[e-med] (5)Congo gratuité pour des traitements contre le paludisme et le sida

Permettez-moi d'ajouter ces questions à la liste de Serge:
- pendant combien de temps cette gratuite va - t- elle tenir?
- quel plan de pérennisation au cas ou le financement de cette
gratuite provient d'un partenaire extérieur?

Ben M.MUNONGO
Operations Officer
AXxes Project
RD CONGO
benmunongo@sanru.org

Bonjour

Je suis tout à fait d'accord avec les inquiétudes et les
interrogations des uns et des autres sur la gratuité. Mais je les
posent aussi d'autres questions: comment les franges de la population
démunies, n'ayant pas les moyens de payer les coûts des médicaments
jugés (souvent subjectivement) actuellement bas, peuvent accéder aux
soins? Que prévoit le système actuel pour eux? La pérennité actuelle
des systèmes de santé ne se construit-elle pas au détriment de la
pérennité de leur santé?
Cordialement!

Simon KABORE
Coordonnateur du Réseau Accès aux Médicaments Essentiels (RAME)
04 BP: 8038 Ouagadougou 04 Burkina Faso
Tel: bur (226) 50 34 55 32
         Cel: (226) 70 24 44 55
E-mail alternatif: simonkabore@rame-bf.org

Je rejoins Monsieur Kabore quant à ses préoccupations.

Les inquiétudes quant à la pérennité d'un système peuvent être légitimes,
mais en quoi assurer la pérennité d'un système qui ne répond pas aux
besoins de santé des populations doit-elle être prioritaire? Sans parler
du fait que dans les contextes où la pauvreté est répandue, les systèmes
basés sur la participation financière des patients peuvent difficilement
être qualifiés de pérenne...

Des enquêtes de populations réalisées par Médecins Sans Frontières (MSF)
dans différents pays ont montré des taux extrêmement alarmant d’exclusion
des soins: entre 5% et 20% des personnes étaient totalement exclues des
différents types d’offres de soins disponibles, parce qu’elles ne
pouvaient pas payer. Même dans le cas où des sommes considérées comme
modestes étaient demandées, un taux élevé de patients étaient exclu. Parmi
les ménages qui réussissaient à accéder aux soins, l’impact en termes
d’appauvrissement était évident : 50% courraient un risque accru
d’appauvrissement et dans certains contextes, 50% des dettes des familles
étaient dues aux coûts de l’accès aux soins. Tout cela dans des contextes
où les taux de mortalité sont extrêmement élevés, besoins en soins de
santé sont criants... et l'utilisation des services existants extrêmement
faible.

La santé à un coût, c’est indéniable. La question est surtout de savoir si
– dans des contextes où la population présente un état de santé
extrêmement précaire et où la pauvreté est la norme – il est cohérent de
demander aux ménages de devoir la financer.

Si l’objectif est de soigner les personnes qui en ont besoin (sans même
parler du droit qu’elles ont à être soignées), dans de tels contextes, la
priorité devrait être d’assurer que la santé est financée par d’autres
sources que les personnes qui n’en ont de toutes façons pas les moyens.

Fournir les médicaments gratuits (qui sont souvent déjà financés par des
bailleurs) est un premier pas permettant à une partie de la population
d’avoir un accès accru à des traitements. Malheureusement, notre
expérience montre également qu’offrir uniquement les médicaments gratuits
à un impact limité sur l’augmentation de l’utilisation des services.

Au Mali, offrir les CTA gratuits pour soigner le paludisme (alors que les
coûts de consultation et autres médicaments restaient payants) a permis
d’augmenter les taux d’utilisation (pour le paludisme) et passer de 0.25
nouveau cas par enfant de moins de 5 ans par an à 0.38. Ce n’est que quand
les soins ont été fournis de façon gratuite (tous les frais subventionnés
par MSF, quelque soit la pathologie) que les taux de fréquentation ont
réellement augmenté pour ce groupe cible : le nombre de cas de paludisme
traité a alors été multiplié par 3,5. De façon générale, offrir les soins
gratuits pour tout problème de santé à permis de multiplier par 5 le
nombre de consultations parmi les enfants. Dans un contexte ou près d’un
enfant sur cinq meurt avant d’atteindre l’âge de 5 ans, on ne peut que
s’en féliciter.

