[e-med] La Chine: le magasin de "l'est sauvage"

[Merci à Charles Rambert pour la traduction de ce bien intéressant article. Les Chinois disent qu'il appartient à l'acheteur de s'assurer
de la qualité de ses achats....
CB]

E-DRUG: La Chine: le magasin de "l'est sauvage"
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[Des histoires bien embarrassantes de médicaments falsifiés mais aussi les
efforts des autorités chinoises pour nettoyer le marché. Wilbert Bannenber, co-modérateur de e-drug]

http://uk.reuters.com/article/2012/08/28/uk-china-pharmaceuticals-idUKBRE87R
0OE20120828

Rapport spécial : La Chine: le magasin de "l'est sauvage"

SHANGHAI/LONDRES | Mardi 28 août, 2012 4:23pm BST

(Reuters) - Philippe Andre, un détective dans le monde glauque des labos
chinois, nous raconte des histoires alarmantes.

L'an dernier, au mois de mai, il a visité une usine à une heure de Shanghai
qui était censée produire des principes actifs de médicaments. Alors que
l'on pouvait voir autour des hommes en vêtements de protection et en
chapeaux immaculés, André a remarqué des curiosités comme un sol immaculé et

des ouvriers assis inoccupés.

L'usine possédait un carnet d'inspection s'étendant sur 8 ans bien à jour,
mais l'écriture manuscrite était la même tout au long de ces huit années et
aucune page n'était écornée. Et de plus, cette usine qui était équipée pour
sécher sa production, on ne voyait aucun tuyau pour évacuer la vapeur ou les

gaz.

"Il est évident qu'on ne produit pas ici," a déclaré André, un Belge qui
dirige une entreprise d'audit pharmaceutique dans la ville de Tianjin, en
Chine orientale, qui conseille les entreprises étrangères sur leurs achats
de matières premières en Chine <http://uk.reuters.com/places/china&gt;\.
Le bâtiment, dit-il, était seulement une salle d'exposition dont l'objet est

de cacher une industrie qui travaille sur des produits hors normes et
contrefaits.

Il y a 4 ans, Beijing avait promis de revoir sa législation à la suite du
décès de 149 Américains au moins qui avaient reçus de l'héparine contaminée.

Mais un contrôle fait par Reuters a montré que les labos illégaux fabriquant

des principes actifs vendaient toujours leurs produits sur le marché libre
sans contrôles, ou très peu.

Des entretiens avec une douzaine de fabricants et d'agents montre que les
produits arrivent sur le marché sans supervision des autorités chinoises,
sans certification BPF et sans satisfaire à des normes internationalement
reconnues en assurance de la qualité.

"On assiste à une falsification des principes actifs, on le sait," a déclaré

Lambit Rago, coordinateur de Quality Assurance and Safety in Medicines à
l'OMS. "Les marchés réglementés comme en Europe ou aux Etats Unis sont
grosso modo à l'abri parce qu'ils jouissent d'autorités réglementaires bien
équipées. Mais la situation est différente, par exemple en Afrique, ou
nombre de médicaments emploient des principes actifs venant de Chine".

L'exportation de principes actifs sans contrôles présente un risque vital,
en particulier dans des pays pauvres où le contrôle pharmaceutique est
minimum. Des produits contenant des principes actifs de mauvaise qualité ou
la mauvaise dose ne fonctionnent pas correctement et peuvent être à
l'origine de la résistance dans le cas de maladies dangereuses comme la
malaria.

LA DOMINATION DES FABRICANTS

"On regarde ceci comme un crime mondial contre la santé," a déclaré Edward
Sagebiel, le porte-parole de Eli Lilly, un labo multinational qui dit
s'imposer des normes élevées pour ses productions, mais qui a vu des
productions non autorisées de ses principes actifs en Chine. "Ces produits
chimiques sans supervision conduisent à des médicaments dangereux".

La domination de la Chine comme fournisseur mondial de matières premières
pharmaceutiques rendent ce problème pressant difficile à régler.

"Les principes actifs en vrac sont un gros problème, mais personne n'en
parle," a déclaré Guy Villax, PDG de Hovione, un fournisseur de principes
actifs basé au Portugal, avec des usines en Chine, aux Etats Unis et en
Irlande.

