[et 2 articles pour compléter notre analyse, l'un portant sur l'expansion du commerce de médicaments traditionnels chinois dans le monde en 2010 et un autre signalant au Canada la toxicité de certains de ces produits.CB]
Les exportations de médicaments traditionnels chinois ont atteint 1,46
milliard de dollars
http://www.chine-informations.com/actualite/les-exportations-de-medicaments-traditionnels-chinois-ont-atteint_22546.htmlLE 08.08.2010 À 10:42 | © 2010
CHINE NOUVELLE
Les exportations de médicaments traditionnels chinois ont atteint 1,46milliard de dollars, a déclaré samedi Wang Guoqiang, directeur de l'Administration d'Etat de la médecine traditionnelle chinoise. De plus en plus de pays et régions dans le monde reconnaissent les avantages et les spécificités de la médecine traditionnelle chinoise dans le traitement des maladies, tout en cherchant une coopération avec la Chine dans ce domaine, a indiqué Wang Guoqiang qui est également vice-ministre de la Santé. En général, les médicaments traditionnels chinois (MTC) sont un mélange d'un certain nombre d'ingrédients ou plantes médicinales, ce qui les rend difficiles à analyser avec les critères quantitatifs des médicaments occidentaux. Au cours du processus d'approbation préalable à la mise sur les marchés américain et européen, l'un des !
principaux obstacles que rencontrent les entreprises pharmaceutiques est d'expliquer comment la pharmacopée traditionnelle chinoise prend effet dans une langue scientifique et compréhensible pour les Occidentaux. La Chine a signé plus de 90 accords de coopération en matière de MTC avec plus de 70 pays et régions.
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Bulletin d'information toxicologique
Institut national de sante public Quebec
http://www.inspq.qc.ca/ctq/bulletin/articles/medchinois.asp?E=p
Vol. 12, no 3; juillet 1996
ÉDITORIALLES MÉDICAMENTS TRADITIONNELS CHINOIS
La popularité des thérapeutiques alternatives a connu un essor phénoménal depuis les années 70. En effet, en dépit de l'évolution importante de la médecine occidentale dite conventionnelle, plusieurs raisons ont amené les gens à chercher un remède à leurs maux dans des thérapeutiques de toutes sortes, qu'il s'agisse de l'homéopathie, de la phytothérapie, de l'acupuncture, de l'auriculothérapie pour n'en nommer que quelques-unes.
Cesmédecines naturelles sont venues combler un vide laissé par la médecine moderne qui, malgré son évolution, n'a pas su répondre aux attentes de gens atteints de maladies chroniques plus au moins graves mais incapacitantes. Il ne s'agit pas ici de faire le procès de la médecine et de la pharmacothérapie moderne, pas plus que celui des thérapies alternatives.
À ce jour, aucune forme de traitement n'a réussi à soulager tous les maux et l'être humain, confronté à la douleur et à la mort, ne négligera aucune alternative dans sa recherche de la guérison.
L'utilisation des médicaments traditionnels chinois connaît depuis quelques années une popularité importante. En effet, ces médicaments utilisés de tous les temps, par les populations d'origine chinoise établies à travers le monde, sont de plus en plus employés par la population en général, soit comme suppléments alimentaires ou pour traiter certaines pathologies.
Les médicaments traditionnels chinois sont quelquefois vendus en pharmacie mais la plupart des gens se les procurent dans des épiceries chinoises ou par la poste. Ils constituent une forme d'automédication d'autant plus dangereuse que, contrairement aux médicaments conventionnels, la plupart des consommateurs considèrent les médicaments chinois comme sécuritaires et dépourvus d'effets indésirables pour la santé parce qu'ils sont "naturels".
Cependant, plusieurs de ces préparations peuvent causer des effets toxiques et la plupart n'ont jamais été soumises à des contrôles de qualité ou à des tests d'innocuité. Le potentiel toxique de ces médicaments a déjà fait l'objet de plusieurs publications scientifiques tant en Chine, où ils constituent une importante source d'intoxication, qu'en Occident. Le premier problème auquel devra faire face le médecin concerne l'identification des médicaments chinois utilisés par le patient. En effet, on estime que plus de 5000 médicaments chinois sont disponibles en vente libre au Canada.