L’impact de la participation financière des patients dans des contextes
tels que le Congo a été documenté plus qu’il n’en faut. Des pays de plus
en plus nombreux sont en train d’adapter leur politique afin d’augmenter
l’accès de leur population aux soins dont ils besoin et subventionnent les
coûts de la santé afin que ce ne soit pas la population qui en fasse les
frais. Dans les contextes où la pauvreté est répandue, plutôt que de
s’accrocher à des modèles qui ont montré leurs limites et manquements - au
coût de la population qui était censée en bénéficier - il est urgent que
d’autres politiques de financement soient mises en place.

Amicalement,

Seco
--------------------------
Le rapport « Sans argent, pas de soins ! » résumant les résultats des
enquêtes de mortalité et accès aux soins, ainsi que le document présentant
les résultats de l’intervention paludisme MSF au Mali « Améliorer l’accès
aux traitements efficaces contre le paludisme au Mali » sont disponibles
sur www.accesstohealthcare.msf.be (v. classeurs « overview » et « Mali »)

Seco GERARD
Advisor, Analysis and Advocacy Unit, Gen Dir.
MSF
Rue Dupré 94
1090 Brussels
32 2 475 36 34 (dir off)

Essayons d'aller plus loin dans le débat. La gratuité apporte certainement
une solution aux plus pauvres. Mais qui paye alors la délivrance de soins et
de médicaments aux structures délivrant ces soins gratuits. Concernant les
traitements paludisme et Sida, les médicaments sont donnés aux pays. C'est
une aide à l'offre en médicaments. Mais cela à des conséquences financières
importantes. Dans tous les systèmes de santé une part du fonctionnement
vient des recettes du recouvrement des coûts du médicament. Ces recettes,
dans une distribution gratuite de médicaments vont disparaitre.
C'est ainsi que la distribution gratuite des ACT avec les médicaments
fournis par les différents bailleurs de fonds est entrain de désorganiser
les secteurs publics et privés d'approvisionnement et de distribution.

Il me semblerait plus judicieux d'aider financièrement les structures
délivrant ces soins et ces médicaments gratuitement. Cela permettrait de
maintenir les circuits existants et de maintenir leur fiabilité financière.
On parle à mon avis trop souvent de mauvaise gestion. Avez vous essayé de
faire une gestion correcte dans un système financier chroniquement
déficitaire?

Serge Barbereau-----

Tout a fait d'accord: il ne s'agit donc pas de problèmes provenant de la
gratuité, mais plutôt de comment financer les systèmes pour qu'ils
puissent être efficaces... il faut donc des financements suffisants (ce
qui n'est certainement pas le cas quand on compte sur les patients pour
payer) qui assurent que ceux qui ont besoin d'utiliser le système y ait
accès (et donc la gratuité pour les patients)

La gratuité des médocs pour les patients n'est pas ce qui doit être
contesté, ce qui doit être obtenu, c'est de remplacer la source de revenu
que constituent les patients par d'autres sources de financement.

L'expérience du Niger, soutenue par la coopération française, est dans ce
sens très intéressante...

A suivre...

Seco

Seco GERARD
Advisor, Analysis and Advocacy Unit, Gen Dir.
MSF
Rue Dupré 94
1090 Brussels
32 2 475 36 34 (dir off)

Je ne peux qu'être d'accord avec le raisonnement de Serge

bonsoir à tous,

Je souscris totalement à l'idée de Serge. Et au delà des aspects techniques
de gestion qu'il a évoqué, il ya aussi que ces gratuités finissent par
"désacraliser" le médicament. Cela conduit directement vers des phénomènes
de résistances aux molécules considérées donc à une catastrophe sanitaire,
le contraire de l'objectif recherché . Dr A. SARR: Syndicat des pharmaciens
privés du Sénégal
Dr Abou SARR
abousar@jokkoo.sn

La politique de la gratuite des soins pour le cas d'espece est important pour passer a l'echelle et rendre le traitement accessible a la majorite des enfants de moins de 5 ans etant donne que c'est la couche de la population la plus vulnerable.
Dans le cadre de la lutte contre le paludisme et compte tenu de la pauvrete de nos populations et du cout eleve des ACT, c'est une politique a soutenir pourvu que l'Etat y mette ses propres moyens pour subventionner. Si cette subvention est basee sur un appui exterieur d'un bailleur des fonds, nous devons nous inquieter sur la duree de cette initiative.
Gabriel BUKASA
g_bukasa@yahoo.com

Gabriel Bukasa Kaleka
B.Pharm.,MPH

+243(0)999005024
+243(0)999301015

Une question grave est contenue dans ce mouvement vers la gratuité.
Cette gratuité ré-introduit le principe de la colonisation
Ce seront Washington et Genève qui vont décider de ce qui est gratuit ou
non.
Ce seront eux qui vont décider et qui décident déjà qui va avoir droit à la
gratuité ; pour le moment, telle ou telle maladie mais un jour pourquoi pas,
tel ou tel malade.
Puis quand les systèmes de santé seront un peu plus détruits ce seront eux
qui financeront leur fonctionnement ; selon quels critères?

