[e-med] (8)Gratuité des soins en Côte d'Ivoire

Nous pensons que cette décision du gouvernement, bien qu'elle soit politique, est la bien bienvenue. Seulement, il aurait fallut mener une étude sérieuse permettant de mettre en place tous les moyens pour la bonne marche de cette politique. Au besoin, en attendant d'étendre cette décision à tout le public, on pouvait l'appliquer juste au niveau des urgences et des consultations. Vivement que tout se passe bien pour soulager la population qui n'attend que cela.
Tchetche Celestin

Salut
J'ai l'impression que nous avons décidé de désarticuler nos systèmes
de santé que nous n'avons pas encore fini de construire. Partout on
parle de gratuité! Mais que devient l'initiative de Bamako? Pourquoi
avons-nous choisi de retourner aussi en arrière? Quelle étude sérieuse
avons-nous fait pour savoir si le vrai problème est l'accessibilité
financière? Pendant que les partenaires financiers se battent contre
la crise économique, pourquoi allons nous permettre de créer de
nouveaux problèmes? Mon expérience de terrain me permet de constater
malheureusement qu'il n'y a que "la gratuité de la rareté". Il fallait
rendre disponibles les soins de qualité avant de les déclarer
gratuits.
Pour ma part, j' adhère plutôt aux mécanismes alternatifs de
financement de la santé. Je préfère l'insertion des indigents dans des
mécanismes de micro-assurance santé.
Il faut que les politiques soient éclairés par les techniciens.
Autrement, nous courrons tout droit dans le mur!

--
Théophile AGBOFOUN
DESS en Administration et Gestion
Gestionnaire de projets de Santé
Tél 21341674 IRSP Ouidah
GSM: +229 90951303 / 66383265

Bonjour
Pour répondre a Dr Théophile, il est question de gratuité actuellement parce que le principe de contribution financière des patients aux soins de santé (prônée par l'initiative de Bamako) a montré largement ses limites. De nombreux travaux (déjà évoqués dans ce forum) l'attestent. Leur caractère sérieux ou pas, dépend maintenant des critères que l'on utilise pour les apprécier. Ce qui est sur, ils ont été menés par des organisations crédibles telles que la Banque Mondiale, MSF et des chercheurs imminents tels que Valery Ridde.
Il n'est pas exclut que la crise économique aujourd'hui soit justement causée par le fait que la gouvernance mondiale s'est plus focalisée sur les questions financières du développement, en oubliant les questions sociales (santé et éducation). Se battre contre cette crise, sans corriger les déséquilibres sociaux ne sera que gesticulation.
Dire qu'il fallait rendre disponible les soins de qualité avant de les déclarer gratuits est comme dire qu'il faut finir de construire la maison avant de penser à comment on rentrera dedans. Je vous laisse imaginer alors la justesse de cette conception.
Les propositions que vous faites sur les mécanismes alternatifs ne sont pas opposables à la gratuité. Ils peuvent et doivent soutenir la mise en place de la gratuité. Je vous propose donc de faire la promotion de la mise en place de ces mécanismes alternatifs sans vous opposer à la gratuité, parce que ce serait comme promouvoir des moyens en rejetant les résultats auxquels ils aboutiront.
Je suis d'accord avec vous effectivement que les techniciens doivent éclairer les décideurs, afin que nous puissions briser le mur vers lequel nous courrons et qui sépare les populations des soins.
Cordialement!

Simon KABORE
Réseau Accès aux Médicaments Essentiels (RAME)

Salut

Sans vouloir faire de la polémique, j'insiste sur le fait que la gratuité
des soins n'est pas une bonne solution face à l'exclusion de certaines
populations. C'est une mesure politique qui vise à perpétuer certaines
dictatures déguisées au sommet de certains États africains. C'est une
mesure illusoire et démagogique! Il ne peut jamais y avoir la gratuité d’un
bien vital qui est rare. Vous convenez avec moi que la rareté exige des
efforts qui se soldent pas le paiement.
Au Bénin par exemple, selon les résultats des comptes nationaux de la santé
élaborés en 2006, les populations contribuent à 52% aux dépenses de la
santé, l'État et les collectivités locales à 32% et la contribution des
bailleurs est évaluée à 16%. Depuis 2006, la croissance économique reste en
dessous de 5% alors que les charges salariales du pays ne cessent
d'augmenter et dépassent même les proportions acceptables. Avec quelles
ressources peut-on payer la gratuité? Oui, la gratuité n'est que le
déplacement du problème. Si la population ne paie pas quelqu'un doit payer!
Doit-on compter sur les moins de 5% de la population travaillant dans le
secteur formel pour payer les soins à tout le monde?

Nos États n’ont pas les ressources nécessaires pour assurer cette dépense
de luxe au risque de déséquilibrer la structure des dépenses publiques et
par conséquent compromettre le développement.