La plupart de ces produits échappent à la vigilance de la Direction générale de la protection de la santé (DGPS), n'ont subi aucun contrôle de qualité, d'efficacité ou d'innocuité et ne répondent à aucune norme d'étiquetage.
Bien qu'on parle généralement de médicaments chinois, il faut savoir que ces produits proviennent non seulement de Chine mais aussi de plusieurs autres pays d'Orient tels que Taiwan, Hong Kong, la Thaïlande,la Corée, Singapour, etc... Il en résulte que la langue originale utilisée pour identifier le produit, sa composition, la posologie et les contre-indications ou effets secondaires, s'il y a lieu, varie d'un produit à l'autre, de telle sorte qu'en cas d'urgence, même un interprète pourrait ne pas être en mesure de traduire le contenu d'une étiquette.
Aujourd'hui,on peut retrouver des informations en anglais sur l'emballage ou sur les feuillets d'informations de plusieurs médicaments chinois. Cependant, en raison de l'absence d'un alphabet chinois, la traduction, essentiellement phonétique, est très approximative. De plus, la liste des ingrédients fournie avec ces produits utilise très souvent des noms locaux qui ne peuvent être identifiés même après consultation de la documentation disponible.
L'utilisation des dénominations latines des ingrédients naturels, bien que plus utile, n'est pas toujours exacte puisque plusieurs plantes, portant le même nom, sont différentes. Enfin, une plante peut avoir des propriétés pharmacologiques et toxicologiques différentes, selon son origine, le climat, le moment de la cueillette ou le mode de préparation et de conservation.
Une autre difficulté que nous rencontrons lors de l'évaluation de la toxicité des médicaments chinois est due à l'approche différente utilisée en Orient pour traiter les maladies et qui consiste habituellement à utiliser une herbe pour soulager chaque symptôme.
Le format de prescription utilisé par les praticiens de la médecine traditionnelle chinoise n'a pas changé depuis des milliers d'années. En général, les préparations contiennent quatre herbes médicinales ou plus dont les interactions devraient augmenter l'effet recherché de l'herbe principale et diminuer ses effets secondaires.
En réalité, la plupart des produits qui sont disponibles en vente libre contiennent plus de 10 substances végétales, minérales ou animales, selon un principe très répandu en médecine traditionnelle : "Yi Jun, Er Chen, SanZuo, Si Shi" soit "un maître, deux ministres, trois aides et quatre guides". Le maître est l'ingrédient actif tandis que les neufs autres produits sont des assistants de différents niveaux d'activité.
Bien que l'efficacité de ces préparations soient basée sur la croyance que les ingrédients secondaires amélioreront l'efficacité de la plante principale, on ne considère jamais la possibilité d'incompatibilité entre les différents ingrédients. Selon le même principe, une préparation devrait contenir une herbe non toxique et qui peut être utilisée à long terme (le maître) ; une ou deux qui sont peu ou légèrement toxiques qui devraient être utilisée savec modération (les ministres) ; une à trois qui sont toxiques (les aides)et qui ne devraient être utilisées que pour une courte période. Quant aux guides (un à quatre), ils sont utilisés comme véhicules et les raisons qui justifient leur ajout aux préparations sont bien souvent au-delà de toute compréhension scientifique. Par exemple, plusieurs prescriptions incluent l'utilisation d'une à deux cuillerées à thé d'urine d'enfant dont l'ajout renforcerait l'effet de l'herbe principale.