De toutes façons la gratuité reproduit le système colonial, ce sont les
pouvoirs publics qui financent les soins, système tant critiqué parfois par
les mêmes personnes

L'initiative de Bamako avait un grand avantage elle donnait un certain
pouvoir et même un pouvoir certain aux clients, malades ou non. Peut être
est cela que les décideurs de Washington ne supportent plus.
En payant leurs soins ils pouvaient contrôler la qualité et la transparence
de gestion.

Il est parfaitement injuste de juger de l'IB à partir des erreurs et excès
qui ont été commis.

C'est vrai il y a des patients pour lesquels le payement est difficile mais
ils ne sont pas si nombreux : ne faisons pas de misérabilisme. De plus les
patients qui viennent dans les centres de santé sont déjà passés par
différentes autres offres de soins et ont déjà dépensé beaucoup d'argent.
Alors luttons pour que les centres de santé soient de qualité et pour que
les patients s'adressent plus rapidement et directement à ces centres.

Bien sûr les enquêtes réalisées dans les centres de santé montrent que
l'argent est un obstacle à l'accès dans ces centres. Mais il faut enquêter
en amont, avant les centres de santé, pour savoir ce que souhaitent les
éventuels futurs clients et combien ils dépensent pour leur santé.

Jean Loup Rey
Médecin de santé publique

La réaction du Dr Rey m'oblige à soutenir celui qui disait précédemment que
certains raisonnements semblent venir de salons feutrés et sont en déphasage
avec la réalité du terrain. Docteur, malgré l'I.B la colonisation au niveau
du système de santé n'est pas finie (si elle est vue telle que vous la
présentez). Avez-vous évalué la part des budgets nationaux dans le
financement de nos systèmes de santé? Avez-vous analysé les conditions de
réaction de nos dirigeants face aux épidémies? Vous comprendrez que notre
santé est déjà tributaire de "Washington" et de "Genève".
Quels sont les "Clients, malades ou non" qui ont un pouvoir dans l'I.B? Les
privilégiés des Comités de Gestion ou des Equipes Cadre de Districts?
Comment manifestent-ils ce pouvoir? En usent-ils réellement pour améliorer
l'accès de tous aux soins de santé primaires, qui est l'objectif de l'IB?
J'adhère profondément à votre aspiration à une vraie indépendance de
l'Afrique. Mais n'est-ce pas dans ce cas incompatible de défendre un système
qui exclut près (ou plus) de la population aux soins (cela m'écœure que vous
trouvez que ce nombre n'est pas si important) ?
Un peuple malade peut-il prétendre à son indépendance? Un peuple malade et
improductif a beau avoir un système de santé flambant neuf mais
inaccessible, il n'aura autre choix que de tendre toujours la main à celui
qui a su investir dans son peuple.
Nous ne jugeons pas l'I.B, nous la critiquons afin que l'on puisse
l'améliorer. Prôner le statu quo sur l'I.B ne rend pas service à l'Afrique.
Cordialement!

--
Simon KABORE
Coordonnateur du Réseau Accès aux Médicaments Essentiels (RAME)
04 BP: 8038 Ouagadougou 04 Burkina Faso
Tel: bur (226) 50 34 55 32
Cel: (226) 70 24 44 55
E-mail alternatif: simonkabore@rame-bf.org

Pour ma part, je n'oserai pas parler de colonialisme. Sur le terrain, nous
avons besoin de cette "solidarité internationale" pour compenser
l'insolvabilité de certain malades.
Toutefois, il est difficile de cibler l'insolvabilité. Dans les analyses de
dépenses des ménages pour la santé, il est à rappeler les dépenses du
"traditionel". Cela ne se paye pas forcément en monnaie, mais avec un poulet
ou une pintade, mais cela correspond bien à une dépense souvent équivalente
à la dépense médicament d'un soin de santé primaire.