Par ailleurs, les ressources de la santé les mieux gérées sont celles qui
émanent de la participation communautaire. L'expérience a montré que l'État
et les partenaires financiers achètent surtout de la "péremption", des
séminaires destinés aux tourismes et les études dont les résultats ne
changent presque rien du quotidien des populations.
En réalité, le problème de l'exclusion est beaucoup plus lié à la mauvaise
allocation et la mal gouvernance des ressources du secteur. Et la gratuité
ne profite qu'à ceux qui sont chargés de donner les soins et aux firmes
pharmaceutiques.

C’est pour ces raisons que j’adhère aux mécanismes alternatifs de
financement de la santé et la contractualisation dans le secteur.
Merci.

--
Théophile AGBOFOUN
DESS en Administration et Gestion
Gestionnaire de projets de Santé
Tél 21341674 IRSP Ouidah
GSM: +229 90951303 / 66383265

Cher Monsieur Agbofoun,

Vous insistez sur un point essentiel, un malentendu qui semble avoir la
"vie dure": effectivement, quand on parle de "gratuité" tout le monde sait
bien que tout à un coût, et donc que la santé n'est pas gratuite - le
système de santé lui-même à un coût: les structures ont besoin de
financement pour fonctionner, le personnel (médical et autres) doit être
payé (dignement) et les médicaments et matériel médical doivent bien être
achetés à quelqu'un... non, effectivement la santé n'est pas gratuite et
ce n'est d'ailleurs pas ce que prétendent les politiques de gratuité des
soins. Ces politiques ont comme objectif que les soins de santé soient
gratuits POUR LES PATIENTS, et pour être encore plus précise: gratuité (=
suppression du payement direct) pour les patients au niveau de la
structure de la santé (puisqu'il y a encore souvent des coûts liés au
déplacement, lié au manque à gagner que subit la personne malade qui ne
sait pas aller travailler, etc.)

Cette clarification apportée, la discussion doit alors en effet plus
porter sur: qui va financer les coûts?
Différentes études ont montré que le système de recouvrement des coûts
n'apporte finalement qu'une très faible partie du financement nécessaire
(autour des 7 - 10%) par contre, cette participation financière demandée à
la population exclue un grand nombre de personnes (et vu les chiffres de
morbidité et mortalité dans certains pays, l'utilisation des services de
santé est pourtant à encourager). Lors de la mise en oeuvre d'une
politique de gratuité (gratuité pour les patients, j'insiste) il s'agit
donc de remplacer cette partie de financement auparavant directement payée
par les patients ET de prévoir des financements accrus, vu qu'il a été
démontré que la gratuité (pour les patients) entraîne une augmentation de
l'utilisation des services: il y aura plus de patients, il faudra plus de
médicament et dans certains cas, il faudra engager plus de personnel...
tout cela doit effectivement être financé.

Le désavantage pour les structures de santé local, quand le recouvrement
des coûts est supprimé, c'est l'arrêt d'une source directe de financement
disponible au niveau local (les financements centraux ne prévoyant pas
/peu de financement pour les structures ou arrivant en faible quantité
jusqu'au niveau local) C'est là que la contractualisation, les modèles
basés sur la performance, etc peuvent présenter certains avantages:
rapprocher le financement (financement qui vient d'autres sources que la
population en tant que telle) du niveau où il doit être utilisé, la
structure de terrain. A noter que ces approches ne sont en rien
contradictoire avec une politique de gratuité. Il faut différencier la
politique, le coût, et les modèles de mise en oeuvre.

Dernier élément à ajouter afin d'éviter d'autres mal entendus:
l'utilisation des services de santé ne dépend pas uniquement du fait que
les patients doivent payer ou pas. Bien entendu la distance, certaines
préférences culturelles, la qualité du service, etc influenceront
également la recherche de soins. Néanmoins, là aussi, de nombreuses études
ont montré que pour les populations pauvres, la barrière financière est
souvent la barrière principale. La question principale reste donc veut-on
vraiment améliorer la santé de la population ou pas? Veut-on vraiment
encourager des politiques qui participeront à la lutte contre l'exclusion
ou pas? Si oui, dans les pays où la pauvreté est répandue, la politique de
ne pas demander au patient de payer est la plus cohérente - et l'enjeu est
surtout de mobiliser les financements nécessaires à partir d'une autre
source que la population.