On estime qu'il y a plus de 7000 (sept mille) espèces de plantes médicinales en Chine et plus de 11,000 (onze mille) préparations différentes y ont été répertoriées au cours des siècles. Cependant, la pharmacopée de la République populaire de Chine n'a retenu qu'une faible proportion de ces produits. On y retrouve 509 médicaments naturels chinois, 275 médicaments brevetés chinois et 967 ingrédients pharmaceutiques purs incluant des informations sur la récolte, la transformation, la description, les méthodes d'analyses pour l'identification, les indications et les actions, le mode d'emploi et la posologie, les précautions, la préparation et la conservation des produits naturels.
Elle ne contient cependant aucune donnée sur la toxicité ou l'innocuité des produits naturels.
Un autre problème auquel est confronté le médecin, lors d'une intoxication par les médicaments chinois, est la présence d'ingrédients pharmacologiques non naturels ou d'origine chimique. En effet, plusieurs médicaments brevetés chinois contiennent non seulement des produits naturels mais aussi des médicaments provenant de la médecine occidentale tels que des anti-inflammatoires non stéroïdiens, des corticostéroïdes, des benzodiazépines, des barbituriques et des analgésiques (aspirine, acétaminophène).
Bien que ces ingrédients soient quelquefois ajoutés frauduleusement, ils sont la plupart du temps identifiés sur l'étiquette puisqu'ils font partie de médicaments qui allient l'usage des médicaments traditionnels chinois et des médicaments occidentaux. Ces médicaments très répandus en Chine, où ils sont utilisés sous contrôle médical, se retrouvent ici en vente libre et sont utilisés sans aucune surveillance. Ils peuvent donc entraîner des effets secondaires chez des patients prédisposés ou être à l'origine d'interactions avec les médicaments prescrits par le médecin si celui-ci n'est pas informé de l'usage des médicaments chinois par ses patients.
Enfin, l'absence de contrôle de qualité fait qu'on ne peut exclure la possibilité de contamination de certains médicaments chinois par des métaux lourds, des pesticides ou tout autre contaminant chimique ou bactériologique ainsi qu'un risque d'erreur d'identification des plantes qui pourraient rendre très toxique un produit en apparence inoffensif.
En conclusion, il est très important que les médecins interrogent leurs patients sur l'usage possible de médicaments chinois et qu'ils les préviennent des risques que peuvent présenter ces médicaments pour leur santé.
Les médicaments traditionnels chinois sont de plus en plus répandus dans le monde entier. Au cours des dernières années, les effets toxiques de certains de ces composés ont été rapportés dans la littérature scientifique.L'incidence exacte des intoxications par les médicaments chinois est difficile à évaluer mais les cas rapportés montrent les risques de l'utilisation de ces produits.
Bien que la plupart des cas rapportés soient survenus à Hong Kong, il ne faut pas croire que ces intoxications ne peuvent survenir chez nous. En effet, au Québec, une femme âgée qui consommait plusieurs médicaments chinois, est décédée à la suite de complications cardiaques. Un des produits dont elle faisait usage quotidiennement s'est avéré contenir de l'aconitine, un alcaloïde cardiotoxique.
Chan TYK, Tomlison B, Tse LKK, Chan JCN, Chan WWM & Critchley JAJH (1994)Aconitine Poisoning Due to Chinese Herbal Medicines: A review. Vet HumToxicol 36(5):452-455.
Les auteurs rapportent 18 cas d'intoxications survenus chez des adultes de 24 à 81 ans qui avaient ingéré des médicaments chinois contenant du "Chuanwu" et du "Caowu" en association avec environ 10 autres herbes médicinales. Ces deux plantes, le "Chuanwu", racine de l'Aconitum Carmichaeli et le "Caowu", racine de l'Aconitum Kusnezofii, sont réputées posséder des effets ant iinflammatoires, analgésiques et cardiotoniques et ont été utilisées en phytothérapie chinoise pour le traitement des troubles musculo-squelettiques.
Elles contiennent des alcaloïdes di terpéniques C19 hautement toxiques dont l'aconitine, la mésaconitine et l'hypaconitine.
À noter cependant que le type d'alcaloïdes et la quantité présente dans chaque plante peuvent varier selon l'espèce, l'origine, le moment de la récolte et la méthode de préparation et sont des facteurs déterminants de la sévérité de l'intoxication.