Les systèmes de santé publics sont approvisionnés à travers des centrales
d'achats. une centrale d'achat doit acheter elle même, mais doit aussi
vendre. Pour cela elle à besoin d'acheteurs solvables. Les dons en
médicaments perturbent tout cela et c'est pour cela qu'ils sont condamnables
dans un objectif de développement. Ils sont en contradiction totale avec les
grands discours internationaux.

Serge barbereau

Enfin quelqu'un qui a du sens dans ce débat, car il y a des personnes qui ne peuvent pas faire face aux dépenses en santé et pour ça il faut la SOLIDARITE, même dans les pays du "premier monde" ceci est nécessaire, alors dans les pays ou l'imposition est trop faible voire nulle.... comment voulez-vous que le système de santé soit capable de mettre en place un système de sécurité sociale basé sur la solidarité (équité) et pas sur le pouvoir d'achat individuel, ceci est le cas lorsque le recouvrement des coûts est mis en place sans aucune surveillance sur l'équité, voire que les mesures concrètes ne font que beneficier aux "better off" bref aux plus riches.
Alors moins de radicalisme sanitaire et plus du pragmatisme sociale nous fera du bien à tous et toutes
bonne journee

Dr Marlon Garcia Lopez
MSc in Disease Control
(Epidemiology & Public Health)
mvgarcia@hotmail.com

Sur la plupart des points il y a accord

1. La responsabilité des gouvernants africains est majeure (où sont les
promesse d'Abuja?)
2. Il y a des patients qui ne peuvent pas payer pour cela il faut des
mécanismes de solidarité (au Nord comme au Sud)
3. L'indépendance des PED est relative (raison de plus pour ne pas
l'aggraver)
4. Celui qui paye commande : directement ou indirectement cela se produira
(que dira-t-on lorsque les bailleurs refuseront de payer pour tel ou tel?)
5. Les dons s'arrêtent toujours un jour et, souvent sans prévenir à temps
(que fera-t-on avec des patients en rupture?)
6. Condamner les pharmacies privées et les dispensaires auto financés à la
faillite n'est pas du développement (durable ou non durable)?

Mais je vous en prie ne jugeons pas un système à partir de ses erreurs ou
excès : que des comités des gestion se soient servis personne ne le nie mais
ce n'est pas pour cela que le principe (de l'IB) est mauvais.

JL Rey
santé publique

Si nous sommes d'accord sur plusieurs points comme vient de le souligner Jean-Loup, je crois que nous pouvons simplement et de façon pratique dire que le problème ne se situe pas au niveau de la gratuite mais plutôt au niveau de l'institution qui paie les médicaments donnés gratuitement aux malades.
Si cette institution est un partenaire qui finance à travers un projet, il va de soi que la pérennité va en souffrir et qu'à la fin du projet il n'y aura plus de médicaments. L'on aura l'impression d'avoir tourné en rond.
Par contre si cette institution est un gouvernement responsable qui met en place un mécanisme de solidarité durable et finance par lui-même, nous ne pourrons qu'accueillir une telle initiative qui vise a améliorer l'accessibilité aux soins. Dans ce cas, les médicaments peuvent être subventionnés d'une manière ou d'une autre et les populations les plus pauvres pourront y avoir accès.

Merci,

Gabriel Bukasa Kaleka
B.Pharm.,MPH

+243(0)999005024
+243(0)999301015

Gabriel BUKASA doit aller plus loin dans sa proposition par rapport au
"gouvernement responsable". Je pense bien qu'il parle des gouvernements des
pays concernés et non de gouvernements étrangers. Dans ce cas, c'est comme
je l'ai dit déjà, c'est l'absence d'un bon réceptacle politique des
différentes subventions qui justifie ces programmes ponctuels. En effet,
si un pays comme le Burkina Faso met en place une politique cohérente de
subvention à long terme des soins de santé primaires pour les plus démunies
s'appuyant sur le budget de l'État, la contribution des citoyens les plus
nantis, le privé et l'aide publique au développement, je vois mal un
partenaire venir dans ce pays mettre en place un programme isolé de
subvention.
L'I.B a prévu que des mesures spécifiques seront prises dans la mise en
œuvre pour subventionner les SSP, mais qu'est-ce qui est fait jusqu'à
présent? Rien que des projets pilotes ça et là.
Au lieu de jeter la pierre ou de prêter forcement de mauvaises intentions à
des acteurs dont les interventions, même ponctuelles, permettent de sauver
des vies, tentons de répondre à la question: Quelle politique de subvention
durable des soins de santé peut-on mettre en place dans un pays en voie de
développement pour favoriser l'accès aux services de santé?

