratuits pour
les patients, restera négligée.
Soyons réaliste, demandons le changement.
Dr. Mit Philips,
MD, MSP
Médecins Sans Frontières
Bruxelles; Belgique