Après ingestion, la plupart des patients se présentent avec des signes neurologiques (paresthésies de la bouche et de la langue progressant vers des paresthésies périphériques et faiblesse musculaire généralisée), des signes cardiovasculaires (hypotension, bradycardie, arythmiesventriculaires) et des signes gastro-intestinaux (nausées, vomissements). Le décès, causé par les arythmies ventriculaires, survient habituellement en moins de 24 heures. Le taux de mortalité serait d'environ 6%, selon les auteurs.
Le traitement de l'intoxication par l'aconitine est essentiellement symptomatique puisqu'il n'existe pas d'antidote spécifique. Si le délai depuis l'ingestion est court, des méthodes de décontamination gastro-intestinales incluant l'administration de charbon activé peuvent être utiles. La tension artérielle et le rythme cardiaque de tous les patients devraient être surveillés pendant au moins 24 heures. En conclusion, tous les médecins devraient connaître la toxicité potentielle des différentes espèces d'Aconitum et savoir que ces plantes peuvent se retrouver dans les médicaments chinois disponibles au Canada.
Perharic L, Shaw D, Leon C, De Smet PAGM, Murray VSG (1995) PossibleAssociation of Liver Damage with the Use of Chinese Herbal Medicine for SkinDiseases. Vet Hum Toxicol 37(6):562-566.
Les auteurs rapportent dans cet article 11 cas de dommages hépatiques consécutifs à l'utilisation prolongée de médicaments traditionnels chinois pour le traitement d'affections dermatologiques. La probabilité d'une association étiologique est élevée dans deux cas au cours desquels il y a eu récupération et retour à la normale de la fonction hépatique après l'arrêt du médicament et récurrence de l'hépatite lorsque le médicament a été ingéré à nouveau.
Dans deux autres cas, la possibilité d'une association étiologique a été suggérée par la coïncidence entre l'évolution de l'affection hépatique et la consommation de médicaments traditionnels chinois, la récupération de la fonction hépatique après l'arrêt des médicaments traditionnels chinois et l'exclusion d'autres causes possibles d'hépatotoxicité. Parmi les autres cas, deux n'ont pas été retenus en raison du manque d'informations, deux autres auraient pu être associés aux médicaments traditionnels chinois mais aussi à d'autres causes telles que des infections virales ou la prise concomitante de flucloxacilline.
Enfin, trois patients asymptomatiques avaient des tests de la fonction hépatique anormaux. Il n'est pas facile de déterminer un agent causal dans ces situations. En effet, les médicaments traditionnels chinois utilisés par les patients contenaient entre 10 à 25 ingrédients, soit un total de 43 ingrédients différents incluant 40 espèces de plantes, un champignon, des extraits animaux et un produit inorganique. Parmi les produits présents, la Glycyrrhiza (réglisse) et la Scuttellaria (skullcap) ont déjà été tenues responsables de dommages hépatiques. Le mécanisme responsable de l'hépatotoxicité n'a pas été élucidé.
Les effets ne semblent pas être proportionnels à la dose et pourraient être idiosyncrasiques.
Des études récentes ont démontré que certains médicaments traditionnels chinois se sont avérés efficaces dans le traitement d'affections dermatologiques sévères. Cependant, leur utilisation chez certains patients prédisposés peut entraîner des dommages hépatiques qui pourraient même êtrefatals.
La complexité des cas rapportés par Perharic et al. illustre bien la nécessité d'une surveillance continuelle de la consommation des médicaments traditionnels chinois, incluant une évaluation régulière de la fonction hépatique et exigeant l'arrêt de ces médicaments lorsque des anomalies sont décelées.
Lyse Lefebvre, PharmacienneCentre de Toxicologie du Québec
Cet article est tiré du Bulletin d'information toxicologique de juillet 1996. Son contenu est identique à l'original publié en 1996 et n'a aucunement été modifié depuis sa parution.