Cordialement!

Simon KABORE
Coordonnateur du Réseau Accès aux Médicaments Essentiels (RAME)
04 BP: 8038 Ouagadougou 04 Burkina Faso
Tel: bur (226) 50 34 55 32
Cel: (226) 70 24 44 55
E-mail alternatif: simonkabore@rame-bf.org

Pour ma part, voila comment je situe ma réflexion. Les bailleurs
internationaux ont fait un choix de donner des médicaments pour traiter
certaines maladies dites prioritaires. Il me semble que ce choix aurait du
se porter sur l'accès des soins pour les plus pauvres. Le paradoxe
aujourd'hui est d'entendre dire que l'Initiative de Bamako a échoué car n'a
pu atteindre les indigents alors que le problème est resté entier.
On vaccine gratuitement les enfants, on les traite pour le paludisme mais
ils meurent de diarrhée, de pneumonie.... est ce bien sérieux?
A travers ce débat, il nous faut trouver et proposer des solutions. Moi, il
me semble que l'argent de la "solidarité " internationale doit aller vers
les plus pauvres en payant à leur place les structures de soins
dispensatrices. Ce n'est probablement pas simple mais cela peut se faire.

Serge Barbereau

Encore quelques réflexions concernant le dernier mail sur le sujet du
paiement par le patient pour des soins essentiels.

* La plupart des projets est financé par des gouvernements ou groupes de
gens responsables. Ce n'est pas que les gouvernements du pays en question
qui peuvent être responsables.

Dans mon expérience ces projets durent parfois des décades, permettant à
fournir des soins à des gens dans le besoin. C'est une des expressions de
solidarité internationale qui a sauvé beaucoup de vies et qui continue à
faire cela. La réalité est que plusieurs bailleurs de fonds - et en
particulier les nouvelles initiatives comme le Fonds mondial- offrent une
possibilité de financement sur 5 à 10 ans, ce qui n'est pas négligeable en
vue des besoins et en vue de l'incertitude de la contribution de certains
gouvernements (cfr. promesse d'Abuja etc). En fait la perspective d'avoir
des fonds internationaux en quantité suffisantes et sur une période assez
intéressante n'a jamais été si prometteuse que ces jours-ci.
Certainement le fait est que certains voudraient faire marche arrière et
ré-installer l'adagio que des pays à bas revenus ne peuvent pas se
permettre des soins de santé essentiels. Où est-ce que l'aide au
développement classique nous a mené ces dernières décades?
Certainement c'est aussi aux techniciens de la santé et la société civile
de garder la pression pour les choses s'améliorent et qu'on garde les
promesses. Donc plutôt que penser et repenser aux raisons pour ne pas
arrêter une pratique de paiement qui maintenant a été déclarée nocive (même
par l'OMS et la Banque mondiale!), mettons nos énergies à l'implémentation
de services de soins accessibles et abordables.

* Il est utile de se rappeler que les gouvernements dépensent l'argent de
leur citoyens et/ou contribuables.
C'est pour cela que des bailleurs de fonds et agences internationaux
doivent être 'accountable' sur leur choix envers leur contributeurs (et
leur bénéficiaires). Donc le choix d'utiliser des fonds pour la santé sans
s'assurer que ses soins de santé sont accessible à tous et surtout à ceux
qui en ont le plus besoin, est un point d'attention et de critique
particulière. Des parlementaires au Royaume-Uni et aux Etats-Unis ont
demandé des assurances à leurs gouvernements sur ce point, beaucoup
d'individus et la société civile en Europe insistent sur ce point de
gratuité des soins essentiels. Nos donateurs nous demandent des comptes,
comme ONG et n'accepteront pas qu'on exclut des malades ou qu'on risque
d'appauvrir des patients.

Donc tout comme les citoyens ou individus qui contribuent directement ou
indirectement à un financement de projet dans un autre pays, voudraient que
leur argent est utilisé de manière efficace et équitable, apportant un
bénéfice à ceux qui en ont le plus besoin, les citoyens de pays africains
pourraient également demander cette même bonne utilisation (prioritaire)
pour la santé de sa population. Heureusement qu'il y a des organisations
comme RAME et d'autres qui parlent des droits des patients et de
l'importance d'utiliser des fonds (de n'importe quelle origine) de manière
efficace et équitable. Mais on a besoin d'autres, pour faire entendre cette
voix, trop négligée.