Près de 70 à 80 pour cent de tous les principes actifs, les composants
actifs de tout médicament, viennent de Chine et d'Inde, selon des experts de

l'industrie, la Chine se taillant la part du lion. Ses exportations comptent
pour 22 milliards de dollars US chaque année, selon la chambre de commerce
chinoise d'importation et d'exportation de médicaments et de produits de
santé.

Selon Villax "Si pour une raison quelconque, la Chine venait à arrêter ses
exportations de principes actifs, en l'espace de trois mois nos pharmacies
seraient vides de produits".

Les risques vont plus loin que les produits approuvés. Des entreprises
chinoises proposent sans autorisations des substances qui ont été retirées
de leurs marchés d'origine en occident pour des raisons de sécurité, comme
le rimonabant, qui fut sur le marché français par Sanofi pour diminuer le
poids, sous le nom d'Acomplia.

Rimonabant a été retiré du marché en Europe en 2008 parce que des patients
avaient des intentions suicidaires, il n'avait jamais été autorisé aux USA.
Cependant, en août, des Chinois l'ont proposé par Internet. D'autres
fabricants chinois proposent des substances brevetées en occident, sans
autorisations.

Pendant ce temps, les autorités chinoises disent que les entreprises
étrangères doivent prendre leurs responsabilités en matière de normes et ne
doivent se fournir qu'auprès d'entreprise qualifiées.

Un porte parole des autorités chinoises a déclaré: "On espère que les
gardiens dans les pays importateurs tiennent le même langage"

DES CONTROLES DEFECTUEUX

Après le scandale de l'héparine, Beijing a émis un rapport dans lequel il
est dit que les labos, pas seulement ceux fabriquant des principes actifs
pour un produit donné, doivent être certifié par les autorités chinoises.
Ces mêmes autorités ont introduit des normes plus serrées.

Cependnat, il existe de nombreux trous dans le système et des experts légaux

déclarent que le cadre renforcé n'est pas appliqué.

Cette année, on a trouvé aux USA une copie de l'anticancéreux Avastin de
Roche, qui a transité par l'Europe. A ce moment-là, Roche a déclaré
connaître de nombreux cas où des contrefacteurs ont essayé de faire des
produits de Roche sans autorisation et que Roche était en train de
travailler avec les agences du médicament pour arrêter ce commerce.

On ne connaît pas l'origine réelle de la copie d'Avastin, mais l'an dernier
en juin, le tribunal de Shanghai a condamné à la prison 11 personnes
impliqués dans une autre affaires de copie d'Avastin.

L'une des grandes faiblesses de la réglementation chinoise est la
distinction entre entreprise pharmaceutique et entreprise chimique. Alors
que les entreprises pharmaceutiques sont sous la tutelle des autorités de
santé, les autres ne le sont pas, alors que leur production va des
édulcorants aux solvants. Il y a aussi de nombreuses entreprises chimiques
qui manipulent des ingrédients pharmaceutiques, contournant le problème en
expliquant qu'il s'agit d'un produit chimique, ce qu'il est, plutôt que son
appellation de principe actif.

VIAGRA POUR LES FEMMES

La société New-Sensation Chemical, établie à Zhengzhou, la capitale de la
province chinoise de Henan est l'une des entreprises impliquées dans le
marché parallèle. Elle est spécialisée dans la production de peptides, une
classe de composés relativement compliquée utilisés dans nombre de produits.

Grace Xi, un représentant commercial de cette entreprise, déclare qu'elle
fabrique et contrôle elle-même sa production et qu'elle l'exporte. On ne la
soupçonne pas de travailler hors normes, mais elle n'est pas approuvée BPF
ni enregistrée légalement par les autorités chinoises.

Une liste des produits de New-Sensation revue par Reuters montre des
principes actifs pour des produits pour traiter le cancer de la prostate,
les maladies des os et l'hypotension, ainsi que des hormones de croissance
à l'intention des culturistes qui veulent développer leurs muscles.

