[e-med] (7)Maintient de la contribution de la France Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

Bonjour Garance,

Je suis d'accord avec vous sur l'essentiel des points.

Je n'ai pas à nouveau réagi aux derniers messages sur e-med qui
"exigeaient"
que le fonds mondial soit pourvu en financement comme demandé, parce
que je constate que c'est un dialogue de sourd.

Bien entendu que l'OMS a été appauvri, ce qui a laissé le champs libre
aux PPP, etc...

Si on reprend la phrase que vous avez citée "Aucun programme
de santé vertical ne peut réussir sans l'existence de systèmes
de santé horizontaux forts dans les pays!"; ce qui veut dire
finalement que quasiment aucun programme vertical ne devrait réussir
en Afrique Sub-saharienne. C'est plutôt bien vu.

La santé est le premier domaine d'activité économique au niveau
mondial et tout a été fait pour libéraliser le système, les USA
en ont été le fer de lance. Il faut dire les choses comme elles
sont, ce ne sont pas les systèmes de soins primaires qui rapportent
le plus d'argent aux opérateurs économiques, mais bien les
pathologies lourdes.

Penser que les systèmes libéraux sont performants en termes de santé
publique c'est aller contre les statistiques et même le bon sens.
Les USA ont été très sous-performants de 1990 à 2011 sur le plan
de la baisse de la mortalité infanto-juvénile comparativement aux
autres pays de l'OCDE. Ils sont désormais derrière Cuba (même le
nouveau maire de New-York fait le constat). Mais c'est les USA qui
impriment la stratégie...comprenne qui pourra ! Les USA sont
sous-performants car de plus en plus inégalitaires, on les voit mal
réclamer une compression des inégalités en Afrique qui font des
dégâts considérables dans la santé.

Données UNICEF, baisse de la mortalité infanto-juvénile (1990-2011), et
entre parenthèses taux de prévalence VIH (ONUSIDA 2012) :

- USA : 27% (0,4 à 0,9)
- Cuba : 54% (<0,1)
- Algérie : 54% (0,1)
- France : 55% (0,3 à 0,4)
- Suède : 57%
(0,1 à 0,2)
- Cap Vert : 64% (0,2)
- Tunisie : 68% (<0,1)

Comme on dit le cordonnier est souvent le plus mal chaussé. Aujourd'hui
les USA sont entre Cuba et le Chili pour la mortalité
infanto-juvénile, c'est ça la réalité. Les USA aussi doivent
renforcer leur système de soins primaires.

Seulement le problème c'est qu'il faille toujours agir dans l'urgence.
Occasion rêvée pour un certain nombre d'organisations internationales (avec
certains pays derrière) pour s'y engouffrer et prendre le pouvoir
car il faut agir très vite. Or, les pays les plus performants en
matière de baisse de la mortalité infanto-juvénile sur les 40
dernières années ne sont pas ceux qui ont été le plus sous
tutelle, mais qui ont bien eu des stratégies propres et de long
terme qui ont eu des impacts très significatifs et qui très
certainement ont mieux encaissé puis maîtrisé l'épidémie de
Sida.

Si nombre de maladies sont ignorées ou sous-estimées en Afrique c'est
parce que les organisations internationales n'ont pas aidé certains
pays à développer des systèmes épidémiologiques nationaux
corrects. Sans parler des stratégies de prévention qui doivent en
découler.

Mais continuons à réclamer l'urgence et le tout
tout de suite, quitte à changer de stratégies tous les deux
ans...des gens sont généreusement payés pour cela et ne s'en
plaindront pas. De nombreux acteurs sont sous l'influence financière
de bailleurs, et ne contrediront pas ceux qui les financent, quitte à
ne pas faire la promotion de stratégies moins couteuses et plus
efficaces sur le long terme (et plus souverainistes).

Rajouter les hépatites au fonds mondial satisfera sans aucun doute ceux qui
luttent contre les hépatites *, mais sans changer complètement le
système cela ne fera pas évoluer significativement les problèmes
dans le bon sens, parce qu'après il faudra ajouter le diabète, la
drépanocytose, etc...autant supprimer les Ministères de la Santé
en Afrique si tout est piloté par un fonds international
extra-territorial. Regardons déjà quels sont les pays qui sont
performants dans la santé et pourquoi ils ont obtenus de bons scores
dans la durée, ce sont essentiellement des pays à forte impulsion
publique et à forte impulsion interne. Il faut savoir en titrer les
leçons sans tabou et sans intérêts spécifiques. Il faut déjà
dénoncer la financiarisation de la santé et tous ceux qui y
poussent, et malheureusement ils sont très nombreux au détriment de
la santé des populations.

* L'OMS recommande la vaccination à la naissance contre l'hépatite B
depuis 2004 (au moins). Quasiment aucun pays sub-saharien ne vaccine
à la naissance, alors que c'est la zone de plus forte endémie
mondiale. Le vaccin monovalent coûte moins de 0,5 USD. Voilà un
petit exemple.

L'OMS a effectivement un rôle irremplaçable pour édicter des normes et
donner des conseils scientifiques, l'OMS en ce sens est sous-financé.
Mais rien ne remplacera la volonté politique pour la santé dans
chaque pays, et on ne doit pas pousser à la croissance de X
organisations internationales qui chercheront toujours à se
développer et qui n'ont aucune responsabilité devant les
populations; seuls les dirigeants politiques d'un pays en ont et ils
doivent répondre directement sur les résultats obtenus en matière
de santé.

PS : l'APD des USA est faible et sans rapport avec la moyenne de l'OCDE.
Leur surface financière est telle qu'ils peuvent communiquer sur le
fait qu'ils sont 1er donateur ici ou là (largement relayée
d'ailleurs)...Ramenons tout ceci au PIB/Hab, et on y verra plus clair
et la communication sera moins tronquée. C'est bien là le pb, c'est
qu'avec une APD faible ils ont encore les moyens financiers pour
avoir un effet de levier considérable sur les stratégies
internationales de santé ET faire valoir au mieux leurs intérêts; et vu
leurs performances internes particulièrement médiocres il serait peut
être temps de ne plus leur laisser cet effet de levier aux mauvais
élèves.

Sur la base des quelques scores que j'ai donnés plus haut, je suggère
qu'on mette par exemple à la tête d'organisations internationales
de santé des algériens, des cubains, des tunisiens, des suédois ou
des cap verdiens. C'est que j'appelle de la méritocratie, si on parle
de la santé de populations vulnérables autant aller chercher les
pour s'en occuper.

Merci et bonne journée,

Bertrand Livinec