* Dans la discussion, un premier point important est de ne pas faire payer
des patients ce qui déjà a été payé par d'autres sources. Pour des intrants
déjà subventionnés et d'autres fonds dédiés à fournir des soins
essentiels (comme par le fonds mondial et d'autres), il n'est pas éthique
et pas responsable de les faire payer une deuxième fois par le patient.
Surtout quand on sait que les barrières financières par ces paiements
mettent en péril l'efficacité de l'intervention.

* Un deuxième pas est de s'assurer que les intrants gratuits ne sont pas
enfermés dans des structures de santé inaccessibles et/ou à risque de
s'appauvrir d'avantage. Sinon, les médicaments vont se périmer sur les
étagères car financièrement pas accessibles, même si déjà subventionnés.
Les structures de santé vont rester vide de patients, car très peu entre
eux peuvent se payer les contributions demandés.
Pour cela bien sûr les frais de fonctionnement de ces structures
(personnel, maintenance, matériel renouvelable) doivent être financés par
quelqu'un d'autre que le patient. C'est ça exactement l'opportunité offerte
par le fonds globale par exemple. Ils sont prêts à financer ces frais, car
il se réalisent que sinon on arrivera pas à atteindre les objectifs d'accès
universel. Mais actuellement trop peu de demandes de pays incluent ceci.

Il faut saisir cette opportunité et démontrer que les services de santé
existants ont une contribution importante à atteindre les objectifs de
santé. Sinon le risque est réel que les financements internationaux vont
laisser de coté les systèmes publics existants; de fait dans la situation
actuelle dans beaucoup de pays ces systèmes de santé sont un canal très peu
efficace à canaliser des fonds vers les populations et une amélioration de
leur santé.
Certainement, on peut choisir de continuer à fonctionner avec les moyens
locaux, mais si la contribution du patient est maintenue dans des zones de
pauvreté très prévalente, ceci implique une contribution très restreinte à
la santé publique de la population et donc limite fortement sa pertinence.

* Une intervention pérenne mais à efficacité limitée semble peu utile en
termes d'impact sur la santé de la population. Et c'est ça dont on parle
actuellement si on parle des grands objectifs du millénaire.
Tout d'abord on parle d'efficacité, après seulement comment continuer
l'intervention et assurer les moyens pour sa continuité. Il serait utile
d'utiliser peut-être plutôt le terme de continuité ou pérennité des
financements (nationaux et internationaux).

Dans le fonds du débat, je reste avec l'impression qu'on donne priorité à
préserver des institutions peut-être pérennes (et profitables pour
certains) mais peu efficaces pour la population, plutôt que d'apporter des
changements pour améliorer des systèmes qui actuellement ne répondent pas
aux besoins de leur population. Si c'est le cas, toute l'évidence et toute
documentation sur l'impact nocif des paiements par le patients et sur la
faisabilité de passer à des soins subventionnées également gratuits pour
les patients, restera négligée.

Soyons réaliste, demandons le changement.

Dr. Mit Philips,
MD, MSP
Médecins Sans Frontières
Bruxelles; Belgique

[Gabriel Busaka a envoyé deux messages séparés à 10 heures d'intervalle, je les ai regroupés. J Sclafer modérateur]

[1er message]
Je suis, pour ce qui me concerne, d'accord avec Serge pour ce qui est du paiement des coûts des soins mais au delà, il faut considérer que le paludisme est la première cause de morbidité et de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans en Afrique Sub Saharienne. Pour ce faire, apporter des fonds pour le traitement gratuit des enfants de cette tranche d'âge revient à éviter des milliers des décès du au paludisme, et donc, a contribuer a la réduction de la mortalité des enfants de moins de 5 ans qui, comme tout le monde le sait, est très élevée en Afrique.

Résoudre un problème majeur de santé publique de façon spécifique n'est pas une mauvaise chose et plus l'intervention dure dans le temps (avec des résultats concrets), moins on parle de problèmes de santé publique.