On trouve sur cette liste la bremelanotide, la version féminine du Viagra,
qui est encore en étude aux USA par Palatin Technologies Inc.
Alors que ce produit n'est pas encore approuvé sur les marchés occidentaux,
le principe actif est proposé par New-Sensation Chemical à 13$ le flacon.

Si on en parle à Xi, il répond que bien que présent dans la liste, elle
n'est pas encore en vente. Elle ajoute que l'entreprise ne vend que des
produits chimiques, pas des principes actifs.

Une autre entreprise chimique, Jinan Hongfangde Pharmatech (JHP), de la
ville de Jinan dans la province de Shandong avait une liste de produits
comportant au moins cinq produits brevetés, en vente. On trouvait tiotropium

bromide, un blockbuster pour les poumons co-promu par Boehringer-Ingelheim
et Pfizer Inc et vendu sous le nom de Spiriva, ainsi que la cimiothérapie
pemetrexed de Lilly, vendue sous le nom de Alimta.

A Boehringer-Ingelheim un porte-paroles a déclaré que le groupe allemand
était informé du problème, et a ajouté n'acheter que des principes actifs
d'entreprises reconnues et qu'il était rigureux sur le contrôle de la
qualité.

Pfizer ainsi que d'autres labos, de ceux qui ont depuis longtemps collaboré
avec des entreprises chinoises respectées, ont déclaré avoir confiance dans
leurs fournitures et n'acheter qu'à des labos certifiés BPF.

Allen Li, un délégué commercial de JHP, a déclaré que son entreprise, même
si elle n'est pas rconnue BPG et qu'elle n'est pas certifiée par les
autorités, ne faisait rien de mal: "On ne triche pa avec les brevets, on
respecte la recherche effectué par le fabricant d'origine" a-t-elle dit.

Alors qu'on la poussait sur la question des principes actifs encore sous
brevet, Li a déclaré que ces substances ne sont pas à la vente, même si on
les trouve sur la liste des produits de la maison. Il a alors refusé de
répondre à toute autre question. "Je suis fatigué des critiques. Internet,
la presse, les journaux sont juste bons pour critiquer" a-t-il dit.

Aucun dirigeant de JHP ou de New-Sensation Chemical n'a voulu répondre à nos

questions.

CASSE-TETE

L'arrivée d'Internet a facilité les exportations de substances
pharmaceutiques. Une recherche en ligne fait apparaître des centaines de
principes actifs produits en Chine. Ceux qui viennent d'entreprises non
certifiées BPF ou par les autorités ne sont pas nécessairement de mauvaise
qualité, mais les acheteurs n'ont pas la ressource d'une qualité évaluée par

une source indépendante.

La présence envahissante d'agents commerciaux est aussi un autre risque. Les
labos qui cherchent à se fournir en principes actifs chinois passent
traditionnellement par ces agents, pour naviguer entre le langage, les
interdits et les protocoles. In fine, ce système permet aux entreprises hors

normes d'être découvertes.

Robert Walsh, directeur général de Samsara Biopharma Consulting, des
consultants en biomanagement qui a des bureaux aux USA et en Chine, pense
que les grands labos choisissent leur fournisseurs en fonction de la qualité

de leurs produits et de leurs compétences, mais il ajoute que tout le monde
n'est pas aussi sérieux, notamment les fabricants de génériques pas chers.

"Beaucoup de labos étrangers ne cherchent leurs fournisseurs en principes
actifs qu'à CPhI (une foire pharmaceutique internationale) sur la base du
prix" a ajouté Walsh.

Reuters a parlé avec des agents qui ont confirmé qu'un principe actif fait
par une entreprise non certifiée coûte moins cher que celui d'une entreprise

certifiée.

"Des principes actifs de qualité différente ont des prix différents. Il
arrive qu'on reçoive une commande et qu'on trouve un fabricant moins cher,
on se fournira chez lui, augmentant notre marge" a déclaré l'un des agents
basé en Chine et qui fait des affaires avec l'Afrqiue du Sud.

En Chine il existe peu de répercussions légales pour les agents commerciaux
qui ré-étiquettent ou dénature la présentation d'un produit, il est
extrêmement difficile de suivre une contrefaçon ou un sous standard.