Seco

Seco Gerard
Médecins Sans Frontières
Operational Centre Brussels (OCB)
+32 2 475 36 34

Bonjours

Je pense que le malentendu est au niveau politique. Plusieurs pays ont mis
en place une gratuité pour les enfants de moins de 5 ans, les femmes
enceintes et les accouchements. Il existe de nombreuses études économiques
sur ce sujet . Toutes montrent l'impréparation. Les techniciens doivent
ensuite assumer.
Partout le constat à été le même: asséchement total du financement de la
santé.
Assurance mutuelle universelle, mutuelles de santé, fond "gratuité" , il
faut mettre en place un système de tiers payant. Et cela coûte très cher
avec en plus au démarrage un manque de contrôle entrainant des dépenses
inutiles.
D’où peut venir cet argent ?? Malheureusement, aucun pays n'a atteint 15% de
son budget pour la santé. C'était pourtant un engagement commun.
L'aide internationale peut aussi intervenir. Elle a beaucoup d'argent, mais
la focalise sur le renforcement de l'offre , surtout dans le domaine du
médicament.( recherche de visibilité ??).
De nombreux rapports montre le manque d'efficacité de l'aide. Ne serait-elle
pas plus efficace focalisée sur un tiers payant pour les plus pauvres. C'est
cela le discours, mais l'application est souvent différente.

Les décisions politique de "gratuité partielle ou totale" seront à mon avis
inévitable. Il faut donc s'y préparer pour au moins limiter les dégâts
constatés dans les mois suivant les décisions.

Pour l'instant, en Côte d'Ivoire l'effet de la gratuité , c'est pour les
médicaments, l'achat par les malades à des prix plus élevés dans le secteur
privé.

Serge Barbereau

La gratuité des soins...

En réalité ce discours politique est en train de diffuser dans toute
notre Afrique. Il est vrai qu'à l'époque colonial la gratuité des
soins était assurée à tout le monde, mais notre monde actuelle ne
marche plus au diapason du temps colonial. La gratuité des soins
peut être appliquée pour une certaine catégorie de populations
les plus démunies par exemple mais faut-il encore mettre de l'ordre
dans nos pays pour qu'un système, quel qu’il soit, soit performant.

Je voudrais un peu parler de ce qui se passe dans un pays ou je vis le
Burundi. Les autorités politiques ont aussi décidé de faire des soins
gratuits. Dans certaines institutions hospitalières la mesure est
appliquée mais dans d'autres elles ne s'appliquent pas. Pourquoi cette
distorsion c'est parce que l'Etat ne recouvre pas toujours les frais que les indigents devait payer. Et les gestionnaires des hopitaux éprouvent d' énormes problèmes surtout pour l'approvisionnement en médicaments et autres produits nécessaires.

Ils font des appels d'offre misant sur la compensation que l'Etat
devait verser pour couvrir la gratuité des soins aux indigents mais
ce n'est toujours pas évident. Il est possible de créer des systèmes
qui puissent s'adapter à chaque pays mais la précipitation d'une
décision politique n'augure pas des lendemains certains pour ce genre
de problèmes.

Pharmacien Alexis Likango Liselele

[merci à tous pour vos contributions; comme le propose Théophile dans le mail ci-dessous, nous allons faire une synthèse de toutes interventions qui ont été faites sur le sujet et la mettre à disposition sur le site web de ReMeD. Ceux qui ne se sont pas exprimés mais qui ont aussi des points de vue, des articles ou des témoignages sur le sujet peuvent l'envoyer directement à cette adresse remed@remed.org nous en tiendront compte pour cette synthèse.CB]

Bonjour Docteur Alexis Likango Liselele,

Je tiens à vous remercier pour votre intervention. Au Bénin, la
gestion du fonds sanitaires des indigents présente beaucoup
d'insuffisances de même que celle de la gratuité des césariennes. La
gratuité de la prise en charge du paludisme chez les enfants de moins
de 5 ans et des femmes enceintes est différemment suivie sur le
terrain. Cette gratuité dont le lancement a été solennellement fait
par le Chef de l'Etat, en présence des différents partenaires dont le
représentant résident de l'OMS, rencontre des résistances dans sa mise
en œuvre. La plupart des directeurs d'hôpitaux pensent que c'est une
mauvaise décision mais ils n'osent pas se manifester ouvertement de
peur de perdre leur poste.

Je propose que le modérateur de ce forum fasse une synthèse des
différentes interventions sur cette question afin d'en faire un
document à mettre à la disposition des politiques.
Nous pouvons maintenant réfléchir sur l'amélioration et le
renforcement des mécanismes alternatifs de financement des dépenses de
santé dans nos pays.

Il faut que chaque pays prenne une part importante dans le marché des
produits de santé.

Merci

--
Théophile AGBOFOUN
DESS en Administration et Gestion
Gestionnaire de projets de Santé
Tél 21341674 IRSP Ouidah
GSM: +229 90951303 / 66383265

Merci pour cette proposition
Il me semble qu'il y a maintenant suffisamment d'expériences documentées pour ne plus en rester au débat d'opinions mais de structurer l'argumentation sur les faits établis
ReMeD nous a livré récemment les références de du supplément téléchargeable gratuitement de Health Policy and Planning (VOLUME 26 SUPPLEMENT 2 NOVEMBER 2011)
et je pense qu'il y a déjà là de quoi fixer les idées et sur quoi baser les propositions
Edouard Guévard