D'autres part, il va de soi que les efforts de tous doit se concentrer sur la manière de mettre en place des mécanismes pérennes de paiements des soins pour les plus pauvres tout en garantissant les soins de qualité. Certains pays le font déjà d'une manière ou d'une autre, je n'en sais rien pour le cas du Congo et pour la RDC, aucun mécanisme pérenne n'est en place.

Merci

Gabriel Bukasa Kaleka
B.Pharm.,MPH

+243(0)999005024
+243(0)999301015

---
[2e message]
Je crois que finalement Simon Kabore vient de poser une question essentielle liée à la politique de subvention à mettre en place pour favoriser l'accès aux soins de santé (et donc aux medicaments de qualité) pour les pays en voie de developpement.
A mon humble avis, notre reflexion devrait plus porter sur cette question au lieu d'incriminer la solidarité internationale. Le Directeur du Fonds Mondial a reconnu à Mexico que lutter contre la maladie sans le renforcement du système de santé (où nous retrouvons la mise en place d'une politique de paiement des soins) est un non sens.
Essayons de reflechir dans ce sens
      
Gabriel Bukasa Kaleka
B.Pharm.,MPH

+243(0)999005024
+243(0)999301015

Entièrement d'accord cependant LA SOLUTION miracle reste à trouver et malheureusement des projets pilotes doivent être mis en place pour confirmer ou infirmer une théorie de santé publique mais aussi pour le financement de la santé, ce financement doit assurer l'accès aux soins mais aussi la pérennité (un financement équitable et durable) dont gratuite totale, partiale, ciblée ou subventions, financements mixtes, les paiements à l'acte, forfaitaires ou les plafonds avec marge des bénéfices pour assurer les frais de fonctionnement etc...

l'IB avançait cette dernière théorie en disant "les bénéfices serviront à payer les frais de fonctionnement mais aussi quelques exemptions (5 a 10%?)" pour les indigents mais il faut un comité de gestion locale pour assurer les résultats

Alors que la théorie était bonne, la pratique a montré apparemment autre chose, en conclusion ni les frais de fonctionnement ni les exemptions ont été assurés par le recouvrement des coûts (surtout ceux apliqués à chaque acte) quelles sont les raisons de cet échec?

Il existent probablement plusieurs et elles sont surtout liees a chaque contexte locale, nationale et régionale. A chacun(e) de revoir les résultats et rapports de cette expérience dans leur pays respectif mais il ne faut pas oublier que l'IB (une sorte de recherche opérationnelle a échelle planétaire) avait aussi été lancée pour faire face au manque des financements publiques pour les services de santé qui provoquait l'effondrement du système de santé dans plusieurs PVD.
Le vide, voire "l'hémorragie", était telle que la perfusion constante des financements externes n'a pas été en mesure de sauver certains patients (systèmes de santé) d'autres ont survécu avec qqs séquelles et continuent a se battre pour offrir des soins des plus acceptables et équitables, la tâche n'est pas facile mais elle est louable, bravo à ces travailleurs et gouvernements qui essayent

La question posée par Simon est peut être la CLE, mais il faut démarrer d'autres recherches opérationnelles , je suis desole mais pour l'instant la seule opportunité que nous avons pour essayer de trouver la solution est de RECHERCHER, pour faire ceci il faut aussi des financement alors mettons les mains dans la pâte et proposons.

Il y a actuellement une "vague" ou "mode" si vous voulez, ce que on appelle l'AIDE BUDGETAIRE , ceci permet de financer les frais des opérations ou salaires ou primes du staff, ou autres vides spécifiques, certes elle reste un financement ponctuel et externe mais permet de connaitre la réalité dans chaque contexte et essayer de trouver des solutions adaptées a ce contexte.

Ce n'est la panacée mais c'est un outil que nous pouvons utiliser, regardez dans le site de la banque mondiale mais aussi comme pour les fonds d'équité, les financements ou prêts sont à remplacer par des mesures plus durables qui doivent être financées par le pays..

Dr Marlon Garcia Lopez
MSc in Disease Control (Epidemiology & Public Health)
mvgarcia@hotmail.com

Concernant le ciblage des soins essentiels généraux aux pauvres, voici
quelques éléments technique essentiels de l'évidence actuelle :

* Ce principe de ciblage - souvent mis en oeuvre par des exemptions- est
basé essentiellement sur une structure de population commune en Europe ou
d'autres pays à haut revenu. On assume que l'état socio-économique est
distribué de manière homogène (Gauss curve), avec la plupart des gens dans
une classe moyenne, et une tranche de population -relativement limitée- qui
est dans la classe 'revenu élevé' ou 'pauvre'. La situation actuelle est
que la population dans beaucoup de pays à bas revenu est asymétrique,
avec une très grande partie qui se trouve dans cette classe de 'pauvres'.
Donc par exemple 40% ou même 60% de la population peut se trouver en dessus
du seuil de pauvreté.