"Beaucoup d'agents renomment les principes actifs, rendant impossible
d'identifier l'origine réelle, ce qui acroît les risques" a déclaé Rago, de
l'OMS.

Andre, le détective pharmaceutique belge, dit avoir détecté une fraude sur
la présentation dans plus de 25% des cas quand il a été appelé à auditer des

usines dans toute la chine. "Si vous pouvez substituer un principe actif
cher par un moins cher, tout en travaillant à haut niveau, cela peut
arriver. Il est impossible de donner un nombre exact, mais ce n'est pas une
petite minorité", a-t-il ajouté.

Le coût humain peut être élevé. Des antimalariques de mauvaises qualité ou
contrefaits représentent plus du tiers des échantillons trouvés en Afrique
sub-saharienne, d'après une étude du journal Lancet Infectious Diseases paru

en mai. Une autre étude parue dans Research and Reports in Tropical Medicine

montre que la qualité des produits fabriqués en Chine pour lutter contre la
malaria et d'autres maladies tropicales courantes sont de mauvaise qualité.

Roger Bate, boursier de American Enterprise Institute, qui a condiuit la
deuxième étude déclare: "Je crois que les exportateurs chinois vers
l'Afrique sont bien au fait du problème, mais il savent que le risque d'être

pris est faible".

Il arrive que les réactions à des produits sous nromés soient fatales. En
2006, près de 100 personnes sont mortes au Panama après avoir pris des
sirops pour la toux contenat un édulcorant venu de Chine souillé par du
diethylene glycol, un antigel industriel. Dans d'autres cas, le pronostic
léthal n'est pas immédiat, mais les conséquences à long termes sont là. Au
début d ecette année, les autorités chinoises ont annoncé avoir trouvé des
millions de médicaments en capsules contenat des gels industriels au chrome,

un métal hautement carcinogène.

PLUS DE CONTROLES

En août, les autorités chinoises ont arrêté près de 2.000 personnes lors
d'un raid national de lutte contre les contrefaçons, saisissant pour 180
millions de dollars USA de faux produits devant traiter des maladies allant
du diabète à l'hypertension et à la rage.

Les fonctionnaires emploient plus de technologies. D'ici 2015, la Chine
espère pouvoir disposer de moyens électroniques lui permettant de suivre
différents types de produits, de leur production à leur commercialisation,
mais cette mesure ne s'appliquera qu'aux produits sur le marché chinois, pas

à l'export.

Malgré ces avancées, des experts légaux et internationaux pensent que la
Chine peut faire plus. A Eli Lilly on pense qu'il est malheureux que le raid

n'ait pas ciblé les ingrédients pharmaceutiques.

A la U.S. FDA, le Commissaire Margaret Hamburg a déclaré que son agence a
maintenant trois bureaux en Chine, et qu'elle a identifié beaucoup d'autres
produits, en plus de l'héparine, où l'on trouve des "vulnérabilités"
particulières.

Elle a refusé de donner des détails, mais des agents commerciaux disent que
tout principe actif présentant un potentiel économique lucratif peut être à
risque si on peut le faire moins cher dans des entreprises mal contrôlées.
Hamburg ajoute: "on pense qu'il y a beaucoup de travail à faire dans ce
domaine et nous sommes très intéressés à travailler en étroite collaboration

avec la Chine".

Les Etats Unis et l'Europe sont décidés à durcir la réglementation sur les
principes actifs. Washington vient d'approuver la loi sur le Generic Drug
User Fee qui oblige à inspecter les usines de génériques localement et à
l'étranger une fois tous les deux ans.

A partir de l'an prochain, l'Union Européenne va mettre en place la
Directive sur les Falsification de Médicaments, obligeant les entreprises
pharmaceutiques à prouver la qualité des ingrédients utilisés, qu'ils soient

produits en Europe ou ailleurs.

Ces nouvelles mesures vont renforcer la protection des marchés occidentaux,
où le risque de voir des produits dangereux ou contrefaits arriver sur le
marché est déjà faible. Mais les pays en développement où les autorités sont
faibles, restent vulnérables.

-----Message d'origine-----