Il est clair que ça pose certains problèmes:
- le subside des riches aux pauvres devient peu réaliste (cross subsidy)
- difficile et coûteux d'identifier ces gens
- la définition de pauvreté 'relative' (déterminée comme revenu comparé au
revenu moyen de la population) est moins adaptée; une telle définition qui
dit que 5 ou 10% est pauvre est par exemple exempté de paiement, ne
correspond pas à la réalité des personnes vraiment avec difficultés de
contribuer.
- l'exemption sur base de pauvreté proportionnelle ne correspond pas au
obstacles financiers réels liés à la tarification en place. Si par ex. 10%
de la population est considérée trop pauvre pour payer, il se peut que ce
groupe de gens vit sur 0.20 us$ par jour en moyenne. Par contre si le cout
des soins ambulatoires moyen à payer par le patient s'élève par exemple à 1
us$, il est clair que cette somme est une difficulté importante pour bien
plus que les 10% identifiés comme pauvres.

* L'exemption est seulement utile pour les gens qui viennent au centre de
santé ou l'hôpital. Elle ne protège pas les personnes qui anticipent la
cherté du traitement (ou du voyage) ou qui sont très incertains du prix
total à payer. Donc tous ces gens exclus - en quelque sorte invisible dans
la perspective de la structure de santé mais bien réels, avec des problèmes
de santé réels - restent non-protégés. Une communication pro-active vers la
population sur la gratuité pour des groupes larges (voir point 3) selon des
critères clairs et compréhensibles permet d'atteindre ces gens.

* L'autre problème de cibler les pauvres est que en réalité cela fonctionne
très mal. L'OMS a fait l'overview des systèmes d'exemptions et conclut que
des exemptions sur base de détermination individuelle de pauvreté sont très
peu performants. Moins de 5% des patients est exemptés. Chez MSF nous
avons également fait des études sur les exemptions au Burundi, Haïti, DRC,
Liberia, Sierra Leone, Tchad, Mali et d'autres : la proportion des patients
exemptés reste en dessous des 2%, et ce n'est pas les personnes qui en ont
le plus besoin qui en bénéficient.
Pour cela, l'OMS propose d'utiliser des critères d'exemption larges et sans
discussion: enfants en dessous de 10/15 ans, les femmes, femmes en âge
de procréer, femmes enceintes, patients souffrant d'une pathologie
spécifique (malaria/HIV/TB/ santé reproductive/ maladie chronique), les
déplacés.....
D'autres pays ont choisi de décréter une exemption sur base d'une région
entière, par exemple une province très pauvre, une zone de conflits, une
zone affectés par une épidémie, la population rurale, etc. ceci peut être
aussi intéressant.
Donc ce qui marche le mieux dans les exemptions c'est d'exempter un groupe
large et de les exempter de paiement pour tous les services de santé (et de
préférence pas seulement pour les médicaments).

* une exemption complète pour une population entière, comme en Ouganda après
l'abolition de tout co-paiement par les patients, s'est montrée très
efficace pour atteindre les plus pauvres. L'utilisation des soins par ce
groupe des pauvres a augmenté significativement et proportionnellement plus
que par les autres patients. Donc un ciblage inclusif très efficace...
Lire l'article:
Nabyonga et al. (2005): Abolition of cost-sharing is pro-poor: evidence of
Uganda. Health Policy and Planning ; 20(2): 100-105.

Conclusion de l'OMS: plutôt utiliser des exemptions larges sur des critères
clairs et pour tous les éléments de soins (toute la facture). Ceci peut
inclure une exemption générale.
Les expériences dans plusieurs pays avec la gratuité totale (Ouganda,
Afrique du sud, Zambie, Malawi, Liberia, Népal et en voie de changement en
2008: Mozambique et Angola) ou ciblée pour les enfants en dessous de 5, 10
ou 15 ans, les soins autour de l'accouchement ou la santé reproductive
(Niger, Burundi, Sierra Leone, Congo Brazza.... ) montrent que c'est
faisable.

Dr. Mit Philips
MSF
Brussels; Belgium